A la suit des événements en Ukraine, "depuis le 24 février, beaucoup d'étrangers ont quitté la Russie", raconte Renaud Burnier à Keystone-ATS. Mais "un vignoble, ce n'est pas une échoppe de montre ou un magasin de chocolat que l'on peut fermer pendant six mois. C'est comme un enfant: on ne l'abandonne pas".
Comme les vignerons vaudois de Chabag il y a 200 ans, le Vulliérain de Nant (FR) a amené tout son savoir-faire à Natouhaevskaia, où la tradition viticole s'était perdue pendant l'ère soviétique. En 2001, après avoir sillonné le sud de la Russie avec son épouse, il découvre la terre de ses rêves à 20 km de la mer Noire près de Novorossijsk. Un terrain à mi-chemin entre le domaine des colons viticulteurs vaudois de Chabag et celui de leurs collègues tessinois de Piatigorsk.
Quarantaine de collaborateurs
A l'époque, au pays de la vodka, personne ne s'intéressait à la viticulture. Les deux époux travaillent alors d'arrache-pied pour créer un domaine viticole, surmontant d'innombrables obstacles. Ils font tout eux-mêmes, "de A jusqu'à Z", Renaud à la vigne et Marina à l'administration, au marketing et à la promotion.
Une vingtaine d'années plus tard, leur domaine est bien connu dans l'immense pays. Leur production se monte à 200'000 bouteilles annuelles, vendues aux restaurants, magasins et privés. Leur domaine de 50 hectares emploie une quarantaine de collaborateurs. Aujourd'hui, il est pionnier dans la production de vins de qualité biologique.
Sur place le silence
Sur place, "nous sommes surpris que personne ne parle de la situation par rapport à l’Ukraine. Rien n'a changé, personne n'a été mobilisé", relève Renaud Burnier.
Pour la PME, les conséquences des événements se traduisent essentiellement par des difficultés logistiques. "En raison des sanctions, il nous est impossible de faire venir du matériel d'Europe et d'effectuer des paiements entre la Russie et la Suisse", détaille-t-il.
La société Burnier Russie achète en effet le matériel à la société suisse. "Nous sommes bloqués sur certains produits, comme les barriques", raconte le Fribourgeois. "Nous avons utilisé les restes de stock pour les vendanges. Pour la suite, c'est un grand point d'interrogation".
Sans compter que les déplacements se sont complexifiés depuis le 24 février pour rejoindre Novorossisk ou Anapa. Il faut passer par Istamboul ou par Belgrade. "Avant il était possible de faire le voyage en douze heures. Dernièrement, nous avons mis 52 heures pour arriver".
Pas toujours de distinction
Le couple navigue ainsi entre deux nations en froid. En Russie, cela s'est notamment traduit par l'abandon d'un projet de congrès pour marquer les 200 ans de l'arrivée des vignerons suisses en Russie. "Aujourd’hui, la Suisse est officiellement un pays hostile pour les Russes", relève Marina Burnier.
Sur territoire helvétique, où les Burnier produisent 30'000 bouteilles par an, "les gens font souvent la distinction entre le pouvoir et le peuple russe. Mais certains sont en général contre tout ce qui est russe".
Boisson de paix
"Le vin est une boisson de dialogue, une boisson de paix", affirme Renaud Burnier. Il n'a pas de couleur politique. Notre devoir, c'est de continuer à faire du bon vin tout en préservant la nature". Et de constater "qu'autant la situation géopolitique se péjore, avec des conflits partout dans le monde, autant la nature a explosé cette année: le rendement et la qualité de la récolte étaient exceptionnels".