En pleine pandémie de Covid-19, ce financier américain d'origine sud-coréenne avait accumulé, en quelques mois, des positions massives, et dissimulées pour l'essentiel, dans quelques sociétés. A son pic, en mars 2021, Archegos était exposé à hauteur de 160 milliards de dollars par le biais de produits dérivés, qui lui permettaient d'influer, par exemple, sur plus de 50% des actions en circulation du groupe de médias ViacomCBS, devenu depuis Paramount Global.

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Grâce à ces produits dérivés, des «swaps», et à des emprunts, la société de Bill Hwang avait démultiplié sa force de frappe, mais aussi les risques encourus. Son objectif était de faire grimper le cours des quelques sociétés dans lesquelles Archegos avait investi, au point de quasiment quadrupler la valorisation de ViacomCBS en un peu plus de quatre mois.

Parmi les cibles de Bill Hwang, personnage affable et pince-sans-rire à la chevelure toujours plaquée en arrière, figuraient également Discovery, devenu depuis Warner Bros Discovery, et les sociétés chinoises Baidu et Tencent. Dans le même temps, le quinquagénaire et trois de ses cadres ont masqué, selon l'accusation, la taille de leurs positions aux établissements qui leur vendaient ces «swaps» ou lui prêtaient de l'argent.

A l'audience à New-York, son avocat, Barry Berke, a nié le fait que son client ait trompé des banques, selon des médias. Il a prédit qu'il présenterait suffisamment d'éléments pour disculper le financier. Considéré juridiquement comme un «family office», une structure familiale qui ne gère que ses propres fonds et pas ceux de clients, Archegos était exempté de certaines obligations d'information publique et de contrôle des régulateurs.

Credit Suisse touché

Archegos n'était qu'un «château de cartes», a affirmé, lundi, la substitut du procureur, Alexandra Rothman, dans son propos liminaire, selon plusieurs médias américains. Le fragile édifice s'est effondré lorsque ViacomCBS a annoncé, le 21 mars 2021, une augmentation de capital, qui a déclenché un mouvement brutal de ventes des titres à Wall Street.

Cette inflexion a provoqué un effet domino, qui a fait fondre à vitesse accélérée la trésorerie d'Archegos et plonger le cours des titres que détenait le fonds d'investissement. Au lieu de chercher à limiter les dégâts, les dirigeants du fonds ont injecté leurs derniers dollars pour tenter de faire remonter les prix des actions, en vain.

Environ 100 milliards de dollars de capitalisation boursière se sont ainsi envolés, lésant les autres actionnaires de ces entreprises et les établissements qui avaient fait affaire avec Archegos, principalement des banques. La plus touchée a été Credit Suisse, qui a perdu quelque 5,5 milliards de dollars. Au total, l'ardoise se monte à environ 10 milliards pour les banques prises dans ce tourbillon.

Durant la même période, Credit Suisse a dû faire face à une autre défaillance, celle de la société de financement Greensill Capital, dans laquelle ses clients avaient investi environ dix milliards de dollars. Ces deux événements ont encore un peu plus fragilisé Credit Suisse, qui a frôlé la faillite en mars 2023 avant d'être repris par son concurrent suisse UBS, lui-même affecté par le scandale Archegos, de même que, notamment, le japonais Nomura et l'américain Morgan Stanley.

Interpellé en avril 2022, l'ancien patron d'Archegos, de son vrai nom Sung Kook Hwang, fait face à onze chefs d'accusation, principalement liés à de la fraude et de la manipulation de marché. Il est passible de 220 années de prison. Désormais âgé de 60 ans, Bill Hwang est jugé devant un tribunal fédéral de Manhattan aux côtés de l'ancien directeur financier d'Archegos, Patrick Halligan.

Deux anciens cadres d'Archegos, Scott Becker et William Tomita, ont plaidé coupable et devraient témoigner lors du procès, prévu pour durer jusqu'à huit semaines. Selon plusieurs médias américains, les avocats de Bill Hwang entendent charger les banques, affirmant qu'elles ont traité avec Archegos en connaissance de cause.

En 2012, Bill Hwang avait déjà été mis en cause par la justice américaine, et son fonds d'investissement Tiger Asia avait dû plaider coupable de délit d'initié. Le financier avait échappé à une inculpation aux Etats-Unis mais accepté de verser 44 millions de dollars au régulateur américain des marchés, la SEC. Il avait, par ailleurs, été condamné par un tribunal de Hong Kong à une interdiction de vendre ou acheter des actions durant quatre ans.