«Ma fascination pour les couteaux est née lors de mes voyages au Japon. Au début des années 2000, je travaillais dans le milieu horloger et me rendais deux fois par an dans l’archipel pour découvrir les dernières innovations portant sur les matériaux ou les technologies. Lors des repas, nous nous retrouvions souvent dans des restaurants exigus, où nous mangions directement en face des chefs japonais. Leur technique et la qualité de leurs couteaux m’ont impressionné. En 2003, je crée une première entreprise dédiée à l’importation des couteaux japonais, CeCo, qui se fera connaître grâce à la marque World of Knives.

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En parallèle, les couteaux haut de gamme ont commencé à gagner en notoriété dans les cuisines des grands restaurants suisses. C’est ainsi que j’ai fait la rencontre de plusieurs chefs, dont Philippe Chevrier, à Genève. A cette époque, le Guide Michelin remettait les produits locaux à la mode, y compris en dehors de l’assiette.

Philippe Chevrier m’a alors demandé si je pouvais fabriquer en Suisse des couteaux à steak aussi fiables et performants que ceux provenant du Japon. Il n’était pas le seul. Le secteur de l’hôtellerie et des magasins spécialisés s’intéressaient également aux couteaux haut de gamme produits localement. Persuadé que la demande existait, j’ai fini par me lancer.

En 2014, alors âgé de 48 ans, j’ai créé Sknife, ma propre marque de couteaux japonais «Swiss made». Je me positionnais sur un marché de niche mais les commandes ont vite afflué. L’entreprise compte aujourd’hui 17 employés et produit environ 10 000 pièces par an.

Nous nous sommes installés à Bienne, où nous avons collaboré avec l’Ecole supérieure du bois (BHF) pour développer un processus pour travailler avec le bois local. Pour fabriquer les manches, le bois tropical est souvent préféré pour sa densité grâce à l’absence de veines. Mais nous avons trouvé la solution pour stabiliser le bois suisse afin d’en renforcer la solidité.

A Bienne, on trouve aussi un savoir-faire horloger unique. La conception de nos couteaux s’inspire des recettes de l’horlogerie: précision, ingénierie et exigence. Certains mécanismes nécessaires à l’ouverture de nos couteaux de poche haut de gamme sont directement inspirés de l’industrie horlogère. Par exemple, nous utilisons des pierres en rubis ou en céramique high-tech pour améliorer le roulement et la fluidité de l’ouverture. L’acier qui compose nos lames est le même que celui utilisé dans certains cadrans de montres. L’alliage est forgé à Oberburg, dans l’Emmental. Pour le rendre plus résistant à la corrosion, nous l’enrichissons avec de l’azote. Nous augmentons ainsi la durée de vie des couteaux. C’est un avantage déterminant pour les hôtels et restaurants en bord de mer. Soumis à l’air marin chargé de particules de sel, la plupart des couverts ne durent souvent qu’une saison.

Nous sommes désormais présents dans un grand nombre d’hôtels de la Côte d’Azur. Cette stratégie nous permet en outre d’atteindre une clientèle exigeante prête à débourser des sommes importantes. Un jour, un couple de Beverly Hills a découvert nos couteaux dans un hôtel partenaire et a passé commande pour sa villa. Quelques semaines plus tard, leurs voisins faisaient de même.

Les établissements hôteliers reçoivent souvent des produits gratuits ou sponsorisés. Chez Sknife, le couteau à steak d’entrée de gamme coûte 240 francs alors que les modèles de luxe se vendent entre 600 et 1000 francs. Pour convaincre notre clientèle, nous devons lui proposer du jamais-vu. Nous misons donc sur la personnalisation: manches colorés, gravures, modèles uniques – à l’image de ceux réalisés pour l’Atelier Robuchon, avec un manche rouge accordé à la couleur des sièges.

Mais au-delà du design, l’essentiel reste la coupe. Nos clients attendent des couteaux efficaces et agréables à manier. C’est pourquoi nous collaborons étroitement avec des chefs pour concevoir chaque détail.»