Les deux ans de pandémie que nous venons de traverser ont considérablement fait évoluer notre rapport au travail. Une récente étude menée par le prestataire de services immobiliers Steiner montre que 33% des personnes actives en Suisse préfèrent travailler au bureau, 42% souhaitent un modèle hybride et 25% aimeraient travailler principalement à domicile.

Cette évolution implique des aménagements dans les logements et les bureaux. Selon ce même sondage, une personne sur quatre attend un agencement adapté de son poste de travail, 35% pensent qu’il faudra moins de surface, 66% aimeraient avoir à disposition des espaces permettant de se concentrer et 64% souhaiteraient des bureaux individuels utilisables selon les besoins. Quant aux pièces spécifiques pour les vidéoconférences, elles sont importantes pour 60% des personnes interrogées.

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Spécialisée dans la transformation d’espaces de travail, l’agence lausannoise Studio Banana travaille sur différents mandats pour des entreprises et des organisations comme Audemars Piguet, le CIO, Ernst & Young ou l’EPFL. Voici les cinq grandes recommandations de son directeur général, Serge Piguet.

1. Prendre le temps de réfléchir

Comment faire revenir les gens au bureau? Voilà une grande question à laquelle sont confrontées la plupart des entreprises depuis la fin de la pandémie. «La notion de travail au bureau a changé de sens, relève Serge Piguet. Beaucoup de gens ont apprécié le fait de pouvoir travailler tranquillement chez eux, tout en avançant rapidement dans leurs tâches. Ils ont constaté qu’une certaine dynamique pouvait se créer en travaillant sur le sofa du salon ou à la cuisine en préparant un café. Beaucoup de collaborateurs craignent que leur entreprise ne prenne pas en compte cette mutation. Les responsables d’entreprise ne peuvent pas s’offrir le luxe de ne pas y réfléchir. Le m2 est trop cher pour s’imaginer que l’on se rend au travail juste pour recevoir ou envoyer des e-mails, seul devant son écran.»

Il s’agit au contraire de trouver des synergies, des manières de collaborer au sein d’une équipe. Selon lui, le piège consisterait à répéter les mêmes erreurs que par le passé. Par exemple, constituer des open spaces de plus de 20 personnes ou penser qu’un bureau se limite à une table et une chaise. «Les métiers sont devenus beaucoup trop pointus et spécialisés pour cela.» Bien sûr, tout dépend des secteurs. On ne peut pas appliquer les mêmes méthodes dans un atelier de mécanique et une fiduciaire. L’important est de mener une réflexion de fond.

2. Prendre en compte l’organisation et l’espace

«D’un côté, il faut penser aux aspects organisationnels: quand est-ce qu’on va aux réunions, comment est-ce qu’on communique, quel est le ratio télétravail/présence au bureau, etc. De l’autre, il y a le spatial, avec la question de savoir si l’espace à disposition permet d’atteindre ce que l’on s’est fixé comme objectifs.» Différentes options peuvent se présenter, comme agrandir la cafétéria ou le coin salon, avec des canapés pour y faire des réunions. Les entreprises qui réduisent le temps de travail sur place peuvent diminuer les surfaces de bureaux pour agrandir les espaces de convivialité. «Là encore, la réflexion doit être personnalisée; on ne peut pas partir de photos d’entreprises «cools», type Google, et tenter de reproduire ce modèle. Cela ne fonctionnera pas sur la durée.» Evidemment, selon leur contrat de bail, toutes les entreprises n’auront pas la possibilité de réduire leur surface. Elles peuvent néanmoins, entre-temps, l’aménager plus convenablement.

3. Définir une charte de conduite

Il convient de formaliser comment l’entreprise fonctionne en termes de gestion du temps de travail, de télétravail, d’organisation des séances, bref, comment elle définit sa politique de gestion entre le privé et le professionnel. «Certaines entreprises interdisent d’éteindre la caméra pendant les visioconférences pour qu’on puisse voir tous les visages et déceler d’éventuelles crispations ou tensions. Ce type de règle permet de renforcer l’esprit d’équipe. Il est important de verbaliser ces codes, de les rédiger et de bien les communiquer.»

Au niveau du matériel, on peut imaginer de prêter du mobilier aux employés pour qu’ils bénéficient d’un cadre de travail adéquat à leur domicile. Autre exemple: si les places de bureau ne sont pas attribuées aux mêmes personnes selon les jours de présence, on peut établir comme règle qu’elles doivent être nettoyées après utilisation afin de les laisser propres pour le collaborateur suivant.

4. Inclure les parties prenantes

Quelle expérience les clients et les partenaires ont-ils lorsqu’ils fréquentent les locaux d’une entreprise? Lors d’un réaménagement, il ne faut pas oublier de se poser cette question, en se mettant à la place des différentes parties prenantes. Par exemple, est-il judicieux de supprimer un secrétariat d’accueil? «Dans le secteur industriel, des collaborations peuvent être mises en place avec les clients pour lesquels on peut prévoir des espaces afin qu’ils puissent collaborer et apporter des idées nouvelles.»

5. Mettre les mesures en action

Une fois ces différentes réflexions menées, encore faut-il passer à la réalisation. «Le mieux consiste à procéder par tests et feed-back successifs, souligne Serge Piguet. Il est possible de prévoir des séances d’essai de mobilier directement chez le fournisseur, où les collaborateurs travaillent comme s’ils étaient au bureau.» Selon lui, il vaut mieux concevoir ces adaptations comme un «work in progress» plutôt que comme un investissement définitif.

William Türler
William Türler