Dans l’économie mondiale, malgré les efforts entrepris par le commerce équitable durant ces dernières décennies, de nombreux problèmes subsistent, notamment en matière de pouvoir décisionnel des petits producteurs locaux. Il en résulte une pauvreté endémique et une détérioration progressive de l’environnement. Lauréate du Prix suisse de l’éthique 2021, organisé chaque année par la HEIG-VD, Choba Choba souhaite renforcer le poids des producteurs de cacao du Pérou dans les orientations stratégiques des entreprises. Les explications de son cofondateur Nicolas Porchet.

également interessant
 
 
 
 
 
 

En quoi consistent les activités de Choba Choba?

Pour les consommateurs, Choba Choba est avant tout une marque de chocolat, bien qu’elle se compose en fait de trois entités distinctes mais complémentaires. La coopérative de cacaoculteurs basée au Pérou est chargée de toute la partie production de cacao et représente les intérêts des agriculteurs au sein de l’entreprise. Cette dernière, basée à Berne, s’occupe de la transformation du cacao et de la commercialisation du chocolat. Quant à la fondation, elle poursuit deux missions principales: la première consiste à soutenir l’entrepreneuriat agroécologique dans l’industrie du cacao et du chocolat au Pérou et la seconde touche à la conservation des forêts et au maintien de la biodiversité, l’industrie du cacao étant l’un des importants moteurs de la déforestation au Pérou et ailleurs.

A l’aide de formations et d’outils de gestion, nous accompagnons les cacaoculteurs dans leur développement entrepreneurial, de manière à préserver et à valoriser les riches écosystèmes dans lesquels ils vivent. Nous les aidons à prendre leur vie professionnelle en main et ils nous aident à apporter du sens au consommateur qui recherche non seulement un produit de qualité, mais aussi des valeurs telles que la transparence, l’authenticité et l’équité. C’est d’ailleurs d’où provient le nom Choba Choba, qui signifie «je t’aide, tu m’aides» en langage local.

Quels types de changements proposez-vous?

Nous souhaitons faire des producteurs non plus des bénéficiaires mais des partenaires professionnels et égaux. Notre modèle est plus inclusif: pas seulement dans les mots, mais également dans les faits. Concrètement, les producteurs deviennent actionnaires de l’entreprise, ce qui les implique directement dans la prise de décisions et dans les stratégies qui les concernent, par exemple la fixation du prix du cacao. D’autre part, ils peuvent bénéficier de la plus-value sur le produit final (le chocolat) et plus uniquement sur la vente de la matière première.

Cette méthode peut-elle s’appliquer dans d’autres sociétés?

Ce concept pourrait être envisagé dans toutes les entreprises ayant une chaîne de production similaire, c’est-à-dire impliquant des producteurs locaux et des consommateurs finaux. C’est le cas dans de nombreuses filières agricoles ou dans le textile, où il existe également un important déséquilibre des pouvoirs. Il est important d’adapter le modèle à chaque réalité, mais le potentiel existe et plusieurs entreprises nous ont déjà contactés pour en savoir plus.

Quels profits les entreprises peuvent-elles en tirer?

D’abord une valeur ajoutée significative en termes de qualité. En mettant l’humain et l’environnement au cœur de l’entreprise, on ajoute une valeur significative aux produits, tant en termes de qualité que de réponses aux besoins émergents des consommateurs. Il y a effectivement une demande croissante en matière de transparence de la chaîne de production et de responsabilité sociale. Jusqu’à présent, cela touchait surtout des produits de niche, mais ce mouvement se démocratise et les acteurs économiques plus importants doivent aussi trouver des solutions. Les entreprises sont des acteurs centraux dans le développement de la société. Pendant longtemps, on a cru que le social et l’écologie allaient à l’encontre du profit. Aujourd’hui, on se rend compte que, en intégrant ces dimensions dans les processus de production, on ajoute de la valeur dans les entreprises.

 

Leader Circle: «RSE, Nice to have ou indispensable?», 16 juin

Expert en développement organisationnel pour les entreprises à buts socio-environnementaux, Nicolas Porchet s'exprimera le jeudi 16 juin à Berne dans le cadre d'une conférence organisée par Swiss Leaders, partenaire de PME. La thématique de ce Leader Circle: «La responsabilité sociale des entreprises, nice to have ou indispensable?». Parmi les autres intervenants, Thomas P. Meier, CEO de Ricola, Brigitte Breisacher, CEO d'Alpnach Norm (qui vient de décrocher le SEF Woman Award), et Christian Kobler, de Forma Futura Invest. Plus d'infos: swissleaders.ch