Ce sont les derniers fabricants d’ascenseurs en Suisse romande. Depuis près d’un siècle, la PME Ascenseurs Menétrey résiste face aux multinationales. L’entreprise de mécanique générale fondée par Léon Menétrey en 1924 reste fermement fribourgeoise; elle n’aura bougé que de quelques kilomètres dans le canton de Fribourg pour passer de Massonnens à Romont, son site actuel. Spécialisée dans les ascenseurs et les monte-charges, la PME de 137 salariés cultive les mêmes valeurs depuis les années 1950 pour exister face aux géants du secteur comme le suisse Schindler, l’américain Otis ou le finlandais Kone.

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«Le savoir-faire, la fidélité, l’écoute, le goût de la qualité, la proximité, avance Gil Menétrey, quatrième génération à la direction de l’entreprise. L’ancienneté est une force, comme la stabilité. Qu’on parle de modèles standard ou de sur-mesure, tous nos modèles sont conçus et produits à Romont, en lien direct avec nos clients.» Tous modèles confondus, la PME procède à 110 ou 120 installations chaque année – un rythme important, sachant qu’assembler une cabine prend entre une semaine, pour les modèles les plus légers, et un mois, pour les monte-charges industriels.

Innover, un impératif

Gil Menétrey reste néanmoins conscient de la nécessité d’assurer l’avenir de son entreprise sur le long terme et donc d’innover. «Nous sommes partis d’un constat simple: le parc d’ascenseurs est vieillissant, avec des cabines âgées de 30, 40, voire 50 ans qu’il est temps de remplacer.» La PME décide alors de développer une cabine de nouvelle génération, à la fois plus vaste, plus légère et capable de trouver sa place dans les gaines existantes.

Pour développer son nouveau produit, l’entreprise se tourne en 2019 vers les hautes écoles (HE-Arc, EPFL et HEIA-FR) dans le cadre d’un projet de R&D commun, soutenu par la Promotion économique du canton de Fribourg et par Innosuisse. Objectif: «Partir de ce que perçoit le passager d’une cabine pour affiner le cahier des charges: le son des portes lorsqu’elles s’ouvrent et se ferment, le bruit de la cabine en mouvement, le dessin des boutons d’appel, le ressenti à l’accélération ou à la décélération… Tout compte!» explique Gil Menétrey. Reste à faire d’une expérience sensorielle un projet industriel. Trois ans et demi de recherches plus tard, en 2020, la PME finit de mettre au point son nouveau produit phare, le Celtic Lift. En 2021, le projet est récompensé par le Prix à l’innovation du canton de Fribourg.

Un potentiel immense

Aujourd’hui professeur associé en conception mécanique à la HES-SO Lausanne, Joël Cugnoni a travaillé plus de deux ans sur le Celtic Lift dans son ancien labo de l’EPFL. «Toute l’originalité du projet repose sur la complémentarité des expertises, rassemblées autour d’une démarche orientée utilisateur. Chaque observation vient préciser le cahier des charges en dessinant les contours d’une sorte de cabine idéale, ce qui permet aux ingénieurs mécaniciens de disposer d’une base solide pour travailler. Cette approche interdisciplinaire a incontestablement été un atout, au même titre que la proximité des ateliers de Romont, qui a permis un échange constant avec les professionnels chargés d’assembler la nouvelle cabine.»

«Compte tenu des 20 000 installations qu’il faudra remplacer ces prochaines années, le potentiel du Celtic Lift est immense», explique Gil Menétrey, fier du modèle commercialisé depuis bientôt trois ans, au rythme d’une dizaine d’installations par an. Bien implantée dans toute la Suisse romande, l’entreprise compte bien y assurer son avenir, en allant potentiellement aussi à l’étranger pour des projets d’exception, comme celui que l’entreprise a récemment mené à l’Hôtel Royal d’Evian. De quoi attaquer son deuxième siècle d’existence en toute sérénité.

Le Celtic Lift, un bijou high-tech

Plus de place pour les utilisateurs

«Construire un ascenseur est un exercice d’optimisation de l’espace», rappelle Joël Cugnoni, professeur associé à la HES-SO Lausanne. Conçu pour remplacer des cabines installées dans des cages existantes, le Celtic Lift offre davantage de place aux utilisateurs, avec une augmentation d’au moins 10% d’espace utile, un atout précieux pour améliorer l’accès des personnes à mobilité réduite. Mises au point en lien avec les équipes de l’EPFL, ces évolutions ont permis à l’entreprise d’augmenter l’espace disponible à l’intérieur de la cabine, dont la paroi gauche se présente en forme de S. «Concrètement, cela revient à gagner une quinzaine de centimètres», précise Joël Cugnoni.

Une durabilité améliorée

Si le sur-mesure a un coût, le Celtic Lift se caractérise par une réduction des sollicitations mécaniques qui allonge la durée de vie de la cabine. «La souplesse propre aux panneaux composites fait qu’on peut cogner dessus au marteau sans laisser de traces», explique Joël Cugnoni. Même en cas de dommage, le temps d’intervention est réduit, fait valoir Gil Menétrey: «Au lieu de devoir arrêter l’installation pendant cinq jours, comme dans le cas d’une cabine standard en acier, une demi-journée suffit pour poncer le panneau, réparer la paroi et repeindre l’ensemble.» Un véritable avantage pour le service après-vente.

Sur mesure et haut de gamme

Positionnée sur le sur-mesure et le haut de gamme, l’entreprise produit une large variété de modèles, du monte-plat au monte-charge, en passant par des ascenseurs industriels capables de déplacer une dizaine de tonnes. «Cette diversité permet de répondre à des besoins différents, des bureaux d’architectes (Atelier 11, Zimmermann) aux centres industriels (centrale électrique de Veytaux), en passant par de grandes entreprises (Nestlé, Red Bull, Romande Energie), des bâtiments publics (château Saint-Maire, gare de Gland, collège de Vallorbe…), des hôtels de luxe (Hôtel Bernina) ou des régies immobilières.»

Rationalisation de la maintenance

Le nouvel ascenseur de Menétrey est plus léger que les modèles standard grâce à l’utilisation de matériaux composites. Un choix déterminant, explique Joël Cugnoni: «A taille de gaine identique, gagner sur le poids permet de réduire la masse de l’ascenseur et du contrepoids, donc d’améliorer la con-sommation énergétique et même de diminuer dans certains cas la puissance des moteurs nécessaires.» Les cinq panneaux qui habillent la structure de l’ascenseur sont ainsi composés de fibre de verre associée à de la résine époxy autour d’un noyau en mousse PET recyclé. Autre avantage: une rationalisation des travaux de montage et de maintenance.

JP
Jean-Christophe Piot