La résilience est une notion désormais connue du grand public, grâce notamment aux publications à succès de l’éthologue Boris Cyrulnik. A l’échelle individuelle, elle peut se résumer comme la capacité d’une personne à se reconstruire après avoir subi un traumatisme. Des caractéristiques qui intéressent aussi le monde des entreprises aujourd’hui. En témoigne le Diploma of Advanced Studies (DAS, 32 crédits ECTS) en résilience et santé organisationnelle, dont la première volée débutera en septembre à la Haute Ecole de gestion de Genève (HEG-Genève). Entretien avec le directeur du programme, Mathias Baitan.

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Qu’est-ce qui vous a poussé à créer cette formation continue sur la résilience dans les entreprises?

Les formations en management abordent généralement la question du «comment bien gérer» sous l’angle économique en laissant de côté les interactions sociales. Elles abordent le contenu, mais pas la relation. Or la capacité d’adaptation d’une entreprise dépend tout autant de ses capacités économiques que de ses facultés d’interaction avec les acteurs de son système. Notre programme s’intègre dans cette nouvelle discipline du management de proximité, qui selon nous ne peut s’appréhender que de manière pluridisciplinaire et systémique.

Vous avez publié un livre intitulé «Organiser l’entreprise. Vers une poursuite de l’organisation optimale», dans lequel vous abordez la question de la résilience d’entreprise. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette thématique?

La résilience organisationnelle est une discipline encore jeune. La notion est encore floue et nous espérons par ce programme contribuer humblement à la discussion. Tout d’abord, elle n’est pas une solution miracle et n’est à la base qu’un concept. Et comme tout concept, c’est son opérationnalisation qui peut potentiellement être utile. Pragmatiquement, elle vise à doter les managers de compétences spécifiques leur permettant de comprendre l’environnement en mutation dans lequel leur structure évolue et d’organiser sainement l’entreprise pour s’y adapter.

Comment favorise-t-on une meilleure résilience d’entreprise?

En soi, la résilience organisationnelle est un processus sans fin, qui n’est jamais véritablement acquis. Au-delà de l’influence externe sur laquelle l’entreprise n’a que peu de prise, et de sa stricte capacité financière, qui sont tous deux des facteurs prépondérants dans sa capacité de résilience, certains facteurs intrinsèques peuvent néanmoins favoriser une adaptation plus fluide. Un premier élément réside dans sa capacité d’appréciation de son environnement, et plus particulièrement le sens qu’elle donne aux résultats de ses analyses. Cette signification influencera fortement les ressources que l’entreprise décidera de déployer ou non pour s’adapter.

En cas de difficultés, les règles,  les protocoles et le socle s’avèrent souvent fondamentaux.

Un autre élément réside dans la notion de règles. On constate que si les concepts d’entreprise libérée ou d’holacratie sont des formes d’organisation en vogue ces dernières années, lorsqu’il s’agit de surmonter une difficulté, les règles, les protocoles et le socle sur lequel peuvent s’appuyer les collaborateurs et l’entreprise s’avèrent souvent fondamentaux. La possibilité de se reposer sur ses pairs lorsqu’on fait face à une difficulté est certainement un autre facteur favorisant: ce sont les liens sociaux que l’on a co-construits avec ses collègues et la capacité à faire confiance et à interagir avec eux qui feront la différence dans l’adversité. Un autre élément fondamental se situe dans l’action: il faut agir pour qu’il se passe quelque chose. Pourtant, conduire efficacement l’action n’est pas simple et nécessite de l’entraînement.

A qui s’adresse cette formation?

Elle s’adresse aux cadres qui vont conduire des changements au sein de leur organisation (digitalisation, changement de modèles d’affaire, et plus largement adaptation de la manière de travailler face à un contexte en mutation) et qui ont le souci de le faire sainement. En côtoyant des disciplines aussi variées que la stratégie, l’histoire économique, la psychologie, la sociologie mais aussi des disciplines que l’on ne retrouve que rarement dans des formations de gestion tels que l’art, la philosophie ou des techniques propres aux métiers de l’urgence, les participants pourront faire preuve, à l’issue de la formation, de davantage de malléabilité cognitive. Une capacité qui constituera un atout certain en situation complexe tant pour eux que pour leur entreprise.

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Elisabeth Kim