"La crise du pouvoir d'achat se déchaîne, la confiance s'effrite, les inégalités explosent, notre planète brûle", et malgré tout, "nous sommes bloqués par un dysfonctionnement mondial colossal", a déploré Antonio Guterres en ouvrant cette semaine de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations unies.
"Ces crises menacent l'avenir même de l'humanité et le destin de la planète", a-t-il estimé. "Ne nous berçons pas d'illusion (...) Un hiver de grogne mondiale se profile à l'horizon".
Après le secrétaire général, pendant plusieurs jours, des dizaines de chefs d'Etat et de gouvernement du monde entier vont prendre la parole lors de cette grand-messe diplomatique annuelle qui reprend en personne après deux années perturbées par le Covid-19.
Parmi les dangers qui menacent le monde évoqués par le secrétaire général, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui sera au coeur de cette semaine diplomatique de haut niveau. Avec notamment une intervention mercredi du président ukrainien Volodymyr Zelensky - par vidéo grâce à une autorisation spéciale votée la semaine dernière par les Etats membres- et un Conseil de sécurité jeudi au niveau des ministres des Affaires étrangères.
"Fracturation" Nord-Sud
Dernier développement dans ce conflit, les autorités installées par Moscou dans quatre régions d'Ukraine ont annoncé mardi la tenue dans l'urgence du 23 et 27 septembre de "référendums" d'annexion par la Russie.
Des "référendums fictifs" qui ne sont pas acceptables, a dénoncé le chancelier allemand Olaf Scholz en marge de l'Assemblée générale.
"Nous continuerons d'intensifier nos efforts pour mettre fin à la guerre (...) sur la base de l'intégrité territoriale et de l'indépendance de l'Ukraine", a de son côté déclaré à la tribune le président turc Recep Tayyip Erdogan, appelant à une sortie "digne" de ce conflit pour toutes les parties.
Alors que les pays du Sud s'agacent de plus en plus que les Occidentaux focalisent leur attention sur l'Ukraine, Américains et Européens organisent mardi une réunion ministérielle sur la sécurité alimentaire, conséquence de cette guerre dont souffre toute la planète.
Le président français Emmanuel Macron a pour sa part accusé la Russie d'avoir provoqué un "retour des impérialismes" en ayant envahi l'Ukraine fin février.
"Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février dernier est un retour à l'âge des impérialismes et des colonies. La France le refuse et recherchera obstinément la paix", a martelé le président français.
Les tensions provoquées par la guerre en Ukraine font écho au ressentiment Nord-Sud dans la lutte contre le changement climatique.
Les pays pauvres, en première ligne des impacts dévastateurs d'un réchauffement dont ils ne sont pas responsables, se battent notamment pour que les pays riches tiennent enfin leurs promesses d'aide financière.
Une "guerre suicidaire"
"Il est grand temps de dépasser ces discussions sans fin", a lancé Antonio Guterres.
S'en prenant aux grandes entreprises productrices d'énergies fossiles qui "se régalent" de profits gonflés par la guerre en Ukraine, il a d'ailleurs appelé les pays riches à taxer ces profits pour les "rediriger" en partie vers les pays subissant des "pertes et dommages" en raison des impacts dévastateurs du changement climatique et vers les populations subissant l'inflation.
A deux mois de la conférence sur le climat de l'ONU COP27 en Egypte, "l'action climatique est passée au second plan" des autres crises, a-t-il également dénoncé, appelant à mettre fin à "notre guerre suicidaire contre la nature".
La Suisse et le Conseil de sécurité
De son côté le président de la Confédération a présenté au plénum ce que la Suisse voulait apporter en proposant sa candidature au Conseil de sécurité. "La Suisse a montré qu’elle était prête à prendre des responsabilités pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité dans le monde", a déclaré Ignazio Cassis. Elle veut renforcer l'efficacité du Conseil de sécurité.
"Nous nous engageons depuis longtemps en faveur d'une plus grande efficacité du Conseil de sécurité, d'une plus grande transparence de son travail et de l'implication de tous les acteurs concernés, a expliqué le président de la Confédération. La Suisse veut aussi promouvoir une paix durable, en mettant à disposition son expérience de longue date en matière de promotion de la paix et de prévention des conflits notamment.
Biden reporte
En raison des funérailles de la reine Elizabeth II lundi, le déroulé de la semaine a été perturbé. Le président américain Joe Biden a ainsi décalé son discours à mercredi, alors que les Etats-Unis, pays hôte du siège des Nations unies, s'expriment traditionnellement dans les premiers.
Autre sujet de préoccupation de la communauté internationale, le programme nucléaire de l'Iran, dont le président Ebrahim Raïssi est également à New York pour sa première Assemblée générale.
Il a notamment rencontré longuement mardi Emmanuel Macron qui l'a encouragé ces derniers mois lors d'entretiens téléphoniques à accepter les conditions proposées par les Européens pour redonner vie à l'accord nucléaire de 2015 censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique en échange de la levée de sanctions asphyxiant son économie.
Cette semaine de haut niveau compte en revanche quelques absents de marque, en particulier les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping.