De «gloom» à «boom»: c'est ainsi que le cabinet de recrutement Manpower a intitulé sa nouvelle étude. Gloom symbolise l'obscurité, la morosité et la mélancolie. Boom est considéré comme le contraire: un coup d'éclat, lumineux et clair, bruyant et efficace.

Mais qui doit passer du gloom au boom? Réponse: la «silver workforce». Ceux qui ont plus de cinquante ans. Ils sont au cœur de l'étude. En effet, la population active vieillit et les entreprises, qui s'occupent des jeunes générations et tentent de les attirer avec des offres avantageuses, oublient souvent leurs employés de longue date.

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Réduire la main-d'œuvre au lieu de la développer

Manpower a interrogé des responsables RH et des cadres sur leurs employés plus âgés et sur les offres qui leur sont destinées. Il est surprenant de constater que seul un peu plus d'un tiers d'entre eux ont répondu par l'affirmative à la question de savoir si la «silver workforce» était un sujet de préoccupation dans l'entreprise. Un peu moins de la moitié a indiqué que ce n'était pas le cas, tandis que 20% n'ont pas pu ou voulu répondre. Ces chiffres ont de quoi inquiéter. Ils montrent qu’une majorité d’entreprises se préoccupe peu, voire pas du tout des collaborateurs âgés. Pourtant, ils représentent le gros des effectifs.

Selon l'Office fédéral de la statistique, l'âge moyen de la population active est passé de 39 à 42 ans depuis les années 1990. En 2022, les personnes âgées de 40 à 54 ans représentaient environ un tiers de la main-d'œuvre. D'ici à 2050, on s'attend à une baisse du taux d'activité de 68,3% à 62,7%. Dès lors, les employeurs qui ne parviennent pas à conserver leurs employés à long terme ou à adapter les profils de leurs postes vont se heurter à un problème.

L'étude de Manpower montre qu'au lieu d'investir dans la formation de leurs employés plus âgés, les entreprises misent bien davantage sur la réduction de la main-d'œuvre. Les modèles de travail à temps partiel constituent l'offre la plus courante des entreprises pour les baby-boomers. Suivent de près les modèles de travail flexibles, les offres de retraite anticipée et les aides lors de licenciement. Tous visent à ce que la personne travaille moins ou plus du tout. Les mesures de gestion des carrières n'arrivent qu'en dernière position.

L’auteure de l'étude Susanne Pladeck s'étonne de cette situation: «En ces temps de pénurie de main-d'œuvre et alors qu'un tiers du personnel appartient à la génération 50+ et partira à la retraite dans les cinq à sept prochaines années, les entreprises devraient reconnaître le potentiel de ce groupe d'âge.»

L'experte va même jusqu'à qualifier la problématique des plus de 50 ans de discrimination, en raison des préjugés persistants: «Les entreprises pensent que les plus âgés ne sont plus capables d'apprendre ou ne sont plus motivés et qu'ils n'attendent plus que la retraite.» Pourtant, suffisamment d'études montrent le potentiel des collaborateurs âgés. Susanne Pladeck énumère quelques qualités: «La fiabilité, la loyauté et l'engagement sont des valeurs classiques des baby-boomers. S'y ajoutent les connaissances de la vie, l'expérience, l'intelligence sociale et émotionnelle, la pensée en réseau, la résistance au stress et l'autogestion.» Un éloge de l'âge? Pas du tout, une bonne dose d'autocritique se révèle toujours nécessaire. «Il ne faut tout simplement pas catégoriser les personnes âgées de manière générale», dit-elle.

Le départ à la retraite favorise une société à deux vitesses

Les données de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) montrent une autre évolution frappante: alors que la part des employés qui prennent une retraite anticipée augmente, celle des personnes qui repoussent leur retraite au-delà de 65 ans progresse également. «Les deux tendances montrent un désir croissant vers plus de flexibilité», indique la porte-parole de l’OFAS Sabrina Gasser.

Une autre explication peut être observée: un fossé se creuse, une société à deux vitesses se forme chez les plus de 50 ans. Ceux qui ont un emploi travaillent au moins jusqu'à la retraite ou même au-delà. Pour ceux qui perdent leur emploi, le risque de ne plus trouver de travail augmente considérablement. Dans le pire des scénarios, ils se retrouvent en fin de droit et les plus de 60 ans doivent faire appel aux prestations transitoires jusqu'à la retraite.

«La pression démographique augmente pour travailler au-delà de 65 ans, mais en même temps, il devient de plus en plus difficile de trouver un emploi fixe à partir de 55 ans», résume Pascal Scheiwiller, directeur de la société d'outplacement Rundstedt. En 2022, 39% des licenciements prononcés ont concerné le groupe des plus de 50 ans, alors que la proportion des plus de 50 ans qui travaillent est de 31%.

«C'est une évolution peu réjouissante. Mais elle ne provoque pas de tollé, car les conditions sur le marché du travail sont généralement très bonnes et les personnes de plus de cinquante ans ont aussi plus de facilité à trouver un emploi», explique-t-il. Depuis 2016, la durée moyenne de recherche d'emploi de ce groupe est certes passée de huit à six mois, mais si l'on suit le sujet sur Linkedin ou si l'on échange avec des demandeurs d'emploi, on se rend vite compte que ce n'est pas si simple.

Montrer ses compétences et ses capacités

Voici comment une demandeuse d'emploi chez Manpower décrit sa situation: «J'ai plus de cinquante ans. Je n'ai pas de cheveux blancs. J'ai un MBA, un bachelor et un diplôme CIM. Je parle trois langues, j'ai gagné un Digital Award, je suis en forme et je participe à des triathlons. Actuellement, je n'ai pas de travail, ni même des invitations à des entretiens d'embauche. Et lorsque c'est le cas, je ne suis pas censée demander autant que mon dernier salaire. La raison: je suis une femme de plus de cinquante ans. On s'attend à ce que je vive moins activement et que je m'épuise plus vite. Mais ce n'est pas le cas!»

Ce type de profil est fréquent dans l'économie. Il n'existe pas de solution générale pour échapper aux stéréotypes qui prévalent dans les entreprises. Mais Susanne Pladeck évoque une piste: «Les collaborateurs plus âgés se laissent parfois eux-mêmes acculer dans un coin et adoptent les stéréotypes mentionnés, au lieu d'attirer proactivement l'attention de leur entreprise sur leurs compétences et capacités et de demander activement des possibilités de développement et de formation continue.» Elle recommande donc aux collaborateurs de plus de 50 ans de se pencher consciemment sur leur potentiel et leur valeur ajoutée et de convaincre les responsables de leur intérêt.

«La dynamique de changement est aujourd'hui très élevée, observe Pascal Scheiwiller. Les profils de poste, l'environnement de travail, les exigences, les outils et les structures de travail sont constamment en mouvement.» Ainsi, lorsqu'une personne cherche un emploi, il est très rare qu'elle retrouve le même environnement que dans son poste précédent. Autrefois, les carrières linéaires étaient encore la norme. Aujourd'hui, celui qui apprend un métier va se former, explorer un nouveau domaine et peut-être exercer en fin de carrière une activité complètement différente de celle de ses débuts.

Formation tout au long de la vie

C'est le centre de la problématique actuelle de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée: on trouve certes des travailleurs, mais leurs compétences ne correspondent pas toujours aux exigences. C’est pourquoi, les seniors doivent mettre en avant leur expérience, mais également continuer à se former. Ils doivent investir en eux-mêmes et leurs entreprises doivent leur permettre de suivre des formations. 

Cependant, l'avenir reste plutôt sombre: «Même si les seniors montrent qu’ils sont capables de changer, les entreprises préfèrent souvent des jeunes pour les nouveaux postes, relève Pascal Scheiwiller. En tant qu'ancien, on est donc quasiment impuissant.»

L'avenir nous dira si les mentalités vont évoluer. Quoi qu’il en soit, les personnes de plus de cinquante ans conservent un avantage par rapport aux jeunes générations: elles connaissent les rouages du monde du travail et constituent donc une valeur sûre pour une entreprise en période d'incertitude.

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans la Handelszeitung.

Tina Fischer
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