L'audience de Grande Chambre, mobilisant 17 juges, a été ouverte par la présidente de l'institution, l'irlandaise Síofra O'Leary, peu après 09h15 au siège de la cour à Strasbourg.

«Ce dossier est l'une des trois affaires» portant sur le réchauffement climatique examinées par la cour, a indiqué Mme O'Leary, mentionnant les deux autres plaintes, visant la France et la Suisse, qui vont amener la CEDH à définir sa position sur le sujet.

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Plus de 80 avocats

Plus de 80 avocats et juristes représentants les Etats incriminés, à l'exception de la Russie, étaient présents à l'audience. Seuls les représentants du Royaume-Uni, de la Belgique, du Portugal, des Pays-Bas et de la Turquie seront amenés à développer à l'oral leurs arguments, les autres déposant des conclusions écrites.

Les six requérants, âgés de 11 à 24 ans, assurent que «l'inaction climatique» a des conséquences sur leur santé et leurs conditions de vie, en violation notamment du «droit à la vie» et du «droit au respect de la vie privée» inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

«Sans une action urgente pour réduire les émissions, l'endroit où je vis deviendra bientôt une fournaise insupportable», soutient Martim Duarte Agostinho, 20 ans, qui a donné son nom au dossier. «Cela me fait mal de savoir que les gouvernements européens pourraient faire bien plus pour empêcher cela et choisissent de ne pas le faire».

Lui et ses camarades ont entamé la procédure après avoir vécu de près les incendies qui ont brûlé des dizaines de milliers d'hectares et fait plus de 100 morts dans leur pays en 2017.

Leur démarche «pourrait représenter une avancée décisive en matière de litiges climatiques», estime Catherine Higham, chercheuse en sciences politiques à la London School of Economics. «En cas de succès, les gouvernements devront changer de cap et réduire leurs émissions plus rapidement pour montrer qu'ils se conforment à la décision».

«David contre Goliath»

Plusieurs dizaines d'avocats et juristes sont attendus pour défendre la cause des Etats face aux six jeunes gens qui, de leur côté, n'ont pas manqué de solliciter le soutien d'ONG et de militants de la cause écologique un peu partout en Europe.

«C'est une affaire à la David contre Goliath», se plaît à comparer Gearoid O Cuinn, directeur de l'ONG britannique Global Legal Action Network (Glan), qui accompagne et défend les six plaignants. «C'est une affaire sans précédent par son ampleur et par ses conséquences».

Mais avant de se prononcer sur le fond, la Cour examinera en premier lieu la recevabilité de la requête, selon des critères stricts qui valent chaque année à de nombreux dossiers d'être retoqués. Et dans cette procédure inédite, notamment par le nombre d'Etats concernés, la question devrait être vivement débattue.

La CEDH exige habituellement que les requérants aient épuisé les voies de recours devant les tribunaux nationaux avant de se tourner vers elle. Or ici, les six plaignants ont directement saisi l'institution : conduire des procédures distinctes dans chacun des pays concernés représenterait selon eux une «charge excessive et disproportionnée», dont ils se sont donc dispensés.

Si le dossier est jugé recevable, alors la décision, attendue au mieux en 2024, sera scrutée: la jurisprudence de la cour en matière de réchauffement climatique est encore vierge.

Dans leur démarche, les plaignants ont aussi attiré l'attention de la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, qui a adressé des observations à la Cour.

Elle estime que les juges doivent «apporter une protection concrète aux personnes qui subissent les conséquences du changement climatique», et prendra la parole au cours de l'audience pour exposer ses arguments. Une prise de parole du directeur su service juridique de la Commission européenne est également prévue.

S
SDA