L'essentiel en 3 points:
  1. L’énergie houlomotrice, basée sur l'exploitation des vagues pour produire de l'électricité, est une source renouvelable prometteuse grâce à sa densité énergétique élevée et sa disponibilité supérieure à celle du solaire et de l’éolien.
  2. L’Union européenne vise à installer 40 GW d’ici à 2050, et les gouvernements explorent cette option pour diversifier leurs sources d'énergie et renforcer leur sécurité énergétique.
  3. Bien que les coûts de production restent élevés, des subventions et des progrès technologiques pourraient réduire ces dépenses à moyen terme. Par ailleurs, l'impact environnemental, bien que surveillé, semble limité et pourrait même favoriser la biodiversité grâce à la création d’habitats artificiels.

Commençons par un peu d’histoire. En 1799, Pierre-Simon Girard, un inventeur français, déposait un brevet pour le premier convertisseur de vagues. Un dispositif rudimentaire qui consistait en fait en une sorte de radeau flottant sur l’eau, relié à des câbles et à des poulies fixés au rivage. Les mouvements des vagues mettaient en énergie cinétique ces câbles, permettant de produire de l’énergie selon les besoins. Cependant, malgré son ingéniosité, cette invention est restée à l’état de concept et l’énergie houlomotrice est ainsi demeurée ignorée pendant plus de deux siècles. Mais aujourd’hui, sous l’impulsion de l’intense quête des énergies renouvelables, cette trouvaille refait surface. Les avancées technologiques donnent désormais naissance à des convertisseurs plus robustes et efficaces, laissant entrevoir la possibilité d’une adoption à grande échelle.

Comprendre l’énergie houlomotrice

Malgré la diversité des convertisseurs modernes, leur principe reste le même : exploiter le mouvement naturel des vagues pour produire de l’énergie mécanique, souvent en vue d’alimenter des turbines génératrices d’électricité. Fidèle à l’idée de Girard, la conception la plus courante à travers les projets exploratoires déployés aujourd’hui repose sur l’utilisation d’une bouée qui transforme le mouvement vertical des vagues en un déplacement mécanique. D’autres modèles, immergés en permanence, utilisent des sorte d’ailes sous-marines oscillant au rythme des vagues.

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© Romande Energie

Sans forcément s’en rendre compte, les vagues représentent en réalité la source d’énergie renouvelable qui offre la plus forte densité. Certaines estimations scientifiques indiquent ainsi que les vagues des océans, si elles étaient exploitées énergétiquement parlant, pourraient générer un rendement jusqu’à trois fois supérieur à celui des parcs éoliens flottants (ou éolien offshore).

Technologie de pointe et innovations

Ces dernières années ont vu émerger de nombreux projets pilotes prometteurs dans le domaine de l’énergie houlomotrice. En février 2024, l’entreprise suédoise CorPower Ocean a par exemple testé son convertisseur C4 au large du Portugal. Un système qui repose sur des bouées actionnant des tiges mécaniques pour produire un mouvement rotationnel, générateur d’électricité. Muni d’une technologie numérique de pointe, le dispositif est ainsi capable de se synchroniser sur les vagues dans le but de maximiser son rendement tout en se protégeant des tempêtes.

De son côté, la société californienne CalWave a conçu un convertisseur submersible, baptisé « x1 ». Ce dernier a fonctionné de manière autonome pendant 80 % du temps qu’a duré un projet pilote mené durant une période de dix mois au large de San Diego. Équipé d’un régulateur pour une commande à distance et une orientation optimale, le modèle a démontré qu’il était possible de l’utiliser quasiment en continu tout en résistant à deux tempêtes majeures. De plus, son immersion totale élimine tout impact visuel.

Avec l’essor de l’intelligence artificielle, les développements menés dans le domaine de l’énergie houlomotrice permettent en outre de concevoir des dispositifs plus légers, moins gourmands en matériaux et plus résilients, capables d’anticiper et d’éviter les tempêtes.

Un potentiel énergétique global et des défis de taille à surmonter

En termes de potentiel énergétique, différentes études estiment que l’énergie des vagues pourrait générer jusqu’à 30 000 TWh d’électricité par an, soit davantage que les 27 000 TWh consommés à l’échelle planétaire en 2023. Et dans le contexte géopolitique tendu que l’on connaît actuellement, l’énergie houlomotrice semble intéresser de plus en plus les gouvernements dans l’optique de garantir une production électrique neutre en carbone et d’assurer leur sécurité énergétique. Dans cette course aux énergies durables, l’Union européenne s’est d’ailleurs solidement positionnée dans l’exploration du potentiel houlomoteur puisque les entreprises du continent détiennent 44 % des brevets mondiaux dans le secteur. L’UE vise par ailleurs à installer 40 GW d’énergie océanique d’ici à 2050. Ce qui, pour donner un ordre d’idée, suffirait à alimenter tous les ménages de la France.

Malgré ses atouts et son potentiel théorique des plus significatifs, l’énergie houlomotrice reste coûteuse, avec des frais de génération encore 10 à 30 fois supérieurs à ceux de l’éolien ou du solaire. Ce qui explique l’orientation massive prise globalement dans le domaine de ces dernières filières. Cependant, comme dans tout développement technologique novateur, à mesure que les dispositifs et techniques utilisés se généralisent et progressent pour arriver à maturité, ces coûts pourraient être divisés par deux dans les six prochaines années selon différentes estimations. En termes économiques, si les projets menés aux États-Unis tendent plutôt à être soutenus via des crédits d’impôt et des subventions gouvernementales destinés à encourager l’innovation, l’UE table davantage sur le financement de plusieurs projets prometteurs par l’intermédiaire de son Fonds pour l’innovation.

Atout durable et économique

Si la corrosion due à l’eau salée et les coûts environnementaux peuvent susciter une certaine inquiétude dans le débat scientifique qui gravite autour de l’énergie houlomotrice, les installations pourraient en même temps constituer un atout pour la faune marine. Comment ? En profitant de ces dispositifs pour en faire en même temps des habitats artificiels favorisant la biodiversité, comme l’ont d’ailleurs déjà montré certains parcs éoliens offshore. Reste que les risques potentiels incluent des perturbations des fonds marins, la pollution sonore et des effets électromagnétiques sur certaines espèces. Cependant, aucune étude n’a prouvé jusque-là d’impact significatif sur la faune marine.

Dans tous les cas, l’énergie houlomotrice pourrait jouer un rôle crucial dans la transition. En plus de son rôle clé en matière d’approvisionnement durable, elle pourrait aussi générer une plus-value économique vertueuse des plus significatives. En effet, à l’échelle mondiale, cette future filière pourrait créer à elle seule près de 700 000 emplois et générer près de 350 milliards de dollars de chiffre d’affaires selon certaines estimations économiques et énergétiques, dont un travail mené en collaboration avec l’Agence internationale de l’énergie. L’idée visionnaire de Pierre-Simon Girard pourrait-elle enfin se concrétiser? Affaire à suivre de près durant ces prochaines décennies.

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Rédigé par Thomas Pfefferlé · Journaliste innovation indépendant

 

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