Aucune entreprise n'a intérêt à payer davantage de salaire à ses employés. Voilà la base que pose l'expert en négociation Frédéric Mathier. «Ce n'est que lorsqu'une société manque de personnel ou qu'une personne démissionne que les entreprises proposent d'elles-mêmes un salaire plus élevé.»

Comme les entreprises préfèrent maximiser les bénéfices plutôt que de payer davantage leurs collaborateurs, les employés doivent apprendre à négocier. Et c'est à eux qu'il incombe de mettre le sujet à l'ordre du jour.

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Frédéric Mathier a pu perfectionner ses compétences en matière de négociation pendant plus d'une décennie en tant que responsable des achats et acheteur stratégique. Il dirige Maevo, une société spécialisée dans la négociation établie dans le canton de Berne. Il nous livre cinq grands conseils à suivre lors des négociations salariales et fournit plusieurs arguments de poids.  

Conseil no 1: choisir le bon moment

Pour bénéficier d'une augmentation de salaire, il faut agir de manière proactive et choisir le bon moment, comme par exemple une promotion, l'obtention de plus de responsabilités ou après qu'une une formation continue soit achevée. Cependant, beaucoup fixent leurs entretiens au début de l'année, lorsque tous les entretiens avec les collaborateurs ont lieu. «Si tout le monde va voir son supérieur en janvier, les chances de succès s'amenuisent», note Frédéric Mathier.
 
Un autre bon moment est celui où le responsable affirme qu'il apprécie le travail fourni par l’employé et que l'entreprise ne pourrait se passer de lui. «De telles déclarations suivent généralement la démission d’une personne, lorsque le besoin de travail s'intensifie.» Il faut donc profiter de ce momentum et demander rapidement un entretien.

Attention au choix des termes utilisés: «Le wording est important: mieux vaut parler d'un ajustement salarial plutôt que d'une augmentation de salaire.»

Premier argument de l'employeur: «Vous devez encore faire vos preuves avant que je puisse envisager une augmentation de salaire.» Un travailleur ne serait plus en place si son travail n'était pas apprécié. Selon Frédéric Mathier, on peut faire l’analogie avec l'achat d'un véhicule: «On n'essaie pas une voiture pendant six mois avant de l’acheter.» Par conséquent, il faut insister sur ce qui a été réalisé et réclamer une augmentation.

Deuxième argument de l'employeur: «Ce n'est pas le bon moment.» Les raisons peuvent être nombreuses: période difficile, augmentation des coûts, indisponibilité du responsable des ressources humaines, etc. Il faut alors s'accrocher et fixer directement une prochaine date possible. Il est également recommandé de jeter un coup d'œil au calendrier du chef et du responsable RH. S'il y a un créneau libre, réservez-le immédiatement. La règle globale est la suivante: fixer au maximum un mois plus tard un rendez-vous.

Conseil no 2: comparer les salaires

Il est impératif de se faire une bonne idée de la grille salariale. Sur des plateformes comme Kununu ou Glassdoor, il est possible d’estimer une fourchette de salaire en fonction du canton, de l'âge, de la formation et de nombreux autres critères.

Par ailleurs, les gens sont aujourd'hui plus ouverts en ce qui concerne leur salaire. «Si, jusqu'à présent, il était tabou pour le Suisse classique de parler de son salaire, ce comportement a changé», explique Frédéric Mathier. Ce sont justement les jeunes générations qui abordent le sujet de manière plus ouverte.

Celui qui connaît la fourchette de salaire dans laquelle il se trouve doit la noter et exiger l'extrémité supérieure lors de l'entretien, car fixer des objectifs plus élevés conduisent à de meilleurs résultats de négociation. De plus, l'employeur fait exactement le contraire.

Troisième argument de l'employeur: «Vous avez déjà atteint la limite de votre fourchette salariale.» C'est une excuse souvent invoquée pour ne pas augmenter un salaire. L'expert conseille de demander à quoi ressemble la tranche suivante et de demander de passer à celle-ci.

Quatrième argument de l'employeur: «Nous vous payons déjà plus que ce qui est habituel dans le secteur.» Ici aussi, il faut demander quelles sont les prochaines étapes et ce qui doit être accompli en plus pour obtenir une promotion. Cela montre de l'intérêt et de l'initiative personnelle. Une augmentation de salaire serait appropriée en raison des efforts supplémentaires fournis.

Conseil no 3: rassembler les preuves de performance

Les gens ont tendance à oublier et ne se souviennent généralement que des événements des trois ou quatre dernières semaines. Si, lors de l'entretien salarial, le chef vous demande ce que vous avez fait de plus que les autres, vous ne saurez peut-être pas quoi lui répondre. «C'est pourquoi il faut noter toutes les choses positives survenues au cours de l'année. Surtout celles où l'on a fournit un effort supplémentaire.»

La période peut concerner les six à douze derniers mois. «Imaginez que vous vous présentiez avec un document Word de dix pages! Plus vous en avez, mieux c'est. Cela fait de l'effet», ajoute l’expert.

Cinquième argument de l'employeur: «Le salaire n'est pas si important, ce qui compte c’est l'ambiance.» Il faut démontrer que les deux aspects sont importants: d’un côté, un salaire qui correspond à ses performances, de l’autre, un travail dans lequel on s’épanouit. Tout comme l'entreprise veut se développer, l'individu le souhaite également.

Sixième argument de l'employeur: «Si je vous paie davantage, je dois donner plus à tout le monde.» Ce type de conversation est confidentielle. De plus, il ne s'agit pas des autres, mais de l'individu. Répondez que vous avez fait preuve de performances que personne d'autre n'a montrées. Par exemple, une formation continue est une preuve de performance que tout le monde ne présente pas et que vous pouvez mettre en avant pour obtenir une augmentation de salaire.

Conseil no 4: préparer plusieurs revendications

L'essentiel est de commencer par une revendication salariale claire. «Sans chiffre, les attentes ne sont pas clairement communiquées», explique Frédéric Mathier.

Il peut effectivement arriver qu'un patron ait les mains liées et qu'il ne puisse pas verser un salaire plus élevé. Dans ce cas, il faut apporter un catalogue de revendications. Selon l’expert, celui-ci devrait comprendre au moins dix options. Il est possible de réfléchir à un bonus, à un 14ème salaire, à une réduction du temps de travail, à un abonnement de téléphone portable ou de fitness, à la prise en charge des frais de crèche ou à une participation à la formation continue. «Ce qui compte, c'est le paquet global.»

Là encore, Frédéric Mathier fait la comparaison avec une voiture: le concessionnaire automobile ne peut pas baisser le prix du véhicule, mais il peut mettre en vente des pneus d'hiver, un contrôle technique ou un bon de service. Cela ne fait pas baisser le prix, mais cela profite à l'acheteur. «L'avantage, pour le concessionnaire automobile comme pour le chef, est que de telles créances sont généralement couvertes par un autre compte.»

Conseil no 5: définir et confirmer la suite de la procédure

Après l’entretien, il faut impérativement envoyer un bref e-mail au chef avec les points les plus importants: le nouveau salaire, le début du premier versement, le début des éventuels cours de formation continue ainsi que d'autres accords. «Seul ce qui est écrit noir sur blanc est appliqué», indique Frédéric Mathier.

Un dernier aspect ne doit pas être oublié: «Si l'on ne se soucie que du salaire, ce n'est probablement pas le bon job», ajoute l’expert en négociation. Si l'on ne peut pas énumérer pour soi-même cinq points pour lesquels on a «le meilleur job du monde», il faut envisager un changement. Sinon, négocier un salaire plus élevé ne représente qu'un pansement provisoire. 

Prendre le point de vue de l’entreprise

Lors de la formulation des exigences, il faut faire attention à des déclarations telles que «la vie est devenue plus chère», «ma femme est enceinte» ou «j'ai acheté une maison». Elles constituent un auto-goal: ces sujets n'intéressent pas l'entreprise.

Il faut montrer à cette dernière quelle est sa contribution personnelle. Il ne faut pas argumenter de son propre point de vue, mais de celui de l'entreprise: où l'a-t-on fait progresser? Quels coûts ont été économisés? Quels processus ont été optimisés? 

D'autres paramètres peuvent être mis en avant: par exemple, une langue que personne d'autre ne maîtrise ou les connaissances informatiques que l'on met à la disposition des autres.

Tina Fischer
Tina Fischer