«Titulaire d’un master en finance, j’ai commencé ma carrière à Gênes, en Italie, en faisant de la fusion et de l’acquisition d’entreprises pour le cabinet international KPMG. J’ai ensuite poursuivi ma carrière de trader à Londres. Pourtant, assis à un bureau face à 14 écrans, je me suis rapidement senti déconnecté de la réalité. Naissent alors les premières interrogations: quel métier pourrait à la fois me plaire et apporter du bonheur aux gens? C’est à partir de ce questionnement que je me suis tourné vers ma passion: la glace. J’ai toujours été un grand consommateur de ce produit. Dans chaque ville où je me rends, je cherche toujours mon glacier de référence.

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Pourtant, lorsque je m’installe à Genève en 2008, je ne suis pas satisfait de la qualité des glaces proposées, que je trouve souvent très sucrées et peu savoureuses. La demande, elle, semble pourtant être au rendez-vous. Pour rire, je lance: «Mon objectif est de faire mieux!» Cette idée m’est restée en tête. Je contacte alors des maîtres glaciers italiens qui proposent des formations. Je saute dans ma voiture et roule à travers les paysages de mon enfance, afin d’apprendre le maximum sur l’art de la glace italienne.

Malgré ma crainte de quitter une vie professionnelle stable – et la stupeur de mes proches –, cette formation a renforcé ma volonté de changer de métier. A 32 ans, j’ai ouvert la première enseigne de glaces Manu Gelato à Genève, en avril 2011. Ce lieu avait l’avantage d’être suffisamment spacieux pour accueillir à la fois la boutique, à l’avant du local, et, à l’arrière, un lieu de création et de production de glaces. Ma création favorite: le parfum ricotta, meringue et crème de myrtilles.

Rapidement, les glaces connaissent un grand succès et des succursales ouvrent à Lausanne, à Nyon et à Morges. En 2021, la production a été relocalisée à Meyrin (GE), ce qui m’a permis d’investir dans des machines plus grandes pour passer d’une production de 120 à 600 litres de glace par heure. Afin de ne pas impacter la qualité, les processus et la composition sont restés identiques. Pour les produits, je privilégie autant que possible les matières premières suisses; le lait et le sucre viennent d’ici, la vanille de Madagascar, la mangue du Brésil, les noisettes et les pistaches d’Italie.

Déménager dans un lieu de production plus spacieux m’a permis de poursuivre le développement de l’entreprise. Ainsi, en avril dernier, nous avons célébré l’ouverture de notre 12e boutique, dans le centre-ville de Neuchâtel. Actuellement, près de 2000 litres de glace sont produits chaque jour pour les 12 succursales. Nous sommes en croissance économique, avec un chiffre d’affaires annuel oscillant entre 250 000 et 400 000 francs par boutique.

Pourtant, au lancement de l’entreprise, j’ai sous-estimé la difficulté et les investissements nécessaires. Je m’occupais de tout: la production, la vente et même la livraison des glaces. C’est seulement depuis 2014 que j’ai enfin eu la capacité financière de déléguer ces tâches à des employés.

Posséder une entreprise de glaces confronte également à des difficultés récurrentes sur lesquelles il est impossible d’exercer une influence, comme la météo. Une belle saison, c’est 20% en plus dans les caisses (et la même proportion, dans l’autre sens, en cas de mauvais temps). Le deuxième défi est la saisonnalité: plus de 80% du chiffre d’affaires se fait sur trois mois, juin, juillet et août, puis nous fermons les magasins d’octobre à mars puisqu’il n’y a alors presque aucune demande. Ainsi, durant la haute saison, l’entreprise compte 55 employés alors que, en hiver, nous sommes cinq. Il faut donc gérer un cash-flow négatif pendant plusieurs mois, puisque certaines dépenses sont fixes, et, dès l’été, recruter et former rapidement le personnel nécessaire. Aujourd’hui, à 44 ans, je compte poursuivre le développement de ma marque, avec notamment l’ouverture d’autres filiales en Suisse romande.»

Carré blanc
Laurie Chappatte