La banque centrale nippone conserve son taux directeur à 0,5%, un statu quo largement anticipé par les analystes qui tablaient plutôt sur un relèvement dans les prochains mois.
Pour contrer le retour de l'inflation, la BoJ avait entamé en mars 2024 une remontée de ses taux après une décennie de politique monétaire ultra-accommodante. Mais cette dynamique a été suspendue après janvier dernier devant l'assombrissement économique sur fond de guerre commerciale et d'atonie de la croissance nippone.
Or, la conjoncture demeure précaire: «La croissance économique japonaise devrait ralentir, car les politiques commerciales conduisent à un ralentissement économique à l'international, faisant pression sur les bénéfices des entreprises», souligne la BoJ.
Les exportations japonaises vers les Etats-Unis se voient appliquer une taxe douanière plancher de 15%, le secteur automobile, moteur économique, souffrant particulièrement.
«La politique américaine a un impact négatif, particulièrement sur les bénéfices de l'industrie manufacturière», même si «jusqu'à présent, rien n'indique que l'effet se propage à l'économie elle-même, à l'emploi et aux salaires», a nuancé le gouverneur Kazuo Ueda devant la presse.
Votes dissidents
De son côté, l'inflation reste très au-delà de la cible de 2% fixée par la BoJ, même si elle a ralenti en août à 2,7% sur un an (hors produits frais).
«Les effets de la récente hausse des prix alimentaires, comme la flambée des prix du riz, devraient s'atténuer, et l'inflation sous-jacente devrait rester faible en raison du ralentissement économique», estime néanmoins la BoJ.
«Cela ne laisse certainement pas présager une hausse des taux d'intérêt le mois prochain, comme nous le prévoyions», reconnaît Marcel Thieliant, analyste de Capital Economics.
Grande surprise cependant: deux membres du conseil de la BoJ ont voté pour une hausse du taux directeur à 0,75%: une dissension extrêmement rare selon les analystes, qui semble confirmer la direction d'un resserrement monétaire.
Simplement, «face à des données économiques décevantes et à la persistance des tensions commerciales, (l'institution) a jugé qu'une pause s'imposait», juge Sarah Tan, de Moody's Analytics, tablant sur une hausse «en fin d'année ou début 2026».
«La BoJ exprime sa confiance dans la solidité fondamentale de l'économie mais souligne l'extrême incertitude quant aux politiques commerciales et à l'impact sur l'activité et les prix (...) En somme: un resserrement monétaire serait approprié si l'incertitude élevée n'assombrissait pas les perspectives», explique-t-elle.
«Face aux fortes incertitudes, nous souhaitons regarder les indicateurs», a confirmé M. Ueda.
Incertitude politique
Autre facteur susceptible de retarder une nouvelle hausse de taux: la fièvre politique nippone, alors que la campagne bat son plein au sein du Parti-libéral démocrate (PLD) au pouvoir pour remplacer le Premier ministre démissionnaire Shigeru Ishiba.
«La prochaine hausse des taux pourrait n'intervenir qu'en janvier, compte tenu des incertitudes politiques liées à l'élection à la tête du PLD le 4 octobre et à la formation du nouveau gouvernement», explique à l'AFP Tsuyoshi Ueno, chercheur au NLR Research Institute.
Dans l'immédiat cependant, l'institution ouvre d'ores et déjà une nouvelle étape de son resserrement monétaire: elle a annoncé vendredi entamer la cession des fonds indiciels cotés (ETF) précédemment acquis massivement pour soutenir les marchés financiers.
Ils seront revendus à raison d'environ 330 milliards de yens (1,89 milliard d'euros) par an, «selon les prix du marché».
«La décision a été soutenue par tous les membres, ce qui est logique puisque ces ventes se feront à un rythme glacial», observe Marcel Thieliant.
C'est la première fois que la BoJ mentionne vouloir céder ses actifs en ETF, mais selon l'agence Bloomberg, elle possède pour environ 37.000 milliards de yens (212 milliards d'euros) d'ETF... Au rythme annoncé, il faudrait ainsi plus d'un siècle pour en écouler la totalité.
«Mais il n'y a pas de changement dans la détermination de la BoJ à normaliser sa politique monétaire», en tournant la page des achats massifs d'actifs financiers et des taux d'intérêt nuls, insiste Tsuyoshi Ueno.
Les marchés l'ont d'ailleurs compris ainsi: le yen a grimpé de 0,3% dans la foulée, tandis que la Bourse de Tokyo trébuchait.