Tirs, boue et privation de sommeil: voilà ce que beaucoup associent à l'armée. Mais aussi discipline, performance et camaraderie. La formation militaire était autrefois considérée comme un tremplin pour un parcours réussi dans l'économie. Une carrière d'officier ouvrait notamment des portes sur la place financière suisse.

Mais depuis l'effondrement de l'Union soviétique, l'intérêt pour une carrière militaire a diminué. On entend même dire à huis clos que les entreprises n'aiment pas engager des militaires, car ils doivent suivre des cours et manquent sur leur lieu de travail.

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Le problème s'aggrave à mesure que les organes de direction s'internationalisent. Les décideurs ne sont plus enracinés en Suisse et n'ont donc que peu ou pas de points de contact avec l'armée de milice.

Les priorités changent

Cette perte d'intérêt a été formulée récemment par un capitaine très connu lors d'une manifestation à l'Université de Zurich: Peter Spuhler, président de la société ferroviaire Stadler. «L'armée est un peu en état de choc en ce moment», a-t-il déclaré. A la question de savoir s'il recommanderait encore aujourd'hui une carrière militaire, il a répondu que lorsqu'il avait vingt ans, il trouvait formidable de prendre des responsabilités. Il a appris à s'imposer et à prendre des décisions dans des conditions physiques et psychiques difficiles. Cela l'a marqué jusqu'à aujourd'hui.

C'est précisément ce savoir que l'armée souhaite promouvoir à nouveau. Afin de se rapprocher du monde économique, elle a réagi en 2020 en nommant Thomas Süssli comme nouveau chef. Cet informaticien de gestion a effectué une carrière internationale dans le secteur financier, notamment chez Credit Suisse et Vontobel.

Commandant de la formation à la communication et au commandement de l'armée suisse, Niklaus Jäger connaît les besoins des deux parties. L'une de ses tâches principales consiste à dispenser une formation militaire de crise avec des cadres civils. Des entreprises suisses comme la Baloise, Nestlé ou Repower font partie des participants.

Ces dernières années, afin de renforcer les relations avec l'économie et d'enthousiasmer les jeunes pour une formation militaire, l'armée a pris plusieurs mesures de ce type. Mais les préjugés restent tenaces: «Nous nous battons contre un écart de perception de vingt à trente ans, explique Niklaus Jäger. Les suppositions que l'on fait aujourd'hui étaient peut-être vraies autrefois. Mais nous aussi, nous avons évolué.»

Un réseau pour les cadres

Le fait que la conception de la direction ait également changé au sein de l'armée est confirmé par des managers qui disposent d'une formation de cadre militaire. Thomas Gasser est l'un d'entre eux. Il est COO chez Brack Alltron et colonel. «A l'armée, il faut savoir motiver et faire bouger les gens, car en principe, il y a peu d'intérêt personnel dans l'accomplissement du service obligatoire, dit-il. Le commandement militaire d'aujourd'hui est basé sur la motivation et la transmission de sens.»

Outre la compréhension du commandement, Thomas Gasser met également en avant le réseau: «Il existe à l'armée ce que l'on pourrait appeler une unité de doctrine. C'est un facteur que connaissent par exemple aussi McKinsey ou Google.»

Simon Michel, CEO d'Ypsomed et major, tient un discours similaire. Il n'entretient pas systématiquement son réseau militaire, mais profite des contacts pour des thèmes spécifiques ou lorsqu'il s'agit d'ouvrir des portes.

Esther Niffenegger, responsable de la région Centre à la Poste Suisse et colonel, abonde dans ce sens. Le temps passé en tant que cadre au sein de l'armée l'a fortement marquée. Elle souligne qu'elle entretient depuis des années des contacts étroits avec nombre de ses camarades et qu'elle sait exactement à qui elle peut s'adresser en cas de questions ou de besoin de soutien. 

Les relations avec l'économie se sont améliorées

Rolf Dörig, président du conseil d'administration de Swiss Life et colonel à l'état-major général, affirme que le temps passé à l'armée lui a appris à se situer, à collaborer avec des personnes et des caractères très différents et à atteindre un objectif. «Cela aide aussi dans une économie globale.»

Un message nécessaire dans chaque quotidien de dirigeant et que l'armée souhaite à nouveau diffuser davantage dans l'économie. Elle semble déjà enregistrer un premier succès: «Les relations entre l'économie et l'armée se sont améliorées ces dernières années», déclare le président de Swissmem et officier Martin Hirzel. Il souhaite toutefois que cette relation se détende davantage et que la contribution de l'armée à la sécurité de la Suisse soit à nouveau mieux appréciée.

La situation géopolitique joue en faveur de l'armée. Néanmoins, cette attention accrue ne signifie pas automatiquement que la collaboration avec les milieux économiques s'intensifie. Rolf Dörig plaide pour que les deux parties fassent des efforts: les entreprises, en encourageant les employés qui font du service militaire et en soutenant les carrières d'officiers. Et les cadres supérieurs de l'armée, en s'intégrant dans les réseaux de l'économie privée et en favorisant ainsi les échanges.

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.