Abo
Santé au travail

«Il faut faire de la santé au travail une partie intégrante des politiques de santé publique»

Chef du département santé, travail et environnement d’Unisanté à Lausanne, le professeur David Vernez met en lumière trois des enjeux de la sécurité et de la santé en entreprise. Et explique pourquoi nous sommes prisonniers d’une vision surannée du travail.

Weisses Viereck

Alain Jeannet

Publicité

1. Sécurité et santé au travail

«En Suisse, nous sommes plutôt bons en matière de prévention des accidents et des risques traditionnels. Principalement parce qu’ils sont mesurables et donc codifiables (voir la loi sur l’assurance accidents (LAA) et la loi sur le travail (LTr)). C’est le cas pour les maladies liées au bruit ou à certaines substances chimiques (par exemple les allergènes). On pourrait croire que ces risques ont diminué du fait de la tertiarisation de nos économies. Il n’en est rien. Attention donc à ne pas relâcher les efforts de prévention. Les risques psychosociaux restent difficiles à mesurer. On parle à leur propos de «risques émergents»… alors qu’ils émergent depuis au moins trente ans et qu’ils dominent actuellement les problématiques de la gestion de la santé en entreprise.»

2. Repenser le cadre légal et organisationnel du travail

«La législation sur le travail et les politiques de prévention sont en décalage avec l’évolution de l’économie et de la société. Le télétravail et la digitalisation contribuent à effacer les frontières entre vie privée et vie professionnelle. Elles mettent à mal l’ancrage géographique des salariés et contribuent à une espèce de dématérialisation du monde du travail. De nouveaux modèles comme l’ubérisation bouleversent la relation traditionnelle entre employeur et employé. Le job sharing et les temps partiels brouillent également les repères. Bref, il faut repenser le cadre légal et organisationnel du travail. De ce point de vue, la pandémie est un puissant révélateur et, je l’espère, le prélude à une revalorisation d’un domaine encore et toujours considérée comme une sujet de ‘niche’.»

Contenu Sponsorisé

3. Pour une approche salutogène du travail

«Notre rapport au travail est encore conditionné par une vision héritée du XIXe siècle. Elle assimile le travail à la souffrance. Et le réduit à sa seule dimension économique et contractuelle. Or le travail peut contribuer à l’épanouissement et au bien-être des individus. Voilà pourquoi il est essentiel d’humaniser l’entreprise et de cultiver la bienveillance vis-à-vis des employés. Qu’ils soient physiquement présents ou à distance. Comme illustration par la négative du caractère salutogène du travail, la recherche menée par Irina Guseva Canu au sein de ce département sur le rapport entre le taux de suicide et les différentes professions, croisés avec le critère du genre, démontre une incidence record chez les chômeurs et les chômeuses.»

Publicité