En matière de techniques et de processus de vente, bien souvent, les PME font preuve d’une certaine ignorance, voire de naïveté. «Beaucoup attendent que cela vienne tout seul, souligne Eric Bertin, expert en efficacité commerciale. La vente ne consiste pas à prendre des commandes. Il faut comprendre qui sont les clients, quels sont leurs enjeux et leur marché. On peut alors leur indiquer quels sont leurs besoins.»
Pour ce faire, il faut au préalable comprendre ce que sont des cycles de vente, des processus commerciaux et la psychologie de la vente. Et, bien sûr, suivre une stratégie. Car, contrairement aux idées reçues, la vente n’est pas uniquement une affaire de talent ou de prédisposition. C’est un métier, une compétence qui peut s’apprendre. Surtout si l’on souhaite bonifier ses marges.
«L’idée n’est pas que tout tourne autour de la vente dans l’entreprise, mais de l’inclure comme un sujet stratégique à ne pas sous-estimer», précise Eric Bertin. Il connaît son sujet: avant de fonder la société de conseil et de formation Score Management à Lausanne, il a travaillé en tant que vendeur chez Nestlé, Coca-Cola, IBM ou Altran. D’un point de vue opérationnel, cela implique de prendre en compte divers indicateurs clés (chiffre d’affaires, marges, taux de conversion, panier moyen, etc.), mais aussi de former les équipes aux techniques qui fonctionnent dans le monde d’aujourd’hui.
Personnaliser les offres
Par exemple, adapter les offres de manière ciblée, plutôt que les proposer de façon standardisée, peut s’avérer nettement plus efficace. «Il faut savoir garder un côté «vieille école» et ne pas tomber dans la facilité en utilisant systématiquement des outils de communication comme ChatGPT ou Zoom», estime le spécialiste. Conserver un contact humain avec le client se révèle fondamental: si l’on souhaite gagner un marché, il faut se rendre sur place. Ce qui n’est pas hors d’atteinte, surtout dans une région géographiquement restreinte comme la Suisse romande.
Il faut toutefois suivre une certaine logique. Par exemple, il convient d’identifier les personnes qui font de la veille concurrentielle ou cherchent simplement une offre de comparaison. C’est souvent le cas des prospects qui refusent un rendez-vous. C’est un premier filtre. Si, lors de l’entretien, le client refuse de parler d’autres vendeurs qu’il a rencontrés ou d’offres reçues, c’en est un autre. Tout comme la personne qui refuse de parler de son budget ou n’accepte pas un deuxième rendez-vous pour la présentation de l’offre. Evidemment, il ne s’agit pas de se déplacer automatiquement. «On peut, par exemple, définir un minimum de 5% du chiffre d’affaires», relève Eric Bertin. Ce qui est en dessous peut se faire par e-mail, puis par téléphone ou visioconférence.
Aborder les sujets de front
Lors de la rencontre, le formateur recommande d’aborder frontalement plusieurs sujets sur lesquels on sait que l’on va buter (prix, intérêt du produit, etc.) Cela permet d’adopter une posture plus constructive et d’éviter de se retrouver sur la défensive. En posant au client plusieurs questions ciblées – sur le décideur de l’achat, le budget disponible ou encore les offres déjà reçues –, le vendeur peut subtilement remettre en question sa maîtrise du sujet et lui faire prendre conscience qu’il a, face à lui, un interlocuteur comprenant les enjeux réels de la dépense. «Si l’on a bien préparé sa vente en amont, il n’est plus nécessaire de négocier, avance l’expert. Le nombre de problèmes rencontrés dans un cycle de vente est généralement inversement proportionnel au temps consacré à sa préparation.»
Être perçu comme un expert
«Pour nous, la vente est un levier vital de croissance et de pérennité, d’où l’objectif de se former régulièrement et d’être performant dans ce domaine, indique Jérôme Roy, directeur des ventes chez Europ Assistance, à Nyon. Contrairement aux grandes entreprises, nos ressources sont limitées et chaque opportunité client compte.» Par conséquent, les principaux enjeux consistent à se différencier sur le marché et à construire une relation de confiance durable avec les partenaires.
«Il s’agit d’être perçu comme un expert, d’être capable de comprendre les besoins de l’interlocuteur, de lui apporter des solutions sur mesure et de l’accompagner dans son développement.» Pour ce faire, il convient, à l’interne, de structurer la démarche commerciale tout en restant agile, d’identifier les segments les plus porteurs en amont, puis d’assurer une bonne qualification des prospects afin d’optimiser le temps et les efforts de l’équipe commerciale.
Depuis que l’entreprise applique ces méthodes, elle a amélioré sa faculté à décrocher des rendez-vous et son taux de conversion. Par rapport aux objectifs prévus pour 2024, le chiffre d’affaires lié aux nouvelles affaires a doublé. En outre, une bonne formation aux techniques de vente permet aux équipes de se sentir plus à l’aise et professionnelles. «Comprendre ces mécanismes nous a permis d’assumer qu’un vendeur n’est pas forcément quelqu’un qui dérange ou demande, mais qu’il peut devenir un partenaire qui agit dans l’intérêt de ses clients.»
Le choix des mots
En matière de vente, se montrer proactif et ne pas attendre que les appels d’offres arrivent dans la boîte aux lettres est primordial. Mais il faut aussi veiller à adapter la manière de s’exprimer. La terminologie utilisée revêt une importance particulière, par exemple dans le domaine de la construction. «Avant, nous avions tendance à prendre l’information auprès du client sans vraiment la digérer, souligne Melchior de Moucheron, directeur entreprise générale Genève et Vaud chez Induni. Pour vendre quelque chose de plus adéquat, il faut d’abord comprendre les besoins de la clientèle. Il faut aussi éviter d’être trop technique, mieux expliquer son travail et adapter ses mots selon l’interlocuteur. Par exemple, on n’utilisera pas les mêmes termes face à un particulier ou à un acteur institutionnel.»
En repensant sa stratégie commerciale, l’entreprise genevoise n’a pas seulement gagné en visibilité: elle a su transformer cette dynamique en opportunités concrètes, élargir sa clientèle et investir de nouveaux segments, comme la rénovation. Une preuve que, même dans un secteur traditionnel, la vente peut devenir un moteur de croissance à part entière.