Le CEO a grandi sans ordinateur, le collègue cinquantenaire enregistrait encore ses chansons préférées sur cassette audio, la trentenaire chattais sur MSN ou jouait à «Snake» sur son Nokia, alors que le plus jeune collaborateur a reçu son premier smartphone en cinquième année.

Qu'il s'agisse des baby-boomers, de la génération X, des millennials, de la génération Z ou bientôt de la génération Alpha, ils se côtoient au bureau et doivent travailler ensemble, quel que soit leur âge. Cela amène de la diversité au sein de l'entreprise, mais aussi des difficultés. C'est surtout la communication qui pose problème, comme le montre une nouvelle étude de Linkedin.

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Selon cette enquête, plus d'une personne interrogée sur dix de la génération Z n'a pas cherché à discuter directement avec un collègue de plus de cinquante ans depuis plus d'un an! La raison? La jeune génération n'est pas sûre de savoir comment aborder ses collègues plus âgés, et elle a peur de se ridiculiser. A cela s'ajoute le fait que 36% des jeunes travailleurs sont convaincus que les autres générations en savent plus qu'eux. 

Insécurité des générations

Cela conduit inévitablement à des conflits. Si la jeune génération n'échange pas avec les collaborateurs plus âgés, des lacunes de connaissances apparaissent. Ce qui peut être fatal aux entreprises, comme l’indique le psychologue et chercheur spécialisé sur les comportements générationnels Rüdiger Maas: «Dans les équipes hétérogènes, il y a un risque de formation de sous-groupes basés sur l'âge, où les jeunes et les vieux se différencient les uns des autres et se discriminent mutuellement.» 

Barbara Wittmann, Country Manager pour l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse chez Linkedin, souligne également l'importance de l'interdisciplinarité: «Seul l'échange d'expériences, de perspectives et de compétences assure une culture de travail dynamique qui permet l'innovation et la croissance.» Au lieu d'un cloisonnement, l'objectif devrait être de se parler et d'apprendre de chacun. Mais pour cela, il faut aussi avoir la volonté d'aller vers l’autre.

La volonté serait en fait là: 67% des personnes interrogées estiment qu'elles ont beaucoup à apprendre des autres générations et entreprennent des démarches pour stimuler l'échange. Ainsi, plus d'un tiers de la jeune génération essaie d'engager le dialogue avec des collègues d'autres générations et près de deux tiers des baby-boomers vont à la rencontre de leurs jeunes collègues de travail.

Mais la promotion de l'échange ne repose pas uniquement sur les collaborateurs. Les entreprises et les cadres peuvent encourager de manière ciblée la communication au sein du personnel et favoriser une compréhension pour les différents points de vue. «L'entreprise n'est pas la seule à en profiter, chaque collaborateur en tire également des bénéfices», explique Barbara Wittmann.

Mais comment cela se passe-t-il dans la réalité? Et que font les entreprises suisses pour encourager le dialogue intergénérationnel?

Mentorat, approche ciblée et moyens de communication uniformes

Le groupe d'assurance Helvetia a mis en place des mentoring mêlant les âges. Une personne plus âgée prend sous son aile un jeune collaborateur. Les deux échangent, la jeune personne apprend de la plus âgée et inversement.

«Grâce à ce programme, les deux parties profitent des connaissances de l'autre, souligne Andreas Auböck, responsable du développement de la relève. Il facilite la communication au quotidien, car les gens connaissent et comprennent mieux l'autre.»

Mais à la base de ce processus, il faut aussi mettre en place un moyen de communication standardisé. Les entreprises donnent le ton et optent pour un logiciel - cela peut être Slack, Google Chat ou Microsoft Teams. L'important est que le moyen de communication soit clair et que tout le monde soit informé de son utilisation. 

A titre d’exemple, des entreprises comme Ikea, Coop ou encore la clinique Hirslanden ont adapté leurs processus de candidature et les documents peuvent être envoyés par WhatsApp. Une nouveauté que l’on observe de plus en plus dans les firmes helvétiques.

Connaître les préférences des différentes générations

En ce qui concerne l'échange entre les générations, l'entreprise de logiciels SAP organise régulièrement des «Generations Coffee Corners»: un échange personnel informel dans des groupes mixtes. On y discute de questions sur la manière dont on pourrait améliorer ou étendre les programmes et quels sont les plus grands défis en ce qui concerne les différentes générations au travail.

Cela a donné naissance à des initiatives telles que le programme Mature Talent, qui s'adresse aux collaborateurs expérimentés et vise à les aider à réfléchir à leur propre parcours. «Changer et évoluer dans la vie professionnelle, c'est ce que nous projetons par habitude sur la jeune génération. Pourtant, nous savons que le besoin d'évolution est aussi fort pour les collaborateurs plus âgés», explique l’initiatrice du projet Debora Murseli. 

C'est également un point sur lequel insiste Rüdiger Maas. Car le motivations varient selon l'âge. Les entreprises doivent garder à l'esprit toutes les générations et s'adresser spécifiquement à chaque catégorie de collaborateurs afin d'en savoir plus sur leurs besoins: «On motive les jeunes collaborateurs en leur proposant des défis professionnels, des possibilités d'avancement, de la reconnaissance et des incitations monétaires. Pour les collaborateurs plus âgés, il est recommandé de mettre en avant l'autonomie, la sécurité de l'emploi et les relations sociales.»

Un mentorat mutuel, un échange informel et une approche ciblée: voilà ce qu'apprécient les jeunes et les plus âgés dans l'entreprise. En cas de réussite, jusqu'à cinq générations peuvent travailler avec satisfaction sous un même toit.

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.

 

Lena Madonna
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Tina Fischer
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