Quels sont les développements les plus prometteurs en matière d’intelligence artificielle?

Avec l’IA générative, on trouve de nombreuses applications qui pourraient conduire à de fortes hausses de productivité. Je pense notamment à toutes les activités de «col blanc», comme la rédaction de textes, par exemple dans les domaines du droit, de la conformité et autres. J’y vois un très grand potentiel, l’IA servant avant tout de copilote pour seconder les employés, en exécutant certaines tâches dix fois plus vite.

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Y a-t-il d’autres domaines qui sont influencés par l’IA?

Je pense que l’IA peut également apporter une grande contribution dans le domaine de la durabilité. C’est le cas dans le développement de nouveaux matériaux. La start-up Cambrium mérite d’être citée ici. Elle utilise l’IA générative pour développer de nouvelles briques moléculaires qui constituent la base de nouveaux matériaux plus durables.

Qu’en est-il dans le domaine de la santé?

Il y a plusieurs domaines passionnants: d’une part, l’IA permet de mieux analyser et comprendre les données des patients, puis de détecter plus tôt les maladies et de promouvoir un mode de vie sain. Cela peut alléger considérablement le système de santé. D’autre part, il y a ici un grand potentiel pour la production de nouveaux médicaments. Ce processus peut être fortement accéléré par l’IA.

Où et sous quelle forme l’intelligence artificielle sera-t-elle directement perceptible par les gens?

Lors du lancement de l’iPhone, nous avons vu à quel point une nouvelle technologie peut influencer la vie quotidienne des gens, dans la mesure où internet est devenu mobile et accessible à tout le monde. Avec l’IA, nous pourrions tous avoir un assistant numérique personnel qui nous aiderait au quotidien et nous faciliterait encore plus la vie.

Est-ce que certaines évolutions pourraient conduire l’être humain droit dans le mur?

Je suis très sceptique face aux affirmations selon lesquelles l’homme serait désormais superflu. C’est précisément dans les domaines critiques où la sécurité est en jeu que l’homme restera indispensable.

Qui profitera le plus du développement actuel de l’IA?

Je pense que ce sont d’abord les utilisateurs, les patients et les consommateurs qui en bénéficieront. Et, bien sûr, les entreprises dans lesquelles ils travaillent, si elles peuvent produire plus d’output avec le même input. Dans l’économie, ce sont surtout les secteurs qui travaillent déjà massivement avec des données qui en profiteront. Les banques et les assurances en font partie, mais aussi tout le secteur juridique.

L’expert en IA
  • Nom: Hendrik Remigereau
  • Fonction: directeur et fondateur du Merantix AI Campus
  • Carrière: fondateur et directeur de Founders Intelligence, une division d’Accenture
  • Formation: master en économie, Université libre de Berlin

Quelles possibilités ont les start-up dans le domaine de l’IA?

Les start-up ont la possibilité de développer beaucoup plus facilement de nouveaux produits et de les tester sur le marché grâce aux grands modèles de fondation. Le temps entre l’idée et le premier produit en est considérablement réduit. L’IA rend également la programmation beaucoup plus simple et moins chère, car les programmeurs peuvent eux aussi travailler beaucoup plus rapidement et efficacement.

Quel sera l’impact immédiat sur les individus? Est-ce que des horaires de travail plus courts se profilent?

La technologie va contribuer à ce que nous travaillions tendanciellement moins. Une telle évolution a déjà eu lieu au cours des deux cents dernières années et a par exemple aussi permis la semaine de 40 heures, avec une forte augmentation de la production. Je pense que cette tendance se poursuivra et se renforcera dans les décennies à venir.

L’IA est-elle la solution à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée?

Oui, c’est certainement le cas et cela vaut surtout pour les emplois qui nécessitent des connaissances particulières. C’est là que l’IA aura un effet de soutien. Mais il y a aussi de nombreux domaines où l’IA ne compense que partiellement le manque de personnel qualifié. Dans les soins par exemple, les professionnels seront éventuellement déchargés de certaines tâches administratives, mais la technologie ne peut et ne doit surtout pas remplacer les interactions humaines.

Comment l’IA modifie-t-elle les limites et les contours des entreprises, lorsque les algorithmes et les données se trouvent dans le cloud?

L’atout que les entreprises ont pour elles, ce sont leurs propres données. Sur le plan de la concurrence, cela peut être un avantage massif. Je ne m’attends pas à un cloisonnement total, mais plutôt à des coopérations entre des entreprises de mêmes secteurs, qui veulent exploiter plus efficacement leurs données. Cela dit, les données propriétaires sont plus importantes que jamais, car elles peuvent être utilisées pour entraîner des modèles.

Dans les entreprises, il y a beaucoup de savoir spécifique. Qu’en est-il de ce domaine?

Je m’attends à ce que l’IA y joue aussi un rôle. Les connaissances internes doivent être documentées et consignées, et sont donc accessibles et exploitables par l’IA. Il y aura toutefois une différence entre les systèmes qui sont en contact direct avec les clients et d’autres systèmes qui travaillent exclusivement avec des données internes.

Y a-t-il des secteurs qui sont particulièrement exposés à l’évolution actuelle de l’IA?

Je pense en particulier au secteur du conseil. L’armée de jeunes employés, qui va chercher des informations sur internet et crée des PowerPoint, va se réduire considérablement. Ces postes d’entrée de gamme vont fortement évoluer. En revanche, il y aura toujours certains rôles seniors qui auront une carte à jouer grâce à leurs connaissances approfondies, à leurs années d’expérience et à leur intuition. Cela n’est pas remplaçable.

Quelles études conseilleriez-vous aux jeunes aujourd’hui?

Tout le monde n’a pas besoin d’une formation en programmation. D’ailleurs, la programmation devrait considérablement se simplifier avec l’IA. Grâce aux outils low-code et no-code, on pourra programmer quelque chose sans avoir à étudier l’informatique pendant des années. Indépendamment du choix des études et de la profession, je recommanderais toutefois à tous les jeunes de s’intéresser aux outils d’IA, de les essayer et de comprendre comment ils fonctionnent. Une certaine «IA literacy» sera essentielle.

Un campus qui favorise la mise en réseau

La start-up berlinoise Merantix propose une plateforme d’intelligence artificielle dédiée à la recherche, à la création et à l’investissement dans des entreprises d’intelligence artificielle. Aujourd’hui, la plateforme compte plus de 200 membres de plus de 30 nations.

Le Merantix AI Campus a été créé pour favoriser un environnement dans lequel les partenaires scientifiques, économiques et politiques, ainsi que les parties prenantes et les investisseurs puissent se mettre en réseau. Ce centre d’innovation à but non lucratif de 5200 mètres carrés est certes le siège de Merantix, mais il est aussi ouvert à l’ensemble de la scène de l’IA. Le Merantix AI Campus a rapidement attiré 80 entreprises et plus de 1000 membres internationaux.

L’espace  de coworking  du Merantix  AI Campus à Berlin accueille des start-up du secteur  de l’intelligence artificielle.

L’espace de coworking du Merantix AI Campus à Berlin accueille des start-up du secteur de l’intelligence artificielle.

© DR

Et quelles professions n’existeront plus?

Dans certaines branches, il y aura une plus grande spécialisation. Outre les thèmes déjà abordés, les domaines du marketing et du journalisme seront particulièrement impactés. Mais il faudra toujours des personnes capables de garantir la qualité des résultats de l’IA et d’établir des liens.

Où démarrer sa carrière après ses études ou sa formation? Les start-up sont-elles une bonne porte d’entrée?

Dans les start-up, on a très tôt beaucoup de responsabilités en tant que jeune. On apprend aussi très tôt comment fonctionne vraiment une entreprise, du recrutement à la stratégie et à la vente, en passant par les questions juridiques et la comptabilité. Bien sûr, il y a aussi des tâches passionnantes avec une certaine marge de manœuvre dans les grandes entreprises ou les institutions publiques. Personnellement, j’irais d’abord dans une start-up, notamment parce qu’il faut y déployer une grande énergie, que l’on a tendance à avoir davantage quand on est jeune. Mais cela varie d’une personne à l’autre...

Disons que l’on s’intéresse à un emploi dans une start-up. A quoi faut-il faire particulièrement attention?

Je regarderais deux facteurs de près. Le premier, ce sont les personnes avec lesquelles on va travailler à l’avenir. Les fondateurs défendent-ils les mêmes valeurs que vous? Après tout, il faudra bien travailler avec ces personnes douze heures ou plus par jour. Et puis, est-ce que l’on adhère à la mission de la start-up? A-t-on un impact positif sur le monde? Peut-on porter son message?

Qu’en est-il des grandes entreprises?

Là aussi, la question des valeurs se pose. Partage-t-on la même vision et la mission de l’entreprise? On passe tout simplement trop de temps au travail pour ignorer ces questions.

Qu’adviendra-t-il des interactions humaines au fur et à mesure du développement de l’IA? Est-ce que nous mènerons encore de telles interviews dans dix ans ou est-ce que l’IA rassemblera elle-même les questions et les réponses?

Il y aura de plus en plus d’outils pour aider à mener une interview. Par exemple, ceux qui transforment les enregistrements en textes prêts à l’emploi. Cela dit, je continue à croire fortement au contact direct entre personnes. L’échange personnel restera très important.

Cette interview est une adaptation d'un hors-série conjoint à PME, Bilanz et Handeslzeitung
>> Le rendez-vous annuel «Lucerne Dialogue» aura lieu les 22 et 23 novembre. Pour en savoir plus:
 www.lucerne-dialogue.ch

L’histoire récente de l’IA

2007: Apple lance l’iPhone.

2010: Apple rachète Siri et lance son premier service vocal.

2011: IBM Watson bat l’homme au jeu télévisé américain «Jeopardy».

2012: première reconnaissance d’images – de chats, bien sûr.

2013: premier pilote automatique de Tesla. Des crashs, il y en a quand même.

2014: Amazon lance l’assistant virtuel Alexa.

2015: Elon Musk fonde avec d’autres la société OpenAI.

2017: deux chatbots développent leur propre langage tout en échangeant entre eux.

2018: les experts de Google publient leurs premiers travaux sur les modèles de fondation.

2019: l’IA détecte le cancer du poumon mieux que les médecins spécialistes.

2020: OpenAI publie la version GPT3.

2022: OpenAI met GPT3.5 à la disposition de tous sous la forme de ChatGPT.

2023: Microsoft et Google intègrent l’IA dans leurs suites bureautiques.

Matthias Niklowitz
Matthias Niklowitz