Depuis des semaines, les tractations vont bon train entre les deux pays pour parachever un traité commercial avant le 9 juillet. A défaut, le président américain imposera une taxe de 26% sur tous les produits «made in India» entrant sur son sol. Les deux pays discutent donc d'arrache-pied pour éviter cette perspective.
Fidèle à sa diplomatie très extravertie, le locataire de la Maison Blanche avait suggéré dès la semaine dernière l'imminence d'un «très gros» accord. «Ce sera un accord aux termes duquel nous pourrons entrer (sur le marché indien) et nous battre», a-t-il ajouté mardi. «Jusque-là, l'Inde n'acceptait personne. Si elle s'y décide, nous aurons des droits de douane bien inférieurs».
«Un accord me comblerait», a confié de son côté lundi la ministre indienne des Finances, Nirmala Sitharaman au Financial Express. «Un grand, un bon, un bel accord. Pourquoi pas?», a-t-elle ajouté en paraphrasant Donald Trump. Pour l'Inde, l'enjeu est de taille.
Si le pays le plus peuplé de la planète - 1,4 milliard d'habitants - n'est pas encore l'usine du monde qui remplacera la Chine, il a affiché en 2024 un excédent commercial de 45,7 milliards de dollars qui nourrit l'ire de Donald Trump. Parmi ses principales marchandises exportées aux Etats-Unis, l'électronique, les pierres précieuses, la bijouterie ou les crevettes. La pharmacie a été épargnée par les menaces américaines.
A la veille de l'échéance, le directeur général de la Fédération des entreprises exportatrices indiennes, Ajay Sahai, confie être «optimiste» sur les chances d'un accord, «au moins du point de vue du commerce». Son pays s'est «engagé de façon constructive» dans les discussions, juge-t-il, et la «situation très fluide» laisse ouverte la possibilité d'un report des sanctions.
«Pacte limité»
«Les échos dont je dispose suggèrent une issue positive, je suis confiant», assure M. Sahai. Son homologue de l'Association indienne des exportateurs de fruits de mer, K.N. Raghavan, affiche la même espérance. Après «une certaine anxiété», il confesse désormais «plus de raisons d'espérer». «Une solution semble en vue», résume-t-il.
Ces derniers jours, la presse indienne bruissait de confidences anonymes anticipant la finalisation d'un accord, malgré des difficultés sur les produits agricoles et les pièces détachées automobiles. La ministre indienne des Finances a rappelé toutefois lundi qu'«agriculture et produits laitiers» constituaient pour son pays «de grosses lignes rouges».
Et les exigences de l'Inde restent insatisfaites en matière de taxes sur l'acier et l'aluminium, et sur l'ouverture du marché américain à son textile ou ses chaussures, complète auprès de l'AFP une source au ministère du Commerce. Dans ces conditions, les observateurs penchent plutôt pour la conclusion, d'ici à la semaine prochaine, d'un texte moins ambitieux, en forme de trêve.
«L'issue la plus probable est un pacte commercial limité», a récemment avancé Ajay Srivastava, du centre de réflexion Global Trade Research Initiative, installé à New Delhi. Dans ce cadre-là, précise-t-il, l'Inde pourrait baisser ses barrières douanières sur certains produits industriels et offrir un accès réduit aux produits agricoles américains, en échange d'une baisse du taux dont Donald Trump la menace.
Toutefois, a averti M. Srivastava, les discussions pourraient «s'interrompre» si Washington «continue à insister sur l'ouverture de pans entiers du secteur agricole de l'Inde ou sur l'entrée des organismes génétiquement modifiés» (OGM). Les exportateurs de fruits de mer veulent croire, eux, que leur gouvernement ne sacrifiera pas leurs intérêts dans la dernière ligne droite des tractations.
«Nous pensons pouvoir surmonter des droits de douane de 10%», explique M. Raghavan. «Mais si ce taux passe à 25 voire 30%, nos clients américains iront s'approvisionner ailleurs et pour moins cher.»