L'existence d'un préjudice envers la plaignante n'est pas donnée. "Le dommage n'est pas certain", a déclaré à La Chaux-de-Fonds (NE) le président du tribunal Christian Hänni. Une des conditions de la gestion déloyale n'est donc pas remplie, les prévenus doivent donc être acquittés. Swatch Group estimait son dommage à plus de 60 millions de francs.
"Le prix (ndlr: des glaces saphir) était un critère parmi d'autres", a ajouté le juge. La qualité, la réactivité et le délai de livraison peuvent être d'autres critères.
Swatch Group avait expliqué durant le procès que l'ex-responsable des achats de composants Tissot ne choisissait que les fabricants de boîtes qui commandaient chez cette société chinoise, même si les prix des glaces saphir y étaient surfaits.
Le juge Christian Hänni a relevé que ce dernier avait bel et bien la qualité de gérant. "Il avait l'autonomie d'imposer des fournisseurs ou des commandes. Il avait une liberté d'action importante". Idem pour l'ex-responsable qualité de la marque, décédé le 24 décembre 2021. L'ex-employé de CK Watch ne remplissait toutefois pas cette condition.
Peine ferme requise
Pour la cour, les avantages reçus par les trois ex-employés les ont conduits à agir de façon contraire aux intérêts économiques de leur employeur. Les prévenus, qui n'avaient jamais mentionné à leur employeur les montants reçus, ont manqué de "transparence en orientant des acheteurs et ont caché les sommes reçues à leur employeur".
Elles s'élèvent à 13,2 millions de francs sur dix ans pour le sexagénaire, ex-responsable des achats chez Tissot, à 800'000 francs sur six ans pour le Français de 47 ans, ex-employé de CK Watch, et à un peu plus d'un million pour l'ex-responsable qualité de Tissot.
Comme la procédure dure depuis plus de huit ans, les faits en lien avec la corruption active et passive sont prescrits. Comme il y a absence de crime, l'infraction de blanchiment d'argent tombe.
La défense avait plaidé l'acquittement. Les avocats des ex-employés de Swatch Group avaient expliqué que leurs clients n'avaient pas le statut de gérant - qui correspondrait à celui d'un directeur de marque - et qu'ils ne pouvaient donc pas être accusés de gestion déloyale aggravée. Pour eux, le "dossier était vide et sans preuves".
La procureure Vanessa Guizzetti Piccirilli avait requis une peine de quatre ans de prison ferme contre le quinquagénaire qui habite désormais au Vietnam et qui avait créé les sociétés en Chine. Elle avait requis trois ans de prison, dont un an ferme, pour l'ex-responsable des achats de Tissot et deux ans de prison avec sursis contre l'ex-employé de CK Watch.
Pour la procureure, "le dommage était constitué et objectif car la partie plaignante (Swatch Group) n'avait pas pu obtenir de rabais en lien avec le volume octroyé et avait subi une baisse de qualité, vu que des défauts avaient été occultés. Il y avait donc un manque à gagner", a déclaré la procureure.
Swatch Group ne veut pas s'exprimer
Selon le Ministère public, l'accusé, basé à Hong Kong, n'était que complice au sens de la loi mais il pouvait être considéré comme instigateur, vu qu'il a remis des sommes importantes à trois prévenus. La procureure va attendre le jugement motivé pour savoir si elle fait appel.
Pour la partie plaignante, un véritable montage avait été mis en place entre les prévenus, qui avaient des relations amicales, pour se faire de l'argent au détriment du groupe horloger, en créant des sociétés dans les imprimés et dans le commerce des glaces saphir. Swatch Group n'a pas voulu s'exprimer sur le jugement.
La partie plaignante a 60 jours pour intenter une action civile, sinon les séquestres seront levés.