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Le procès Lafarge, filiale d'Holcim, débute à Paris

La première audience du procès Lafarge, filiale d'Holcim, pour financement du terrorisme à Paris s'est concentrée sur des aspects de droit, en l'occurrence des questions prioritaires de constitutionnalité.

ats

Huit prévenus, dont l'ex-directeur général de Lafarge, Bruno Lafont, sont poursuivis, ainsi que le cimentier français, filiale du géant zougois Holcim depuis 2015, en tant que personne morale, pour financement du terrorisme.
Huit prévenus, dont l'ex-directeur général de Lafarge, Bruno Lafont, sont poursuivis, ainsi que le cimentier français, filiale du géant zougois Holcim depuis 2015, en tant que personne morale, pour financement du terrorisme. KEYSTONE/EPA/CHRISTOPHE PETIT TESSON

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Appelés à la barre, les anciens directeurs de la cimenterie de Lafarge à Jalabiya, en Syrie, Bruno Pescheux et Frédéric Jolibois, puis Christian Herrault, directeur général adjoint chargé des opérations de Lafarge de 2013 à mi-2014, et Bruno Lafont, ancien président directeur général de l'entreprise hexagonale, ont décliné leur identité face à la présidente Isabelle Prévost-Desprez mardi après-midi, au Tribunal judiciaire de Paris, a constaté l'agence AWP.

Huit prévenus en tout sont poursuivis, ainsi qu'en tant que personne morale le cimentier hexagonal Lafarge, filiale du géant zougois Holcim depuis 2015, pour financement du terrorisme - une première pour une entreprise - et pour certains pour violation de sanctions internationales.

L'entreprise a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris, soupçonnée d'avoir versé près de 5 millions d'euros à des organisations djihadistes, dont l'Etat islamique, afin de maintenir l'activité de sa cimenterie syrienne, alors que le pays s'enfonçait dans la guerre civile au début des années 2010. Celle-ci avait nécessité près de 3 ans de travaux pour un coût d'environ 680 millions de dollars, selon l'entreprise.

Appelé également à la barre, Jacob Waerness, décrit comme un ancien membre des services de renseignement norvégien par la presse française et résident à Zurich, devra aussi répondre de financement d'entreprises terroristes en tant que «gestionnaire sûreté» de l'usine. Il lui est notamment reproché d'avoir «sciemment» procédé à des «paiements des entreprises terroristes», selon la présidente.

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Celle-ci a ensuite enchaîné sur le coeur de l'audience de mardi, les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), au nombre de sept, soulevées par les parties civiles et auxquelles la défense de Lafarge a commencé à répondre. Lors d'un procès, n'importe quel justiciable peut ainsi contester la constitutionnalité de la loi. Si ces QPC devaient être jugées recevables et transmises à la Cour de cassation, le procès, censé durer jusqu'au 16 décembre, pourrait être reporté jusqu'au-delà de six mois. «Suspense jusqu'à demain», mercredi, a ajouté Mme Prévost-Desprez, lorsque le tribunal aura tranché.

Les parties civiles questionnent le droit

Les avocats des parties civiles ont ouvert le bal, à l'image de Joseph Breham, qui représente 137 salariés syriens et qui a déposé deux QPC. «Cela fait dix ans que ces salariés nous disent quand est-ce que ce sera fini?» Il assure qu'ils «ne vont pas faire du dilatoire». «Mais si on gagne là-dessus, on se reverra dans un an, dans deux ans».

Interrogé avant l'audience, l'avocat soulignait la particularité du dossier, selon laquelle Lafarge a déjà reconnu avoir financé des groupes terroristes, et ce aux Etats-Unis en 2022. «Ce qui est certain, c'est que Lafarge n'a plus le droit de contester la véracité des faits», a relevé Me Breham, après l'accord conclu entre le cimentier et le ministère américain de la Justice (DoJ). «Cela ne veut pas dire que Lafarge ne peut pas se défendre, par exemple sur des points juridiques».

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Il y a trois ans, Lafarge a plaidé coupable aux Etats-Unis pour avoir aidé des organisations terroristes entre 2013 et 2014 et été sanctionné à hauteur de 778 millions de dollars. A l'époque, Holcim, qui avait abandonné sa raison sociale Lafargeholcim au printemps 2021, soulignait que le Département américain de la Justice (DOJ) reconnaissait «que les faits n'impliquaient en aucune façon Holcim». Selon le géant des matériaux de construction, le ministère américain de la Justice a noté «que d'anciens dirigeants de Lafarge ont dissimulé ces agissements à Holcim avant et après l'acquisition de Lafarge SA par Holcim en 2015».

Par ailleurs, l'instruction est toujours en cours à Paris concernant les soupçons de complicité de crimes contre l'humanité en Syrie visant Lafarge. La Cour de cassation, la plus haute instance judiciaire française, a définitivement validé en janvier 2024 cette mise en examen, rendant possible un autre procès, cette fois devant les assises.

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