Le secret de ce nouveau matériau réside dans le fait qu'il est vivant, a indiqué mardi le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (Empa). Il est non seulement entièrement biodégradable, mais aussi résistant à la déchirure et possède de multiples propriétés fonctionnelles. Tout cela avec un minimum d'étapes de transformation et sans aucun produit chimique. On peut même le manger.
La base de ce nouveau matériau est le mycélium du Schizophylle commun, un champignon comestible très répandu qui pousse sur le bois mort. Normalement, les fibres de mycélium - appelées hyphes - sont nettoyées et éventuellement traitées chimiquement, ce qui implique un compromis entre performance et durabilité.
Les scientifiques de l'Empa ont choisi une autre approche. Au lieu de préparer le mycélium à grands frais, ils l'utilisent dans son intégralité. En effet, en poussant, le champignon ne forme pas seulement les hyphes, mais aussi une matrice extracellulaire: un réseau de différentes macromolécules fibreuses, de protéines et d'autres substances biologiques sécrétées par les cellules vivantes.
«Le champignon utilise cette matrice extracellulaire pour se doter d'une structure et d'autres propriétés fonctionnelles. Pourquoi ne ferions-nous pas de même?», note Ashutosh Sinha, chercheur à l'Empa, cité dans le communiqué.
Réoptimisation ciblée
En procédant à un peu de réoptimisation ciblée, les auteurs ont donné un coup de pouce à la nature. Parmi l'énorme diversité génétique du Schizophylle commun, ils ont choisi une souche qui produit une grande quantité de deux macromolécules spécifiques: le schizophyllane, un polysaccharide à longue chaîne, et l'hydrophobine, une protéine ressemblant à du savon.
Ensemble, ces deux biomolécules confèrent au mycélium vivant des propriétés qui lui permettent d'être utilisé dans les domaines les plus divers. Dans la revue Advanced Materials, les auteurs présentent deux applications possibles: un film semblable à du plastique et une émulsion.
Les scientifiques ont ainsi fabriqué de fines feuilles à partir de leur mycélium. La matrice extracellulaire avec les longues fibres de schizophyllane confère au matériau une très bonne résistance à la déchirure, qui peut encore être renforcée par un alignement ciblé des fibres de champignons et de polysaccharides.
Electronique durable
Autre application: les fibres de schizophyllane et les hydrophobes agissent comme des émulsifiants. Et le champignon vivant libère en permanence davantage de ces molécules. «C'est probablement le seul type d'émulsion qui devient plus stable avec le temps», explique Ashutosh Sinha.
Tant les filaments du champignon que ses molécules auxiliaires sont totalement non toxiques, biologiquement compatibles et même comestibles. Son utilisation comme émulsifiant dans l'industrie cosmétique et alimentaire est donc particulièrement intéressante.
Il existe également d'autres applications prometteuses dans le domaine de l'électronique durable, pour des capteurs d'humidité ou les électrodes de batteries biodégradables, conclut l'Empa.