C'est en 1988 que les Milli Vanilli déboulent dans le paysage de la pop, portés par le tube «Girl You Know It's True», dans l'écurie de Frank Farian, faiseur allemand de tubes déjà responsable du succès de Boney M.

Plastique impeccable, belles gueules, danseurs hors-pair, dreadlocks dans le vent, les nouvelles stars, Fab Morvan et Rob Pilatus, courent les plateaux télé et décrochent même un Grammy, récompense musicale suprême aux Etats-Unis.

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Tout tient du conte du fées pour la paire, qui s'est rencontrée à Munich - d'où est originaire Pilatus - et qui vivotait jusqu'alors comme danseurs pour des shows télé ou mannequins occasionnels.

La révélation de la supercherie provoque une onde de choc mondiale.

Dans le documentaire (1h40) que le réalisateur Luke Korem consacre à cette affaire, on revoit notamment une conférence de presse épique, quand les Milli Vanilli tentent de s'expliquer. Morvan est prostré et Pilatus ne peut argumenter, acculé par des relances agressives.

Quand il suggère un pacte avec le diable pour s'extraire de leur condition modeste, un journaliste aboie: «votre talent aurait suffi pour vous en sortir !». «C'est bien une remarque d'un mec blanc ça», lâche lucidement quelqu'un hors-champ.

Le duo sera notamment obligé de rendre son Grammy.

Le documentaire va toutefois plus loin et s'emploie à rétablir l'échelle des responsabilités, avec au premier rang Frank Farian, puis les responsables de la maison de disques Arista.

«On voit enfin toutes les strates, en ne s'arrêtant pas à 'Rob et Fab, ils ont menti'», se réjouit auprès de l'AFP Fab Morvan, cloué au pilori quand le stratagème fut dévoilé.

Rob Pilatus, autre figure du tandem, est lui décédé en 1998, tombé dans la drogue dure et longtemps désigné, aux côtés de son ami, comme les seuls méchants de l'histoire.

«Du jour au lendemain, on est devenu des lépreux», raconte le survivant, Parisien de racines guadeloupéennes, 57 ans, désormais établi à Amsterdam, père de quatre enfants et qui n'a jamais arrêté la musique.

Racisme sous-jacent

Il ressort du film un racisme sous-jacent, comme l'établit le critique musical américain Hanif Abdurraqib. Leur public, en majorité blanc, n'a pas supporté d'avoir été floué par deux artistes noirs.

Le producteur Frank Farian, qui refuse de s'exprimer dans le documentaire, reprochait leurs accents bavarois pour Pilatus et français pour Morvan, comme le raconte l'assistante et ex-amante du producteur, Ingrid Segieth, qui témoigne dans le film.

Il enregistre donc les titres avec des doublures-voix - chanteurs présents dans le documentaire - tandis que Morvan et Pilatus signent un contrat sans le lire. «On était trop naïfs», rembobine le survivant.

Le piège se referme. Le duo prend goût au succès, à une vie jet-set - «on était bien dans ce bain chaud», décrit aujourd'hui le Français - et s'enlise dans la duplicité. Mais, comme le dit Morvan dans le film: «Le mensonge prend l'ascenseur quand la vérité monte les escaliers».

S
SDA