Faire ses premiers pas en tant qu’administrateur dans un conseil est un défi. C’est surtout une grande responsabilité puisqu’une mauvaise décision stratégique peut nuire à la santé d’une entreprise. Parmi les 400 000 administrateurs suisses, beaucoup sous-estiment leur rôle, ou croient le connaître. Les PME, par exemple, ont malheureusement tendance à négliger l’importance d’un conseil d’administration alors que c’est un organe clé pour le bon fonctionnement d’une entreprise.

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Mais la donne change: «Il y a davantage de crises. La gestion d’une entreprise s’est complexifiée de manière générale. Par conséquent, la fonction d’administrateur n’est plus un titre honorifique. C’est un vrai métier avec des exigences et des responsabilités légales plus importantes», souligne Dominique Freymond.

Les «P3»: propriétaire, patron et président

Depuis 2010, le cofondateur de l’Académie des administrateurs (ACAD) forme les administrateurs de PME. Pendant deux jours et demi, les associés de l’ACAD les accueillent pour les sensibiliser aux rudiments de ce métier pour l’exercer de manière professionnelle. Car le bien-être des actionnaires et de l’entreprise en dépend.

Encore aujourd’hui, beaucoup de PME familiales restent dans un modèle traditionnel. Dans le jargon de Dominique Freymond, elles sont dirigées par des «P3», soit des personnes qui cumulent les trois rôles de propriétaire, patron et président du conseil d’administration et qui assument la gouvernance, la stratégie et l’opérationnel. «Les choses s’organisent de manière simple. Mais dès lors qu’une crise survient, ils affrontent la tempête seuls avec leurs biais et parfois de la subjectivité; ce qui nuit à la décision. C’est pour cela que nous leur conseillons de mettre sur pied un petit conseil d’administration consultatif afin d’être en contact avec d’autres compétences et d’autres paires de lunettes. Ils pourront plus tard le transformer en conseil d’administration et aborder la stratégie, nécessaire pour pérenniser l’entreprise.»

Pour ces petites PME, l’heure est donc à la prise de conscience. «Les P3 aimeraient savoir à quoi sert un conseil d’administration et comment le mettre sur pied. Les PME qui jouissent déjà d’un conseil veulent le professionnaliser davantage, c’est-à-dire comment elles peuvent mieux l’organiser, le renouveler. Les administrateurs au sein de petites structures sont relativement seuls dans leurs fonctions. A l’ACAD, ils vont pouvoir échanger avec des pairs et s’ouvrir à d’autres visions», insiste Dominique Freymond.

La formation L’ACAD propose deux formations de deux jours et demi. La première revient sur les fondamentaux pour les futurs administrateurs. La seconde s’adresse aux personnes déjà en place dans un conseil et qui veulent gagner en valeur ajoutée.

Pour y parvenir, l’ACAD soumet la vingtaine de participants de ses séminaires à des jeux de rôles: «Cela permet de les mettre en situation. Ils expérimentent la dynamique de groupe d’un conseil d’administration. Ils se rendent compte que tout à coup la séance ne se déroule pas comme prévu. Ils prennent conscience des problèmes d’ego, des jeux de pouvoir et de la dynamique de groupe. Parfois, les groupes ne prennent pas la même décision sur une situation de base pourtant similaire. C’est très intéressant.» L’ACAD propose également des formations spécifiques sur les fusions et acquisitions et les fondations, pour ne citer qu’elles.

Une formation généraliste

A l’heure actuelle, les universités, les écoles polytechniques ou l’IMD proposent des formations, mais celles-ci, bien que qualitatives, restent très spécifiques à des domaines précis de la gouvernance, comme la compliance, le droit, la finance. C’est pour diversifier l’offre de formation et l’approche plus généraliste qu’Eric Maire et Christophe Marchal forment des généralistes. Le premier baigne dans la gouvernance depuis plus de vingt-cinq ans. Eric Maire est également le fondateur de Swissawa, société dispensant de la formation dans le domaine de la gouvernance auprès d’entreprises, d’associations et de start-up. Quant à Christophe Marchal, il gère la communication d’Apia Swiss, centre d’excellence en gouvernance des PME, qui réunit des administrateurs professionnels indépendants.

Mais pourquoi former des généralistes? «Avec Eric Maire, on s’est aperçu qu’il y avait des trous béants sur le marché suisse de la formation. Il en existe au niveau universitaire, mais toujours avec une coloration financière ou juridique, constate Christophe Marchal. Le spectre de la gouvernance est beaucoup plus large. La gouvernance n’est pas restreinte à un sujet mais fait partie de la colonne d’une entreprise.»

Le constat «La gouvernance s’adapte au corps de métier. Il faut donc former des généralistes capables de se prononcer sur plusieurs problématiques, telles que la cybersécurité, la sécurité au travail, l’égalité salariale, la logistique», estime Eric Maire.

Afin de parvenir à cette largeur de spectre, Swissawa mise sur la formation pratique. Elle s’adresse à toutes les personnes déjà en place dans un conseil d’administration. «Nous avons conçu des exercices de groupe dans lesquels les participants vont expérimenter des situations concrètes, explique Eric Maire. Il y a par exemple des entreprises qui ont vécu un événement difficile comme une cyberattaque. Elles auront besoin de revoir leurs signaux d’alerte pour anticiper et réagir d’une manière efficiente. D’autres prennent conscience que leur conseil d’administration est mal structuré. On les forme donc aux processus de structuration.» Et Eric Maire de conclure et de rappeler qu’«un administrateur n’est pas un consultant. Il partage les risques avec l’entrepreneur. D’où l’importance d’être bien formé pour prendre les bonnes décisions qui vont pérenniser l’entreprise.»

Mehdi-Atmani
Mehdi Atmani