Des centaines de personnes faisaient la queue samedi matin pour se recueillir devant le cercueil en bois clair du légendaire styliste, décédé jeudi à l'âge de 91 ans, et dont la disparition a fait l'effet d'un séisme dans le monde de la mode et bien au-delà.
En costumes sombres et lunettes noires, une centaine de salariés du groupe était en première ligne près du siège d'Armani, dans un ancien quartier industriel de Milan, avant les funérailles prévues lundi.
D'imposantes couronnes de roses blanches ont été déposées à l'entrée de la pièce où repose le cercueil, près de livres de condoléances où les sympathisants peuvent inscrire un message. Selon le quotidien italien Corriere della Sera, Armani est décédé d'une insuffisance hépatique soudaine, à la suite d'une pneumonie qui l'avait contraint à être hospitalisé en juin.
«C'était un homme incroyable, il nous a beaucoup marqués. C'était un exemple, sévère, parfois rude, mais très humain», a commenté, éprouvée, Silvia Albonetti, vendeuse dans le showroom voisin d'Emporio Armani homme. «Beaucoup de clients nous ont écrit pour lui rendre hommage.» «Il nous a beaucoup appris avec sa façon de travailler. Un chapitre se ferme», a témoigné à ses côtés une autre vendeuse, Barbara Gersony. «Pour le futur on verra, selon ses dernières volontés.»
«Un grand homme»
La chapelle ardente sera ouverte de 9h00 à 18h00 samedi et dimanche dans le Teatro, une ancienne usine de chocolat Nestlé transformée en 2001 par l'architecte japonais Tadao Ando pour en faire le siège du groupe Armani et le lieu de ses défilés. Minimaliste et élégant, le bâtiment est un des lieux emblématiques de Milan, «la capitale du style».
Armani, à la tête d'un empire du luxe de plusieurs milliards d'euros, comptant plus de 600 boutiques dans le monde et plus de 9000 employés fin 2023, entretenait une «histoire d'amour» avec la ville, soulignent tous les titres de la presse italienne, en rappelant en boucle une de ses déclarations: «Milan est le centre de mon monde, il m'a toujours inspiré».
«Sans lui, l'Olimpia serait en sale état», a commenté Roberto Gualdoni, 51 ans, avec sur le dos un t-shirt de l'équipe de basket milanaise, propriété d'un Armani fan de sport. «C'était un grand homme à Milan, il a fait beaucoup de bien.»
«Il était spécial, très humain, il venait toujours nous saluer», a ajouté dans la queue le photographe Lazza Ramo, 37 ans. Le natif de Piacenza (nord de l'Italie), né en 1934 dans une famille modeste d'origine arménienne, était venu étudier la médecine avant de travailler comme étalagiste-décorateur à Milan pour les grands magasins La Rinascente.
C'est dans cette ville qu'il a créé en 1975 la maison Giorgio Armani, et avait depuis toujours voulu rester indépendant, refusant d'être coté en bourse.
«Il manquera à la ville»
Les liens entre la ville et le couturier, souvent surnommé dans la presse italienne «Il Re Giorgio» («Le roi Giorgio»), ne se sont jamais démentis. Pendant la pandémie de Covid en 2020, qui a durement affecté la ville, il avait fait afficher un placard en noir et blanc dans une rue de Milan: «Je suis là, pour Milan, avec les Milanais, avec mon affection».
Giorgio Armani, affaibli depuis plusieurs mois, avait été contraint de renoncer à ses défilés masculins à Milan mi-juin pour raisons de santé. Il avait également fait l'impasse en juillet pour le show Armani Privé, à Paris.
Dans une interview au Financial Times publiée quelques jours avant sa mort, le créateur, qui n'avait pas d'enfants, déclarait que les plans pour sa succession consistaient «en une transition progressive des responsabilités» vers ses «plus proches collaborateurs tels que Leo Dell'Orco», le responsable du design des collections homme, «les membres de (sa) famille et toute l'équipe de travail».
Créateur visionnaire, Armani s'est distingué dans la haute-couture, le prêt-à-porter, les accessoires, les parfums, les bijoux, mais aussi l'architecture d'intérieur et l'hôtellerie de luxe.