Le pays replonge ainsi dans l'incertitude politique, huit mois seulement après l'entrée en fonction du gouvernement de François Bayrou, qui risque de tomber pour la même raison que celui de son prédécesseur, Michel Barnier: l'incapacité à faire adopter un budget pour la France, malgré la dramatisation des enjeux et le «danger immédiat», selon lui, posé par «la dépendance à la dette» massive.
Lors d'une intervention à l'université d'été du premier syndicat français, François Bayrou a réaffirmé que les plus hauts revenus se verraient demander un «effort spécifique» pour le budget 2026, si l'Assemblée lui permet de poursuivre sa tâche. Mais la gauche et l'extrême droite ont déjà annoncé qu'ils ne lui accorderaient pas cette confiance, le condamnant à une chute quasi-certaine.
Confronté au rejet de son plan d'économies budgétaires de près de 44 milliards d'euros (41 milliards de francs) d'économies, par les partis d'opposition comme dans l'opinion, ainsi qu'à des appels à bloquer le pays le 10 septembre, le Premier ministre a brandi son va-tout lundi.
Session extraordinaire
A sa demande, le président Emmanuel Macron va ainsi convoquer une session parlementaire extraordinaire le 8 septembre, et M. Bayrou sollicitera le jour même la confiance de l'Assemblée sur une déclaration de politique générale.
Son espoir: faire valider la nécessité d'un tel plan de réduction du déficit public, avant d'en négocier les mesures, dans un second temps.
Mais du Rassemblement national (extrême droite) à La France insoumise (gauche radicale), en passant par les écologistes et les communistes, tous ont promis de voter contre la confiance.
Mardi, François Bayrou a demandé aux oppositions, et singulièrement au Parti socialiste, de «réfléchir» à leur décision sur le vote de confiance du 8 septembre, et de renoncer aux «réflexes spontanés» qui les poussent à faire tomber son gouvernement.
«Hara-kiri»
«François Bayrou a fait le choix de partir. Dans les conditions de majorité actuelle, il sait qu'il ne peut obtenir un vote de confiance des oppositions. C'est une autodissolution», estime dans le quotidien Le Monde le patron du Parti socialiste, Olivier Faure.
Les partisans du gouvernement s'accrochaient encore mardi à l'espoir d'un revirement des socialistes d'ici au vote.
«Nous sommes à la bataille dans un travail de conviction pour avoir cette majorité le 8 septembre», a plaidé le ministre de l'Economie, Eric Lombard, à la radio, assurant «qu'il y a(vait) évidemment une marge de négociation sur le partage de l'effort» des 44 milliards d'économies.
Mais pour Mathieu Gallard, directeur de recherche à l'Institut de sondage Ipsos, la décision de François Bayrou «semble être un hara-kiri».
«Il a cherché à provoquer un choc dans la population et le système politique français pour les obliger à faire face à la gravité de la crise de la dette du pays, mais il n'a peut-être changé que la date de sa propre exécution», affirme également à l'AFP Mujtaba Rahman, directeur Europe au cabinet d'analyse Eurasia Group.
La dette publique française représente près de 114% du PIB, soit la troisième plus importante de la zone euro derrière la Grèce et l'Italie.
La Bourse en recul
Cette instabilité politique, inédite sous la Ve République française, proclamée en 1958 pour justement en finir avec la valse des gouvernements, a été déclenchée par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024 par Emmanuel Macron au nom d'une nécessaire «clarification», après le revers essuyé par son camp aux élections européennes.
Mais les législatives qui ont suivi ont abouti à la formation d'une Assemblée nationale fracturée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de la majorité absolue. Depuis, la France en est à son deuxième gouvernement, désormais en sursis.
Cette instabilité risque d'ouvrir une phase de turbulences financières. Signe de fébrilité, la Bourse de Paris et notamment les actions des banques, qui détiennent en masse des titres de dette française, chutaient nettement mardi matin.
«Si lui et son gouvernement tombent, une nouvelle crise de la dette souveraine n'est pas à exclure», écrit sur le réseau social X Jacob Ross, spécialiste de la France au sein du groupe de réflexion allemand DGAP. selon lui, «de nouvelles élections législatives ne sont pas à exclure».