Des entreprises comme Freitag, Flaschenpost ou Eventfrog ont depuis longtemps aboli leurs hiérarchies. ll s'agit de jeunes entreprises agiles, dont on peut attendre qu'elles fassent des expériences dans ce domaine. Aujourd'hui, c’est au tour d’Axa d’annoncer la suppression des titres de ses postes.

On parle d'un poids lourd de l'assurance. Un secteur qui attache traditionnellement beaucoup d'importance aux titres, aux promotions, à la description des fonctions et à la hiérarchie. Une branche où les bonus dépendent de la position interne.

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Plusieurs questions se posent. Outre les titres, les niveaux hiérarchiques seront-ils également supprimés? L'anarchie régnera-t-elle bientôt chez Axa? Chacun définira-t-il son propre domaine de responsabilité sans devoir rendre de comptes? Pas du tout, affirme l’assureur.

Le contexte de la suppression

L'entreprise tient à préciser que ce ne sont pas les niveaux hiérarchiques qui ont été supprimés, mais seulement les titres: «Il n'y aura plus de 'Vice President', 'Assistant Vice President' ou 'Director'. A l'avenir, nous travaillerons plutôt avec des niveaux de poste», explique Daniela Fischer, directrice des ressources humaines chez Axa.

La raison de cette suppression? Les titres sont un symbole de statut, soutiennent des structures hiérarchiques dépassées et ne correspondent plus à la culture exigée. «Ils datent d'une époque où les grandes entreprises étaient dirigées de manière strictement hiérarchique, où le chef donnait les instructions et où les collaborateurs les exécutaient. Une ère où le niveau sur l'échelle de carrière déterminait le statut social.»

A présent, Axa propose treize niveaux d'emploi répartis selon le degré de responsabilité. Concrètement, quelle est la différence? Au lieu de l'intitulé de poste «directrice», une employée se trouve désormais au niveau dix, hiérarchiquement parlant. Selon Daniela Fischer, la perception des employés change: «Nous voulons nous éloigner d'une hiérarchie de statut pour aller vers une hiérarchie de responsabilité.»

Changer le marché du travail

Jennifer Sparr, psychologue des organisations à l'Université de Zurich, confirme que la suppression des titres initie effectivement un changement culturel: «A l'époque où les carrières étaient clairement définies, les titres avaient du sens, car ils représentaient un objectif clair vers lequel on pouvait tendre.»

Grâce au système de niveaux, les carrières pourraient se diversifier. «Les personnes, mais aussi leurs organisations, trouveront des moyens différents et plus variés d'exprimer la contribution d'un individu aux objectifs de l'entreprise.» C’est plus complexe, mais la psychologue salue cette démarche, car elle oblige les entreprises à s’intéresser davantage à chaque collaborateur. 

Cette discussion peut avoir une influence sur l'ensemble du marché du travail. Lorsque des candidats d'une entreprise sans titre - comme Axa - cherchent un nouveau rôle, ils ne le font plus avec une seule désignation, mais demandent aux entreprises et aux personnes de s'intéresser de plus près à ce qu'ils ont effectivement réalisé.

L'exemple de la Banque cantonale de Bâle-Campagne

Axa n'est pas la première entreprise du monde rigide de la finance à abolir les titres. A la Banque cantonale de Bâle-Campagne (BLKB), il n'y a plus de «membres de l'encadrement» ni de «vice-président» depuis environ six ans. L'actuel CEO, John Häfelfinger est l'un des initiateurs de ce changement. 

«De nombreuses décisions importantes sont prises aujourd'hui directement par les collaborateurs, dit-il. Et ceci, conformément à la stratégie définie par le conseil de banque.» En tant que CEO, il en fait également partie, mais il ne se considère plus comme un rouage obligatoire qui doit intervenir dans chaque décision: «Le management est davantage sollicité pour la gestion de l'entreprise, le pilotage, le contrôle et la définition de la tolérance au risque.»

Outre la dissolution des titres et des rangs, la BLKB a également supprimé les privilèges liés au rang, tels qu’une voiture de fonction pour la direction. «En supprimant les rangs, nous avons en même temps introduit la culture du tutoiement, aplati l'organisation et transféré les compétences décisionnelles, dans la mesure où la réglementation le permet, aux collaborateurs disposant des compétences professionnelles les plus élevées.»

Des rôles plutôt que des titres

Pour ce faire, les employés travaillent dans des rôles avec un champ d'action défini, des compétences et des tâches déterminées. Chaque collaborateur peut consulter les rôles sur l'Intranet de la banque, y compris la classification et la plage salariale. La BLKB distingue quatre groupes de rôles: la carrière spécialisée (p. ex. conseiller à la clientèle), la gestion interdisciplinaire (p. ex. chef de projet), la gestion des personnes et la gestion de l'entreprise, c'est-à-dire la direction.

La séparation des spécialistes techniques et des spécialistes de la direction a été déterminante: «Il est très rare que quelqu'un passe à un rôle de direction uniquement en raison de sa réputation ou de sa prétention au pouvoir», explique John Häfelfinger. Les employés de la BLKB apprécient le système: «Nous le voyons dans nos enquêtes internes ou en comparaison avec d'autres entreprises.»

Le titre est avant tout un symbole de statut, une question d’ego. Il peut néanmoins servir pour une candidature ou pour qu’une autre personne puisse se faire une idée d’une fonction. La BLKB fonctionne sans titre depuis six ans. L'avenir nous dira dans quelle mesure le nouveau système d'Axa se montrera convaincant.

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.

Tina Fischer
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