- En Suisse, les tarifs de l’électricité varient fortement d’une commune à l’autre, notamment par la différence des taxes, mais aussi en raison d’un maillage historique complexe de plus de 600 gestionnaires locaux, chacun ayant ses propres coûts d’approvisionnement et de réseau.
- Le prix de l’électricité résulte d’achats anticipés sur un marché volatil, d’aléas de la demande réelle et de coûts d’infrastructure liés à la transition énergétique et aux spécificités locales.
- La transition énergétique implique des coûts collectifs pour moderniser le réseau, sécuriser l’approvisionnement et soutenir une production locale bas carbone face à une demande en forte hausse.
En Suisse, payer l’électricité ne se résume pas à un simple tarif au kilowattheure. Derrière chaque facture se cache un système fragmenté, hérité d’une histoire énergétique locale et morcelée : plus de 600 gestionnaires de réseau, chacun avec ses contraintes, ses stratégies et ses coûts. Résultat : des écarts de prix notables d’un foyer à l’autre. Ajoutez à cela un marché instable, des investissements liés à la transition énergétique, et des taxes locales variables : le prix final devient un reflet d’enjeux techniques, géopolitiques et environnementaux entremêlés. Cette série démonte les rouages d’un système opaque pour comprendre pourquoi l’électricité, bien qu’universelle, ne coûte pas le même prix à tout le monde. Découvrons les informations essentielles ressorties de chaque épisode et ce que la journaliste Manon Germond en a tiré lors de sa plongée dans ce monde passionnant mais complexe.
Tarifs suisses: pourquoi autant de différences?
La Suisse compte plus de 600 gestionnaires de réseau de distribution (GRD), héritage d’un développement localisé de la production d’électricité. Résultats : les tarifs varient fortement selon les zones. En effet, chaque GRD fixe son tarif en fonction des trois composantes de la facture :
Le coût de l’énergie : selon les stratégies d’approvisionnement du GRD et ce qu’il doit acheter sur le marché.
Les coûts du réseau : liés à la topographie, la densité de population et le type d’infrastructures sur sa zone de desserte. L’acheminement de l’électricité suit une hiérarchie de tensions (très haute, haute, moyenne, basse), que les consommateurs paient donc sans forcément le savoir. Chaque niveau a ses coûts, ses contraintes et ses enjeux. Ces différentes réalités se reflètent sur les tarifs. Bien que encadrés par l’Elcom, ils reflètent diverses réalités techniques, géographiques et économiques locales.
Les taxes : variables selon la commune et le canton.
Pour rappel, ces tarifs sont strictement encadrés et contrôlés par l’Elcom, la commission fédérale de l’électricité. Le marché régulé, auquel ont accès toutes les entreprises et les ménages suisses, est un marché monopolistique dont l’objectif est d’assurer l’approvisionnement de base. Concrètement, chaque gestionnaire local de réseau a l’obligation de fournir aux entreprises et ménages l’électricité qu’ils consomment. Et depuis 2009, l’État a ouvert un autre marché aux sites dont la consommation est supérieure à 100’000 kWh par an : ces clients ont la liberté de choisir pour leur site le tarif régulé de leur fournisseur historique, ou d’entrer sur le marché libéralisé, où ils pourront opter pour l’offre la plus adaptée en fonction de leurs besoins auprès d’un fournisseur actif sur le marché suisse. Mais ceux-là représentent uniquement 0.6% des consommateurs électriques.
Un marché imprévisible
Les gestionnaires de réseau doivent s’approvisionner à la fois via leur propre production (hydraulique, solaire) et sur le marché de gros. Pour environ deux tiers des consommateurs suisses, l’énergie est achetée sur ce marché, soumis à de fortes fluctuations. Ces variations sont dictées par les dynamiques classiques de l’offre et de la demande, mais aussi par des facteurs externes comme les conditions météorologiques ou les crises géopolitiques, à l’image de la guerre en Ukraine ou des sécheresses et inondations récentes. Les gestionnaires achètent leur électricité sur la base de projections réalisées une année à l’avance, ce qui introduit un décalage entre la réalité du marché et le tarif facturé. C’est pourquoi les hausses liées à la crise énergétique de 2022, par exemple, ne se sont répercutées sur les consommateurs qu’en 2023 ou 2024. À cette incertitude liée au marché s’ajoute l’imprécision de la demande réelle, qui peut forcer les fournisseurs à acheter plus ou moins que prévu à la dernière minute. Ces écarts impactent ensuite les factures à la hausse ou à la baisse. En parallèle, les gestionnaires doivent anticiper les investissements nécessaires au maintien ou à l’adaptation de leurs infrastructures. Le développement du photovoltaïque, notamment, nécessite parfois une modernisation du réseau pour absorber l’injection d’énergie. Ces coûts sont très variables selon la densité de population, la topographie locale et la complexité du réseau. Le prix de l’électricité n’est donc pas le fruit d’une décision unilatérale ou arbitraire : il découle de la combinaison d’un marché volatil, de contraintes techniques et d’investissements lourds, en partie liés à la transition énergétique.
L’impact des énergies renouvelables sur les tarifs
La transition énergétique, votée démocratiquement (sortie du nucléaire en 2017, nouvelle loi en 2023), vise à répondre à une hausse de la demande estimée entre +30 à +50 % d’ici 2050, avec une électricité neutre en carbone. Cette mutation implique des coûts systémiques ;
- Modernisation du réseau: l’intégration de productions décentralisées (panneaux solaires, etc.) exige des adaptations techniques. Ces coûts sont mutualisés entre tous les consommateurs.
- Variabilité des prix sur le marché: en journée, la production solaire excède souvent la demande. Le prix est donc bas. En soirée, période de forte demande avec une faible production, l’électricité devient plus chère.
- Taxes liées à la transition : certaines taxes financent des mesures d’efficience ou de sobriété énergétique, décidées au niveau communal, cantonal ou fédéral.
- Investissements dans des moyens de production durables : les fournisseurs peuvent choisir de développer des capacités locales (éolien, barrages, stockage). Ces choix visent à sécuriser l’approvisionnement et réduire la dépendance aux importations.
La transition a donc un coût collectif: chacun y contribue, même sans choix direct sur les investissements. Le débat sur l’ampleur de l’effort reste subjectif : pour certains c’est trop, pour d’autres pas assez.
Réduire sa facture : des gestes simples pour un réel impact
Les écogestes sont indiscutablement efficaces : chaque kilowattheure non consommé représente une économie directe. Les plus gros postes de consommation domestique sont les appareils produisant de la chaleur, suivis de l’électroménager, de l’électronique et des appareils en veille. Des actions simples, comme bouillir uniquement l’eau nécessaire avec sa bouilloire, utiliser les programmes ÉCO des appareils, régler correctement frigo et congélateur ou encore éteindre les appareils en veille, permettent des économies d’énergie substantielles, tant individuelles que collectives. À l’échelle nationale, leur généralisation représenterait des millions économisés ! Vous voulez connaître d’autres écogestes ? Découvrez notre dossier thématique.
3 questions à Manon Germond, journaliste chez Nous Prod, qui a rédigé les scripts de la série :
Quels ont été les plus grands défis à vulgariser des sujets aussi complexes et techniques ?
« Le défi était double : vulgariser et cela dans un format court, alors que chaque explication ouvre un nouveau chapitre qui mériterait en soi une nouvelle explication. L'enjeu est toujours de trouver le bon curseur pour que l'information soit riche et précise, tout en gardant un discours accessible et digeste. Pour répondre à cela, l'humour est un bon outil comme aide à la vulgarisation !
Un autre grand défi concerne l'épisode sur les écogestes. Comment faire comprendre l'importance et l'impact de chaque écogeste, sans pour autant donner trop de chiffres précis. Car en cherchant à donner des chiffres, plutôt que des tendances, nous aurions pu perdre en crédibilité, car il existe plein de modèles d’appareils avec des consommations bien différentes... Les calculs deviennent donc compliqués. Nous avons ainsi fait le choix de donner quelques chiffres clés, des fourchettes ou des tendances, sans rentrer dans le détail de chaque appareil, même si cela aurait été beaucoup plus simple de pouvoir miser sur des chiffres très concrets pour transmettre l'information. »
Y a-t-il un aspect ou une information sur le système électrique suisse qui vous a personnellement surprise ou que vous ne soupçonniez pas ?
« J'ai trouvé très intéressant de comprendre la complexité de la fixation des prix, le nombre de facteurs influents et les raisons des différences de coûts selon les régions. Ainsi que de comprendre les raisons historiques de notre système actuel. »
Si vous deviez résumer toute la série en une seule phrase à destination du grand public, quelle serait-elle ?
« Derrière les chiffres obscurs de votre facture d'électricité, se cachent des enjeux passionnants : techniques, politiques, environnementaux et sociétaux. »
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Rédigé par L'équipe du blog · de Romande Energie
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