Les salaires des dirigeants des grandes banques sont publiés chaque année dans le rapport de rémunération. En 2022, Ralph Hamers, alors CEO d'UBS, a touché 12,64 millions de francs. Après la turbulente année 2023, ce qui reviendra au nouveau CEO Sergio Ermotti sera connu le 28 mars.

D'ici là, il n'y a que des rumeurs. Et les rumeurs sont courantes en matière de salaires dans les entreprises suisses, surtout celles qui ne sont pas cotées en bourse. Alors que les firmes cotées publient les salaires des plus hauts échelons de la hiérarchie et que les fourchettes salariales sont souvent connues à l’interne, les autres sociétés observent encore la plupart du temps un silence glacial en matière de rémunération.

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Les différences culturelles entraînent un manque de transparence

Dans ce domaine, les différences culturelles sont importantes. «Dans le Nord, en Scandinavie, le salaire n'est pas un sujet tabou, souligne Anna Sender, chercheuse à l'Université de Lucerne. Les collaborateurs demandent ouvertement leur salaire à leurs collègues.» Dans notre pays, une telle démarche suscite encore un grand étonnement. 

Pourtant, la transparence des salaires aide à lutter contre la discrimination et favorise l'équité. Mais elle crée surtout une compression salariale, explique la chercheuse: «La transparence entraîne une surcompensation. Les salaires les plus bas sont augmentés, les plus élevés sont adaptés. Ce faisant, contrairement à ce que l'on pourrait penser, la masse salariale n'augmente pas forcément, car on aboutit à un écart moyen moins important entre les collaborateurs.»

Le cas d'une entreprise qui expérimente depuis quatre ans la transparence des salaires tend à le démontrer. Le copropriétaire du cabinet de conseil Great Place to Work, Patrick Mollet, s'est vu refuser par ses collègues le souhait d'une augmentation de salaire: «J'ai pitché une augmentation de salaire plus élevée que mes pairs, ce qui n'a pas été considéré comme équitable.»

C'est l'équipe qui décide des salaires équitables

Le copropriétaire de la société lui-même ne reçoit pas le salaire qu’il souhaite? Comment cela se fait-il? Et comment a-t-il réagi? «Nous voulons être une entreprise transparente, explique-t-il. Seulement voilà: près du trois quarts de nos dépenses sont des salaires, et nous ne pouvions pas communiquer cela de manière transparente. C'est pourquoi nous avons publié les salaires en interne.» C'était la première étape.

Ensuite, la société s’est demandée qui décidait des salaires et des augmentations. Car, dans chaque entreprise, ces sujets ont des répercussions sur toute l'équipe. Les bonus, auxquels Patrick Mollet n'est pas favorable, ont également été abordés: «Les entreprises s'inscrivent dans la coopération, mais au final, elles récompensent les performances individuelles. Cela n'a aucun sens.» Aujourd'hui, 25% des bénéfices sont distribués à tous, 25% sont versés sous forme de dividendes et 50% sont investis dans l'entreprise. En effet, «si l'on augmente le salaire, on réduit, pour simplifier, le bénéfice et donc le bonus d'équipe».

En conséquence, chacun doit avoir son mot à dire sur les salaires. «Tout le monde doit avoir accès à la même plateforme et pas seulement ceux qui réclament agressivement une augmentation de revenu.» C'est pourquoi la société a introduit des «pitchs salariaux»: chacun tape son souhait de salaire, tous voient le montant et en discutent ensemble au sein de l'équipe. Un comité interne, tiré au sort et renouvelé chaque année, vérifie ensuite si les salaires répondent à différents critères d'équité.

Et c'est ce comité qui a rejeté l'augmentation de salaire de 7% à 155 000 francs demandée par Patrick Mollet. Malgré ce refus, il reconnaît que c'est la voie de l'équité: «Le salaire le plus bas a été porté au niveau d'autres collaborateurs. Et j'ai réduit mon pitch pour revenir au même niveau que mes pairs.»

La transparence des salaires doit se développer dans l'entreprise

Certes, le niveau de transparence salariale chez Great Place to Work peut paraître extrême. Mais une discrétion totale n'est plus possible aujourd'hui. «Les gens se comparent, souligne Anna Sender. La satisfaction par rapport au salaire ne dépend pas seulement de combien je gagne, mais aussi de combien je gagne par rapport à mes collègues.» C'est au manager d'expliquer pourquoi une personne gagne moins ou plus. Et de montrer comment quelqu'un peut gagner davantage.

Publier tous les salaires du jour au lendemain aboutirait cependant au chaos. Anna Sender recommande aux entreprises d'expliquer dans un premier temps le système salarial aux collaborateurs et de rendre publiques les plages salariales. Ainsi, chacun peut comprendre ce que l'on gagne et il n'y a pas de jalousie, car on peut également faire le calcul pour ses voisins de bureau. En outre, la transparence des salaires est une chose, mais il est bien plus important de parler en toute transparence des événements dans l'entreprise, des projets et des tâches. Car le secret attise la jalousie et la démotivation.

La transparence totale, comme c'est le cas chez Great Place to Work, est une question de culture qui a été créée au fil des années. Pour les autres entreprises, il faut commencer modestement. En ce qui concerne Sergio Ermotti, son salaire sera connu en mars. Mais celui de tous les autres banquiers reste un secret bien gardé, qui n'est toutefois pas inviolable, comme chacun sait. 

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.

Deux voies pour la transparence des salaires

Transparence procédurale des salaires: les entreprises font connaître leur système salarial en interne. Il ne s'agit pas de publier des chiffres, mais plutôt d'exposer les critères et les processus qui jouent un rôle dans la fixation des salaires.

Transparence distributive des salaires: les entreprises présentent des chiffres effectifs sur les salaires. Il peut s'agir de chiffres agrégés comme des fourchettes de salaires ou des moyennes, mais aussi de salaires individuels. A condition que la culture de l'entreprise soit préparée à ce niveau.
 

Tina Fischer
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