Alors que les cas d’épuisement professionnel atteignent des niveaux inquiétants, préserver la santé psychique des salariés apparaît désormais comme une nécessité, voire une urgence, pour les entreprises. Et si les contours des responsabilités légales semblent facilement identifiables en matière d’accidents de travail ou de maux physiques, les choses se corsent nettement lorsqu’il est question de la santé mentale du travailleur.

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Selon le rapport de la fondation Promotion Santé Suisse (PSS) publié en septembre dernier, la part de personnes actives se sentant émotionnellement épuisées a franchi la barre des 30%. A la décharge des managers, identifier avec précision les besoins de son organisation dans le but de mettre en place des solutions concrètes, ciblées et efficaces relève bien souvent du casse-tête, surtout en l’absence de formation dédiée.

Explosion des start-up actives dans la santé mentale

Dans le sillage du covid, le nombre de start-up actives dans le domaine de la santé mentale en entreprise a bondi aux Etats-Unis, avec des mastodontes comme Lyra Health ou Ginger (respectivement 910,1 et 220,7 millions de dollars levés), et également en France – Moka.care, avec 15 millions d’euros de tour de table en mai 2022, We Talk, Lumm, Holivia ou encore Tricky. En Suisse, une poignée d’acteurs se sont aussi lancés ces dernières années dans le domaine dit de la mentaltech B2B.

Fondée en 2021, la start-up zurichoise Kyan Health affiche ses ambitions: «Faire du bien-être mental un super-pouvoir au travail.» Couleurs vives, visuels punchy rappelant quelque peu ceux du géant de la méditation Headspace, l’interface utilisateur de Kyan Health propose un soutien personnalisé et validé par un comité scientifique. Grâce à ses algorithmes et à des outils d’auto-évaluation, la fonctionnalité Kyan Care propose des méditations guidées, des exercices dérivés de thérapies cognitivo-comportementales ou des aides à l’endormissement. Lorsque les problématiques rencontrées par les employés le nécessitent, ces derniers bénéficient en outre de «visio-consultations» avec des coachs certifiés et des psychologues.

Une approche de soins mixte entre prévention et action. «Si vous êtes déjà très déprimé ou très anxieux, il est évident que ce ne sont pas quelques exercices de méditation ou de respiration qui vous permettront d’aller mieux. Mais lorsqu’on agit en amont, on préserve le bien-être des collaborateurs tout en les sensibilisant aux enjeux de santé mentale», commente Vlad Gheorghiu, cofondateur de la société, qui a lui-même été confronté à un burn-out.

Promouvoir une politique de santé au travail adaptée

Côté employeur, Kyan Health propose des évaluations organisationnelles et un accompagnement dans la mise en place d’une politique de santé au travail adaptée: «Si l’on se trouve dans un environnement dysfonctionnel, les collaborateurs n’iront pas mieux malgré toute l’aide psychologique du monde et l’employeur, de son côté, éprouvera de la frustration face à l’inefficacité de ses initiatives», note Vlad Gheorghiu. Parmi ses clients, le groupe Hilti, Hitachi Energy (ancienne unité Power Grids d’ABB comptant plus de 40 000 employés) et On Running.

Autre acteur de la branche en Suisse: Kinastic, qui a vu le jour en 2016. Avec son application mobile ou son interface pour ordinateur, l’entreprise basée à Zurich se distingue de ses concurrents par son orientation pluridisciplinaire. Articles et formations pour déstigmatiser les problématiques de santé mentale au bureau, méditation de pleine conscience, exercices de respiration anti-stress mais aussi entraînements sportifs réguliers avec coach, exercices courts sur le lieu de travail, programmes de fitness à long terme, «défis en équipe» ou encore recettes de repas sains au bureau ou à la maison, chaque employé est libre de faire son marché en fonction de ses préférences et besoins personnels.

Une approche holistique qui a séduit l’assureur Axa, principal investisseur de Kinastic depuis mai 2022, ce qui a permis de booster la croissance de la jeune pousse: «A l’avenir, nous souhaitons exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle, en particulier dans la prise en charge personnalisée et l’identification des signaux d’alerte de manière précoce», explique Marija Cuk, directrice marketing de Kinastic. La société compte parmi ses clients aussi bien de grandes structures comme TX Group ou le grossiste en informatique Ingram Micro que des PME.  A noter qu'en ce qui concerne les tarifs, les entreprises paient entre 5 et 15 francs par employé et par mois pour les services de Kyan Health. Chez Kinastic, il faut compter environ 10 000 francs par an pour les PME.

Qu’en est-il de la confidentialité?

En Suisse, la loi fédérale sur la protection des données (LPD), dont la nouvelle version va entrer en vigueur le 1er septembre 2023, protège de manière stricte la personnalité et les droits fondamentaux des individus dont les données personnelles font l’objet d’un traitement (collecte, stockage, utilisation, transfert ou conservation).

Les start-up actives dans la santé mentale en ligne proposent généralement de remonter des données aux employeurs afin de rendre compte de l’engagement des collaborateurs quant aux solutions proposées (combien de personnes l’utilisent, à quelle fréquence, etc.), mais aussi de donner de grandes orientations quant aux problématiques rencontrées par les salariés.

Chez Kyan Health comme chez Kinastic, on assure que les employeurs ne peuvent en aucun cas identifier une personne spécifique au sein de leur organisation en raison d’une pseudonymisation des données partagées par les collaborateurs.

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Margaux Sitavanc