Avril 2022… C’est une date que le secteur de la création n'oubliera pas. L'entreprise Open AI a présenté au monde sa plateforme révisée Dall-E 2 et l'a rendue accessible. La mission de la plateforme: créer des images par saisie. Et ceci, en quelques secondes. 

Alors qu'auparavant, les illustrateurs, photographes ou artistes avaient besoin de jours, voire de semaines, pour créer une image, la plateforme n'a besoin que d'une phrase pour créer un produit: tableau dans le style de Picasso, paysage de rêve avec des vaches qui dansent, Barack Obama et Donald Trump riant et buvant une bière. Tout devient possible avec Dall-E 2.

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«Maintenant, je suis au chômage»

Les représentants de ce secteur ont poussé un cri d'alarme. Beaucoup se voyaient déjà confrontés à des pertes de mandats. Brigitta Garcia Lopez, illustratrice indépendante depuis 22 ans, en fait partie. Elle a été choquée lorsqu'elle a essayé Dall-E 2 pour la première fois: «Ma première pensée a été: maintenant, je suis au chômage.»

Elle a investi des années dans sa formation, a passé des heures à perfectionner son style. Désormais, il suffit de quelques clics de souris et tout le monde peut imiter gratuitement son style grâce à l'IA. 

En outre, les propositions qui ne correspondent pas encore exactement aux attentes peuvent être développées d'un simple clic de souris. Si une proposition d'image va dans la bonne direction, celle-ci est sélectionnée, après quoi l'IA soumet quatre propositions similaires dans un délai très court, jusqu'à ce que le produit final plaise. 

Une source d'inspiration

Cette situation de départ a d'abord dressé un tableau assez sombre pour le secteur créatif, mais elle a en même temps stimulé l'illustratrice. Elle s'est procuré des accès aux programmes d'IA - pour Dall-E 2 par exemple - et s'est penchée sur la nouvelle technologie.

Dès qu'elle connaissait les programmes, elle ne se contentait plus d'accompagner manuellement les nouvelles commandes - qui continuaient heureusement à affluer - mais laissait l'IA élaborer des propositions en même temps qu'elle.

Résultat: «A la fin, je me suis retrouvée avec 270 images dont aucune ne pouvait m'être utile.» Les images que l'IA avait développées correspondaient rarement à son idée. C'est pourquoi, elle n'a jusqu'à présent pas soumis de propositions d'illustration avec une part d'IA à ses clients.

Un mouvement «anti-IA»

De nombreux créatifs ont connu le même sort que Brigitta Garcia Lopez. Et très vite, la peur de la nouveauté s'est transformée en défi. L'IA se sert de millions de modèles sur internet et génère ses images à partir de ceux-ci. Les artistes lui reprochent désormais de reprendre leurs styles, et ceci sans indiquer la source.

Un mouvement «anti-AI» a donc suivi sur la plateforme Artstation.com, un média social similaire à Instagram, mais développé spécifiquement pour les artistes. Un gros panneau «stop» avec les lettres «AI» a été mis en scène par différents créatifs.

Christoph Deiters et Christopher Saller travaillent pour le bureau de visualisation d'architecture Nightnurse Images à Zurich. Ils conçoivent des images basées sur des plans de bâtiments qu'ils reçoivent d’architectes. S'ils ne sont pas «anti-IA», ils ne l'utilisent pas non plus de manière globale: «Il est difficile de créer des images spécifiques avec ces programmes, explique Christopher Saller. L'IA ne recrache pas toujours exactement ce que l'on a en tête.»

Plus un soutien qu'un substitut

Les deux créatifs utilisent encore moins les suggestions de l'IA que Brigitta Garcia Lopez, car leurs images de bâtiments dépendent fortement de l'ambiance, des conditions d'éclairage et de l'environnement du bâtiment. Aujourd'hui, une IA n'atteint tout simplement pas encore ce niveau de précision.

Ils utilisent donc Dall-E 2 et d'autres programmes d'IA comme une source d'inspiration. La possibilité de les reproduire en quelques secondes leur permet de créer plus rapidement des images de référence.

Chez ces trois créatifs, le message est le même: les programmes d'IA représentent actuellement davantage un soutien qu'un substitut. Cependant, il existe une application qui pourrait être potentiellement intéressante pour l'avenir, comme le commente Christoph Deiters: «Pour nous, cela devient intéressant à partir du moment où l'on peut alimenter le programme en images et lui dire: ajoute-moi des gens ici ou change la saison.» Selon lui, un tel développement changerait tout le processus.

Olivia Ruffiner
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