Depuis son arrivée, l'Association européenne de libre-échange (AELE) aura dû faire face à une montée des tensions commerciales mondiales, à la sortie britannique de l'UE, à une pandémie et à un retour d'un conflit en Europe avec la guerre en Ukraine. De même qu'à la transition numérique et verte sur le continent européen.

Parmi ses défis, le Brexit aura constitué un changement considérable pour l'Europe et pour l'Espace économique européen (EEE), dont font partie trois des membres, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein, mais pas la Suisse. Ces trois pays ont abouti à un accord de libre-échange «large» avec Londres, négocié entièrement en ligne pendant la pandémie avant la signature, rappelle l'ambassadeur Gétaz dans un entretien à Keystone-ATS.

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«On a pu reconstruire des relations normales. Même si on n'est pas au niveau du marché commun, l'essentiel est préservé», dit-il. En revanche, la Suisse, qui était partie plus tôt dans les discussions avec comme objectif de maintenir une continuité dans un accord simplifié, a négocié seule avec les Britanniques.

«Je me suis battu sans succès pour qu'elle rejoigne le train des autres membres, pour un arrangement à quatre», déplore M. Gétaz qui regrette que ceux-ci n'aient pas réussi à s'entendre sur un tel projet. «C'eût été bon pour l'AELE comme élément constitutif de la construction européenne et pour les intérêts nationaux des quatre pays». Avec le poids de la Suisse dans les négociations, les conditions auraient été meilleures pour tout le monde, dit l'ambassadeur.

Dédramatisation du lien Berne-Bruxelles

M. Gétaz s'appuie sur son expérience pour dédramatiser les tensions entre Berne et Bruxelles. «J'ai conclu, après avoir oeuvré pendant des années sur l'EEE, que le contenu des accords institutionnels n'est pas si décisif. Ce qui l'est, ce sont les fondamentaux politiques qui gouvernent les relations entre les parties».

Pour les Vingt-Sept, les pays de l'EEE sont les partenaires les plus proches. «On se fait confiance et on parle le même langage, on collabore à des solutions communes», dit le secrétaire général sortant, qui part fin décembre et sera remplacé par le Liechtensteinois Kurt Jäger.

Des exemples entre l'UE et les pays de l'AELE membres de l'EEE montrent que des solutions sont toujours trouvées ou que des organes de règlement des disputes fonctionnent, selon lui. Même si la pandémie a montré que Bruxelles oublie parfois d'exonérer les pays de l'AELE au moment de décider de restrictions sur les vaccins.

En revanche, si les fondements politiques de la relation ne sont pas bons, les paragraphes des accords feront office d'arbitre. «Il faut par conséquent d'abord s’entendre sur ce que l'on attend fondamentalement de notre relation», estime M. Gétaz.

De leur côté, les trois autres pays de l'AELE voient différemment les relations entre la Suisse et l'UE. Vaduz est favorable à un rapprochement, l'Islande est pragmatique, alors qu'Oslo est soucieuse de possibles effets sur son débat interne sur l'EEE, selon le Vaudois.

Prudence avec l'Inde et le Mercosur

Pour la Suisse, l'association est surtout synonyme de la quarantaine d'accords de libre-échange qui ont été conclus pour l'accès au marché dans des Etats tiers. Parmi les négociations actuelles, le conseiller fédéral Guy Parmelin s'était montré enthousiaste il y a quelques mois sur une relance avec l'Inde. «Les Indiens ont changé de politique. Un accord est possible mais cela reste compliqué», dit M. Gétaz.

Même prudence avec le bloc sud-américain du Mercosur. Le retour du président brésilien Lula et les premières déclarations de son homologue argentin sont prometteurs.

Plus largement, même s'il estime que la déglobalisation ne se manifeste pas encore vraiment en termes de volume du commercial mondial, le secrétaire général relève que «le mouvement de fond affecte de manière assez forte» l'AELE. Les quatre membres sont amis du système multilatéral et doivent faire face au retour des politiques de puissance par la Chine, les Etats-Unis et l'UE.

«Les gros acteurs ne vont pas s'occuper de nos intérêts et nous n'avons pas de puissance similaire», insiste le secrétaire général. Dans ses discussions avec des Etats tiers, l'AELE devient même parfois victime des politiques des grands pays.

Discussion sur l'AELE à mener

Pour rattraper les restrictions liées à la pandémie, les négociations se sont multipliées ces dernières années. «Quand tout cela sera terminé, il faudra se demander si le modèle d'affaire est toujours adapté», glisse l'ambassadeur. Les accords sont de plus en plus larges avec des pays qui sont de moins en moins importants dans le volume commercial. «Il va falloir réinventer l'AELE», a ajouté M. Gétaz.

Il propose comme pistes pour l'avenir d'investir dans le suivi et l'application des accords existants. Et chercher des accords qui ciblent des thématiques comme le commerce électronique ou les biens environnementaux.

M. Gétaz souhaite aussi un mécanisme plus informel de dialogues commerciaux, par exemple avec l'Union africaine (UA). Et que l'association soit active dans les futures discussions européennes, notamment avec l'Ukraine.

Après 33 ans dans la fonction publique, celui qui avait démarré comme stagiaire à l'AELE au moment des négociations de l'entrée dans l'EEE va rejoindre pour la première fois le secteur privé. Il va occuper un poste à responsabilité dans une grande entreprise établie à Genève.

S
SDA