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Un an jour pour jour après l'accident mortel de la gare de Novi Sad, des milliers de manifestants ont commencé samedi à déposer fleurs et bougies devant les lieux de la tragédie.
ats
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Cet hommage a eu lieu quelques heures avant un rassemblement où sont attendus des dizaines de milliers de personnes en hommage aux 16 victimes et pour demander transparence, justice et élections.
Depuis le début de la matinée, des centaines de personnes sont aussi simplement venues se recueillir devant la gare, dont le béton arraché rappelle l'accident. Comme Svetlana, 45 ans, venue de Pancevo, rencontrée par l'AFP devant la gare, bouleversée par «une grande douleur, une grande tristesse».
Arrivés pour certains dès vendredi soir les manifestants ont rendez-vous en fin de matinée devant ce bâtiment où ils observeront 16 minutes de silence à partir de 11h52 (10h52 GMT).
C'est à cette heure précise que, le 1e novembre 2024, l'auvent en béton de la gare tout juste rénovée s'est effondré, tuant 14 personnes sur le coup, dont deux enfants. Deux blessés décéderont plus tard, portant le bilan à 16 morts.
Cet accident a lancé l'un des plus vastes mouvements de contestation qu'ait connus le pays, dont les étudiants ont rapidement pris la tête. Il est devenu, pour les opposants au président de droite nationaliste Aleksandar Vucic, l'emblème de la corruption qui gangrène selon eux les immenses chantiers de travaux publics lancés à travers le pays.
En 2024, en établissant son indice de perception de la corruption, l'ONG Transparency International a attribué à la Serbie un score de 35 sur 100 (sur une échelle allant de 0, très corrompu, à 100, très honnête), soit 31 points de moins que la moyenne européenne (64).
«Tous ceux qui, en Serbie, sont contre la corruption, le crime, et le parti au pouvoir» se sont donné rendez-vous, expliquait, ému, vendredi soir Ratko Popovic, 47 ans, au milieu de milliers d'autres personnes venues accueillir les étudiants arrivés à pied des quatre coins du pays.
Depuis plusieurs mois les étudiants ont adopté comme moyen d'action ces longues marches, espérant ainsi toucher le maximum de villes et villages pour expliquer leurs revendications et lutter contre le portrait que dressent d'eux les médias proches du pouvoir en les décrivant régulièrement comme des «terroristes» payés par des puissances étrangères.
Samedi, après l'hommage silencieux, ils prévoient des discours, des lectures, et une marche jusqu'au Danube.
- Trois enquêtes -
Majoritairement pacifiques, les manifestations organisées depuis un an ont été émaillées cet été de violences opposant partisans du président et manifestants, dont plusieurs centaines ont été arrêtés. La répression s'est durcie envers le mouvement, poussant la semaine dernière le Parlement européen à adopter une résolution qui «soutient le droit des étudiants et citoyens serbes à manifester pacifiquement» et «condamne fermement la répression d'Etat».
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Samedi matin, la commissaire européenne à l'élargissement, Marta Kos, a affirmé sur X que la tragédie de Novi Sad était «en train de changer la Serbie».
«Elle a poussé les masses à se mobiliser pour la responsabilité, la liberté d'expression et une démocratie inclusive. Ce sont ces mêmes valeurs qui guideront la Serbie vers l'Union européenne» à laquelle Belgrade est candidate, a-t-elle écrit.
Dans une adresse à la nation en fin d'après-midi vendredi, après avoir pendant des mois accusé les étudiants de vouloir le renverser et d'être payés pour manifester, le président a dit avoir «tenu des propos [qu'il] regrette».
«Je m'en excuse», a ajouté Aleksandar Vucic, appelant au dialogue, sans pour autant mentionner les élections anticipées que demandent les manifestants depuis des mois.
Au total, trois enquêtes sont ouvertes: une sur l'accident, une autre menée par le parquet spécialisé dans la lutte contre le crime organisé et la corruption, sur les soupçons de corruption à hauteur de millions d'euros dans la rénovation, et une menée par le bureau du procureur public européen (EPPO) portant sur un éventuel détournement de fonds européens lors de la reconstruction.
Dans la première, le parquet a demandé mi-septembre un procès pour 13 personnes, dont deux anciens ministres, mais ce n'est pas assez pour les manifestants.
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«Un an est passé. Personne n'a été tenu pour responsable», regrette Tomislav Savic, rencontré samedi matin à Novi Sad. «A chaque revendication des étudiants, des citoyens de notre pays, on oppose des blocages, du silence ou du mépris. C'est difficile. Mais nous espérons que les coupables seront trouvés».
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