A Paris, plus de 1000 personnes étaient rassemblées dans l'après-midi en mémoire d'Adama Traoré, un jeune homme décédé peu après son interpellation par des gendarmes en juillet 2016, et ce malgré l'interdiction de manifester édictée par les autorités pour "risques de troubles à l'ordre public".

Assa Traoré, soeur d'Adama devenue depuis la mort de ce dernier une figure du combat contre les violences policières, y a pris la parole sur un banc de la place de la République devant plusieurs élus du parti d'opposition de La France insoumise (gauche radicale) et entourée d'un important dispositif des forces de l'ordre.

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"Police raciste"

"On marche pour la jeunesse, pour dénoncer les violences policières. On veut cacher nos morts. On autorise la marche de néo-nazis mais on ne nous autorise pas à marcher", a-t-elle déclaré en référence à un défilé de centaines de militants d'ultradroite en mai dernier à Paris qui avait fait polémique car autorisé par les autorités.

"La France ne peut pas donner des leçons de morale. Sa police est raciste, sa police est violente", a aussi affirmé Assa Traoré, qui avait annoncé sa présence place de la République samedi après-midi sans directement appeler ses soutiens à la rejoindre, pour ne pas être accusée d'organiser une manifestation illégale.

"Le gouvernement a décidé de mettre de l'huile sur le feu" et "de ne pas respecter la mort de mon petit frère", a ajouté Mme Traoré, évoquant "un manque de respect total" et qualifiant de "prétexte" l'argument brandi par le préfet de police de Paris - une pénurie de forces de l'ordre, mobilisées par les émeutes, pour sécuriser le cortège - pour interdire la manifestation.

Dispersion

Peu après son discours, les forces de l'ordre ont demandé aux gens de se disperser et quelques bousculades ont eu lieu, alors que les manifestants scandaient "Justice pour Nahel", ont constaté des journaliste sur place, qui ont vu des personnes se faire verbaliser. Les manifestants sont ensuite partis en cortège dans le calme.

La préfecture a motivé l'interdiction du rassemblement par le "contexte tendu" et les "cinq nuits consécutives" de violences urbaines en région parisienne et dans la capitale, après le décès de Nahel M., 17 ans, tué par un policier lors d'un contrôle routier le 27 juin à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris.

Les violences urbaines qui ont suivi, sans précédent depuis 2005, ont jeté une lumière crue sur les maux de la société française, des difficultés des quartiers populaires aux relations houleuses entre jeunes et forces de l'ordre.

"Deuil et colère"

Une trentaine d'autres manifestations contre les violences policières ont été répertoriées en France, de Paris à Marseille (sud) et de Nantes (ouest) à Strasbourg (est). Le rassemblement prévu à Lille (nord) a lui été interdit.

A Strasbourg, ils étaient environ 400, selon une journaliste de l'AFP. "Ça suffit, les coups de fusil, les LBD (lanceurs de balles en caoutchouc, utilisés pour disperser des manifestations et accusés de causer de graves blessures, ndlr) etc. On a besoin de policiers de proximité", y a déclaré Geneviève Manka, une retraitée.

Au total, près d'une centaine d'associations, syndicats et partis politiques classés à gauche avaient appelé à des "marches citoyennes" pour exprimer leurs "deuil et colère" et dénoncer des politiques jugées "discriminatoires" contre les quartiers populaires.

Ces organisations demandent notamment "une réforme en profondeur de la police, de ses techniques d'intervention et de son armement".

Insoumis

Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, avait critiqué vendredi les appels d'organisations dont "la seule proposition" est selon lui "d'appeler à manifester (...) samedi dans les grandes villes qui ne se sont pas encore remises des saccages". Il a particulièrement pointé la responsabilité des élus, dont ceux de la France insoumise.

Samedi, le quai d'Orsay a réagi fortement aux critiques d'un comité d'experts de l'ONU qui avait lourdement critiqué la gestion des émeutes par les forces de l'ordre, réclamant notamment l'interdiction du "profilage racial".

La France "conteste des propos qu'elle juge excessifs" et "infondés", a répondu le ministère des Affaires étrangères, soulignant notamment que "la lutte contre les dérives de contrôles dits +au faciès+ (s'était) intensifiée".

Depuis le 27 juin, plus de 3700 personnes ont été placées en garde à vue en lien avec les émeutes, dont quelque 1160 mineurs, selon des chiffres du ministère de la Justice, qui a fait état vendredi de près de 400 incarcérations.

S
SDA