"J'ai les montres prêtes, mais pas les boîtes pour les livrer", confie à l'agence AWP, Xavier de Roquemaurel, directeur général de Czapeck, en marge du salon horloger Geneva Watch Days, se tenant du 29 août au 1er septembre. Installée pour l'occasion dans l'une des suites du Beau-Rivage, la maison a clôt son carnet de commandes dès la mi-avril lors du Watches & Wonders. "Il n'y a pas eu plus forte demande depuis au moins 50 ans. Pour l'heure, je n'ai reçu que 16% des boîtes prévues sur l'ensemble de l'année."

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Quelques couloirs dorés plus loin, H. Moser & Cie parle aussi d'un développement très satisfaisant mais d'une pénurie d'accessoires. "Ce n'est pas forcément dans la production de la montre en elle-même que nous voyons un fort ralentissement, mais dans la commande des supports de communication (PLV) comme les plateaux de démonstration par exemple," explique Claire Tellenbach, responsable marketing de la marque basée à Schaffhouse. "Plus largement, cela va même jusqu'à l'indisponibilité de certains matériaux pour la décoration de nos boutiques."

Même son de cloche chez HYT. Installée chambre 315 du palace, la marque genevoise, défend sa singularité avec un jeu de pistons et de fluides. Grand dam des horlogers, ici le liquide est la marque de fabrique futuriste. "Nous n'utilisons pas d'or par exemple car nous nous concentrons sur des matériaux en ligne avec notre adn, moderne et technologique, et cela nous protège des pénuries, des problèmes d'approvisionnement et des hausse des prix," explique Julien Haenny, responsable marketing et communication de la marque. "Par contre, c'est sur les délais de livraison plus long que nous ressentons un décalage entre les calendriers. Mais nous arrivons malgré tout à les maintenir malgré la situation, grâce au bon relationnel avec nos fournisseurs."

Du côté des grandes maisons, Bulgari dispose de solides stocks pour protéger sa production et assurer ses livraisons et services après-vente, mais certains de ses sites de fabrication de boites et de composants peuvent être impactés par des limitations de fourniture en électricité. "Nous travaillons actuellement sur différents scénarios, qui incluent nos fournisseurs et qui nous permettent d'en minimiser les conséquences," déclare à l'agence AWP Jean-Christophe Babin, directeur général de Bulgari.

Chaos temporaire

Le secteur a une santé de fer s'accordent à dire les professionnels sous le chapiteau siglé GWD. Cependant, pour créer une montre, il faut plusieurs étapes "et c'est justement là que se trouve le chaos. La sortie de crise post-covid n'a pas été bien préparée. Les vagues de licenciements notamment dans la chaîne logistique et le manque d'anticipation nous handicape aujourd'hui," lance Xavier de Roquemaurel. Pour 2022, le dirigeant table sur 600 montres livrées entre 12'000 et 120'000 francs, contre 300 en 2021 et moitié moins en 2020. "Nous allons produire directement en interne pour éviter les goulets d'étranglement, " annonce-t-il à AWP en dévoilant l'acquisition de machines-outils dont l'allumage est prévu en 2023.

"Assemblages, composants de mouvements et fabrication des spiraux se font dans notre manufacture. Nous grandissons et recrutons mais prudemment et à juste mesure," souligne de son côté la représentante de H. Moser & Cie. La société produit dans sa manufacture près de 2000 garde-temps, valant en moyenne 40'000 francs.

Pour Edoardo Bolla, spécialiste associé chez Phillips Bacs and Russo, "les problématiques de l'horlogerie sont à observer à échelle macroéconomique. Certes, le marché change continuellement et l'extrême volatilité pèse, mais si les professionnels passionnés restent concentrés sur leur objectifs et sur la qualité de cet artisanat en faisant fi des attaques extérieures, le secteur continuera d'aller bien."

Les exportations horlogères suisses ont progressé en 2021 de 31,2% à 22,3 milliards de francs, se remettant du Covid-19. Cet indicateur-clé de la branche suit sur les sept premiers mois de l'année la même tendance haussière avec près de 14,1 milliards de francs. Bulgari dit avoir enregistré depuis le début de l'année des records de vente dans toutes les régions du monde avec un fort rebond dans les boutiques, " sauf la Chine, même si il reste notre premier marché car la marque y est très forte." La maison italienne a profité des deux années de restrictions pour accélérer sa transformation digitale et attirer une nouvelle clientèle habituée aux achats en ligne.

Objet d'investissement comme de plaisir, la haute horlogerie et produits de luxe en général, séduisent un panel plus large de clients. "Le format du salon est unique dans cet industrie. Chaque marque est libre d'exposer là où elle le souhaite : boutique, hôtel, manufacture," raconte Jean-Christophe Babin. " Nous sommes passé de 25 à une trentaine de marques et des demandes pour 2023 ont déjà été formulées." ib/

A
ats