À part les joyeuses perspectives géopolitiques et les médicaments anti-diabète qui font maigrir les stars et grossir les profits de la pharma, il y a un sujet dont tout le monde parle en ce moment, même les jeunes: la retraite. C’est dingue de voir comme cette perspective occupe les esprits et cristallise toutes les angoisses. Cela dit, ça se comprend, car ce qui attend la plupart des gens pour cette période de la vie s’annonce assez moche.

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Moche comme le mot «retraite» d’ailleurs. Il est dérivé du latin retractus (participe passé du verbe retrahere) et désigne depuis la fin du XIIe siècle l’«action de reculer». Ça fait retraite de Napoléon en Russie. Ça fait retraite d’ermite, adieu monde cruel. Ça fait méthode contraceptive du passé. Ça ne vend pas du rêve, c’est le moins que l’on puisse dire. Et puis attendez, il y a les synonymes: débâcle, débandade, décrochage, évacuation, fuite, recul, reflux, repli. J’ai un collègue qui est parti il y a quelques années et qui refusait de prononcer le mot. Je lui ai dit: «Alors, tu pars à la retraite?» J’ai cru qu’il faisait un AVC direct. Il a répondu: «Non, j’arrive au terme de mon mandat.» En fait, je crois qu’il n’y a qu’en espagnol que c’est sympa comme formulation, cela se dit jubilación

Alors moi, je vais faire comme les Espagnols et les coachs en management bienveillant: voir le positif d’abord. En bonne fille d’assureur, j’ai un troisième pilier et j’ai compris qu’il faut se préparer un minimum. J’ai donc demandé une planification financière à ma banque. C’est ultra-sympa, d’un côté vous alignez vos revenus, vos avoirs du deuxième pilier, vos maigres économies, votre AVS potentiel et, de l’autre côté, vous faites un budget prédictif de retraite. Vous êtes donc obligé de vous demander si vous allez manger bio ou pas, si vous avez l’ambition folle de vouloir partir une fois ou deux en vacances, s’il vous reste assez de reins à vendre pour payer un loyer et des impôts qui ne vont pas tant baisser que ça, et si vous trouverez de quoi financer les croquettes du chat. Le mien par exemple doit en consommer des spéciales à cause de problèmes rénaux (on n’en sort pas) et qui coûtent ce que l’on appelle le lard du chat, précisément. Après, pouf, pouf, on vous sort deux chiffres. Le premier, c’est votre rente potentielle et votre réaction est: «Ah bon, y a que ça? Vous n’avez pas oublié un zéro?» Et le second est le budget mensuel dont vous avez besoin pour faire tourner la boutique, et là votre réaction est: «Ah bon, tout ça? Il n’y a pas un zéro de trop?» Bref, vous voyez. Il faudra que je fasse appel à ma sœur, qui est docteure en mathématiques, pour résoudre l’équation: si chaque mois il y a plus d’argent qui sort que d’argent qui rentre, on fait comment? Vous avez deux heures pour conclure qu’on est dans la mouise.

Non mais pardon, on avait dit positif! Et en fait, il y a plein d’avantages à prendre sa retraite. En voici quelques-uns. 1. Plus besoin de la préparer (haha). Plus besoin de suivre les séminaires de management bienveillant dont je viens de parler. Plus d’angoisse de perdre son boulot. Plus de carrière, plus de réputation, pfuit. 2. Le timing est top. La retraite est encore à 65 ans (cela ne saurait durer). La 13e rente arrive. Il y a des secteurs qui peinent à recruter et un jour on fera appel à vous pour un coup de main de senior, et vous pourrez faire la fine bouche et bien négocier, héhé. 3. Les vieux d’aujourd’hui ne sont pas les vieux d’hier, ils sont en forme, ils font du triathlon, ils baisent (plus que les jeunes), ils écoutent du rock, adorent la culture et la bonne bouffe, ils s’occupent de leurs petits-enfants, mais ils aiment bien les rendre, ils ont de l’humour et du Viagra, et désormais du temps! Imaginez, plus d’excuse genre «je suis fatigué du boulot». Plus de «pas ce soir chéri, j’ai la migraine» ou «pas ce matin chéri, j’ai la Migros». Les personnes de plus de 60 ans constituent la catégorie qui se définit comme la plus heureuse. C’est pas moi qui le dis, c’est les sondages. Alors pas de retraite pour la retraite! La retraite c’est super! La retraite c’est sexy! Heu, j’en fais un peu trop là, non? C’est bon allez, je bats… en retraite.