Cette question n’a, pour l’instant, pas été tranchée par la doctrine et les tribunaux. Nous vous proposons notre analyse sur cette question très sensible.

Droit au salaire en cas maladie

L’article 324a alinéa 1 CO prévoit que si l’employé est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, telles que maladie, l’employeur doit lui verser son salaire pour un temps limité.

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Empêchement fautif

L’obligation de l’employeur de verser le salaire selon l’article 324a CO suppose que l’empêchement de travailler ne soit pas imputable à une faute de l’employé.

La faute constitue un manquement à la diligence que l’on peut attendre du travailleur dans sa vie professionnelle ou privée, qui entraine un empêchement de travailler. Le comportement du travailleur doit être comparé avec celui qu’aurait adopté une personne raisonnable placée dans la même situation. Un empêchement de travailler provoqué volontairement ne résulte pas toujours d’une faute du travailleur: une grossesse est bien évidemment non fautive.

Les tribunaux n’admettent la faute que de manière restrictive. Une faute légère du travailleur demeure sans incidence sur le salaire. Il faut une négligence grave, une faute lourde ou intentionnelle. Il en va ainsi en cas d’automutiliation, d’accidents liés à la consommation d’alcool, de drogue, de violation des règles de sécurité, de la participation à une rixe ou de peines privatives de liberté. Selon certains auteurs de doctrine, les absences pour des motifs volontaires ou de convenance personnelle, comme une opération de chirurgie esthétique, sans indication médicale ou une fécondation in vitro (FIV) ne donnent pas droit au salaire.

Exercice d’un droit constitutionnel

Comme le mentionne le Tribunal fédéral, pour déterminer si l’empêchement de travailler est fautif ou non, il faut tenir compte, dans une perspective sociale, aussi bien de l’intérêt du travailleur à l’exercice de ses droits constitutionnels que de l’intérêt public à l’accomplissement d’obligations légales. Il n’y a pas de faute lorsque les intérêts du travailleur et l’intérêt public l’emportent sur ceux de l’employeur.

L’engagement pris par une femme de servir dans l’armée doit, eu égard à l’intérêt public, être considéré comme non fautif, bien que cet engagement n’ait qu’un caractère facultatif. Il en va de même des risques d’accidents volontairement assumés par un travailleur. La liberté personnelle s’oppose en règle générale à ce qu’on lui interdise la pratique de sports dangereux tels que ski, plongée ou équitation.

Contamination au Covid-19: empêchement fautif?

En pratique, les entreprises versent souvent le salaire des collaborateurs testés positifs, qu’ils soient vaccinés ou non, que ce soit par choix ou pour des raisons médicales.

A l’heure où le vaccin est disponible gratuitement, sans restriction et que la vaccination est très fortement recommandée par les autorités, la question de l’existence d’un droit au salaire pour les collaborateurs testés positifs qui ont décidé de ne pas se faire vacciner pourrait être mise sur le grill, voire remise en cause.

Certes, le choix de la vaccination relève de la liberté personnelle garantie par l’article 10 de la Constitution fédérale. Toutefois, à notre sens, l’exercice de cette liberté résulte d’une pure convenance personnelle qui peut être assimilée au choix du collaborateur de subir une opération de chirurgie esthétique ou une FIV.

Contrairement au service féminin de l’armée qui relève également d’un choix, le refus du vaccin ne poursuit manifestement pas un intérêt public. Bien au contraire, l’intérêt public réside dans l’immunité collective qui ne peut être atteinte, selon le Conseil fédéral, que par la vaccination du plus grand nombre.

A l’heure actuelle, avec la nouvelle flambée de la 5ème vague, se pose la question de savoir si l’intérêt de l’employeur sur celui du collaborateur qui refuse le vaccin, pour des motifs de convenance personnelle, ne devrait pas l’emporter. Le versement du salaire des collaborateurs qui décident, par choix, de ne pas se faire vacciner pourrait se voir être mis sur le qui-vive.

Cette question est plus que délicate, car ni la doctrine, ni par la jurisprudence n’ont encore évoqué cette problématique. Pour le surplus, la question tout aussi délicate du droit, pour l’employeur, de traiter les données relatives au statut vaccinal du collaborateur n’est pas abordée. Elle suscite aussi de nombreuses interrogations…

Retrouvez l’expertise de Marianne Favre Moreillon, directrice et fondatrice du cabinet juridique DroitActif et EspaceDroit, dans plus de 450 articles