Le tract des organisateurs, qui appelait à manifester pour "un canton sans géothermie profonde", était titré "Fracking? Non merci". Il invitait la population (jeunesse, agriculteurs, citoyens, entreprises et propriétaires) à se mobiliser contre un projet relancé en janvier 2022, après un revirement de l'exécutif cantonal.

La manifestation s'est déroulée au lieu-dit la Croisée dès midi, dans une ambiance détendue, avec animations et concerts. "Nous sommes tous concernés" ou encore "Jura lève-toi!", les organisateurs ont délivré un message sans détour, eux qui voulaient, leur président Jack Aubry en tête, une réunion "puissante et pacifique".

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Moitié de surprise

S'exprimant sur la mobilisation, ce dernier a parlé d'un joli succès. "Nous tablions sur 500 personnes et davantage, secrètement", a-t-il confié Keystone-ATS. "Nous savions que la population était opposée à ce projet expérimental. Ainsi, nous montrons au Gouvernement jurassien qu'elle n'en veut pas en grande majorité."

L'événement a été décrit comme "une chance unique pour le peuple de pouvoir enfin s’exprimer". Trois cortèges d’opposition ont rallié le site à partir des villages de Glovelier, Bassecourt et Berlincourt. Les discours, prononcés sous un ciel menaçant, mais sans pluie, ont repris les arguments délivrés le 18 avril devant la presse.

Les opposants à la géothermie profonde ont répété exiger "l'arrêt immédiat d'un projet clivant". Selon l'association CRJ, "le projet de Haute-Sorne est une catastrophe annoncée non seulement pour la population jurassienne aujourd'hui, mais aussi pour les générations futures, une expérience désastreuse pour toute une région".

Minuit moins une

Le document d'opposition mentionne la protection des eaux souterraines, la consommation d'eau, les risques de sismicité ou encore ceux liés à la radioactivité. Le collectif doute aussi du caractère durable d'un projet soutenu par la Confédération. Il espère que les députés jurassiens se resaisissent du dossier.

"Il est minuit moins une, les forages sont quasi prêts à démarrer", ont avancé les opposants. Pour rappel, une initiative populaire avait été déposée contre le projet avant d'être invalidée en 2018 par la Cour constitutionnelle. Le Tribunal fédéral avait lui rejeté la même année le recours déposé par des habitants de Haute-Sorne.

Les promoteurs ont testé en février des capteurs pour mesurer l'activité sismique. Une phase de forage d'exploration devrait démarrer l'an prochain. La production d'énergie n'interviendra pas avant l'horizon 2028-2029, selon le calendrier prévisionnel de la société zurichoise Geo-Energie Suisse (GES).

Le projet est géré par une filiale, Geo-Energie Jura. Il prévoit la production d'électricité pour 6000 ménages, grâce à la stimulation hydraulique. L'Etat affirme avoir renforcé la sécurité avec une réévaluation du risque de façon permanente, assurant que tout a été mis en oeuvre pour ne pas exposer la population et l'environnement.

Commission ad hoc

Une commission de suivi et d'information a été créée pour jouer la carte de la transparence et répondre au public. Elle a établi un protocole de fissures des bâtiments dans la zone concernée. L'organe entend dépassionner le débat et jouer la transparence. L'association CRJ a refusé d'y participer, estimant qu'elle n'était pas neutre.

De son côté, l'Office fédéral de l'énergie avait salué il y a quinze mois la décision du canton du Jura, qui selon lui "ouvre la voie à la réalisation d'un important projet pilote de production d'électricité". Pour rappel, il a attribué en 2020 une contribution d'exploration de 90 millions de francs au maximum au projet.

L'exécutif cantonal avait dit alors être conscient "des enjeux et de la nécessité de mener une politique de développement des énergies renouvelables intégrant les impératifs sécuritaires, la protection de la population et de l’environnement".

"L'emballage est différent, mais le contenu est tout autant dangereux", a conclu Jack Aubry.

S
SDA