De retour pour la première fois en Europe depuis 2019, le numéro un de la superpuissance asiatique a organisé sa tournée sous le sceau de l'équilibre diplomatique: après la visite d'Etat en France, qui lui demande depuis un an d'user de son influence pour «ramener la Russie à la raison», il se rendra en Serbie et Hongrie, deux pays restés proches de Moscou.
«Dans l'après-midi du 5 mai, heure locale, le président Xi Jinping est arrivé en avion à Paris pour débuter une visite d'Etat en France», a indiqué la télévision officielle chinoise CCTV.
Il a été accueilli vers 16h00 par le Premier ministre Gabriel Attal à l'aéroport parisien d'Orly.
Lundi, Xi Jinping, qui vient célébrer les 60 ans de relations diplomatiques franco-chinoises, enchaînera les rendez-vous avec Emmanuel Macron, qui s'est concerté en amont avec le chancelier allemand Olaf Scholz.
Le matin, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen se joindra au duo franco-chinois à l'Elysée pour une session qui devrait permettre de soulever les différends commerciaux.
Et ils sont nombreux. Menacée d'être prise en tenailles entre les économies américaine et chinoise, massivement aidées par la puissance publique, l'Union européenne a multiplié ces derniers mois les enquêtes sur les subventions étatiques chinoises à plusieurs secteurs industriels, notamment aux véhicules électriques, accusées de fausser la concurrence.
«Trêve olympique»
Dans un entretien à La Tribune dimanche, Emmanuel Macron reconnaît que les Européens ne sont «pas unanimes» sur la stratégie à adopter car, dit-il, «certains acteurs voient toujours dans la Chine essentiellement un marché de débouchés» alors qu'elle «exporte massivement vers l'Europe».
Il plaide, lui, pour «mieux protéger notre sécurité nationale», «être beaucoup plus réalistes dans la défense de nos intérêts» et «obtenir la réciprocité».
A Pékin, ces mesures jugées «protectionnistes» passent mal. Les autorités chinoises ont lancé leur propre enquête antisubventions visant essentiellement le cognac français, contre laquelle le président français compte s'élever.
Si aucun contrat mirobolant n'a été annoncé à ce stade, des discussions sur des investissements étaient en cours jusqu'au bout. Un forum économique franco-chinois est aussi prévu lundi au théâtre Marigny.
L'après-midi, après une cérémonie protocolaire d'accueil en grande pompe aux Invalides, et avant un banquet à l'Elysée, Emmanuel Macron et Xi Jinping se retrouveront en tête-à-tête pour la séquence la plus politique, puis s'exprimeront devant la presse.
Le Français compte demander au Chinois de soutenir la «trêve olympique» pour «l'ensemble» des conflits à l'occasion des Jeux de Paris cet été.
Paris veut a minima s'assurer que la Chine, principale alliée du président russe Vladimir Poutine, ne bascule dans un soutien clair à son effort de guerre face à Kiev. Voire «l'encourager à utiliser les leviers» dont elle dispose sur Moscou pour «contribuer à une résolution de ce conflit», selon l'Elysée.
Casser le protocole
Emmanuel Macron avait porté ce même message il y a un an lors de sa propre visite d'Etat en Chine, avec des résultats modestes.
Pour Marc Julienne, chercheur à l'Institut français des relations internationales, «cette approche révèle un manque de compréhension des intérêts et de la stratégie de Pékin», qui veut «se tenir à distance du conflit» et n'entend «pas s'impliquer davantage, ni dans le sens des Européens, ni dans le sens d'un soutien militaire à la Russie».
Le président français tentera néanmoins d'enfoncer le clou mardi, dans les Pyrénées, à l'occasion d'une escapade plus personnelle entre les deux hommes, accompagnés de leurs épouses.
L'objectif de ce déjeuner sur le col du Tourmalet, là où, enfant, il passait ses vacances chez sa grand-mère, est éminemment diplomatique: casser l'imposant protocole pour instaurer un dialogue plus direct, notamment sur l'Ukraine.
Sur la question sensible des droits humains, Emmanuel Macron dit préférer évoquer «les désaccords» plutôt «derrière des portes closes». Paris n'a pas non plus tenu à ériger en priorité le dossier de Taïwan, pourtant au coeur des fortes tensions entre les Etats-Unis et la Chine.
Plusieurs centaines de militants tibétains se sont rassemblés dimanche place de la République à Paris pour dénoncer en la Chine «un prédateur» et «un régime colonial». «Non au totalitarisme chinois», pouvait-on lire sur une banderole.
De mercredi à vendredi, Xi Jinping ira ensuite en Serbie et en Hongrie.