Des artistes comme Taylor Swift, des politiciennes, mais aussi des anonymes, qui publient leurs photos sur les réseaux sociaux, sont victimes de deepfakes pronographiques, une pratique qui bénéficie à la fois du développement de l'IA et des lacunes de la législation dans de nombreux pays.
Le choc des victimes
Le documentaire de la Britannique montre le choc que provoquent de telles images auprès des jeunes femmes concernées. Une victime de la pornographie deepfake - elle porte le nom de Taylor Klein dans le film - décrit le moment où elle découvre son propre visage, sur l'écran de son ordinateur, monté sur le corps d'une actrice porno.
L'étudiante en ingénierie s'est fait voler des photos publiées en ligne. Le vrai nom et l'école que l'Américaine fréquentait ont été postés. Taylor Klein avait même des vidéos sur des sites pornographiques comme Pornhub, qui ont généré des milliers de vues.
La police n'a pas été d'une grande aide. «Je dois regarder cela de très près pour savoir si c'est vraiment vous», a dit un policier. Aux Etats-Unis, il n'existe pas encore de loi au niveau fédéral contre la pornographie deepfake.
Comme l'explique un expert dans le film, les images créées à l'aide d'un logiciel d'intelligence artificielle ne tombent pas sous le coup du droit pénal en matière sexuelle, car elles ne concernent pas le corps réel de la victime. Jusqu'à présent, il est tout au plus possible d'agir en retrouvant les auteurs présumés.
Pour protéger Taylor Klein d'une nouvelle humiliation dans «Another Body», la réalisatrice ne lui a pas seulement donné un autre nom. Le visage, celui d'une actrice engagée par Sophie Compton, n'est pas non plus le sien.
Combat politique et judiciaire
L'action de la jeune réalisatrice anglaise ne se limite pas à un film. Elle a engagé un combat politique aux Etats-Unis et en Angleterre.
«Nous avons commencé à faire des recherches sur les deepfakes lorsqu'ils sont apparus pour la première fois sur Reddit en 2017, a dit à Keystone-ATS la réalisatrice au téléphone depuis Londres. Nous les avons vus se transformer d'objets numériques assez rudimentaires en vidéos très réalistes.»
Elle avance encore que 96% des vidéos deepfake sur le web sont de nature pornographique, selon une étude publiée en 2019. Presque sans exception, les cibles sont des femmes.
Pour tenter d'endiguer le problème, elle et son organisation #myimagemychoice, ont interpellé la Maison Blanche, qui commence à se préoccuper du sujet. Une action collective a également été intentée par plus de 50 personnes contre Pornhub: elles contestent l'interprétation actuelle de l'article 230 de la loi américaine qui accorde l'immunité aux plateformes en ligne.
Des deepfakes personnalisés pour 30 dollars
«On peut se procurer des deepfakes personnalisés pour 30 dollars. Ces sites se font donc beaucoup d'argent», relève encore Sophie Compton.
La jeune femme va poursuivre son combat militant dans le domaine du deepfake jusqu'à ce qu'un changement de législation intervienne aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, a-t-elle expliqué. Même si entretemps, elle filmera d'autres sujets.
«Another Body» sera présenté en première suisse le jeudi 14 mars à 19h30 au FIFDH. A l'issue de la projection une discussion est prévue avec la réalisatrice Sophie Compton et des expertes comme notamment Sophie Maddocks, chercheuse sur les abus sexuels en ligne à l’Université de Pennsylvanie.
Le FIFDH se tient du 8 au 17 mars. De nombreuses personnalités sont attendues comme l'activiste américaine Angela Davis ou le Prix Nobel de la paix Dmitri Mourato