Loin des gros titres sur les salaires mirobolants et les primes versées aux dirigeants des plus grands groupes, l'économie helvétique est le théâtre d'une lutte bien plus intense autour des rémunérations. Cela concerne en particulier les salaires des cadres supérieurs, moyens et opérationnels, ces milliers de managers qui, chaque jour, font tourner les entreprises, motivent leurs équipes, mettent en œuvre des stratégies ou repoussent des cyber-attaques. Leurs revenus sont déterminants pour l'attractivité de la Suisse en tant que lieu de travail et varient énormément.
Comme depuis plus de quarante ans, Handelszeitung apporte de la transparence grâce à l'étude salariale de Kienbaum. Elle répond notamment aux questions suivantes: combien gagnent les chefs? Et leur collègue? Quel salaire peut-on exiger pour un prochain poste de direction? Quelle est la rémunération appropriée pour un poste à pourvoir? Cette enquête répertorie les données de plus de 20 000 postes dans près de 1 000 entreprises.
Les grandes hausses salariales sont terminées
Cette année, les salaires les plus élevés au niveau des cadres sont atteints par un nouveau venu: la direction de division. Après deux années marquées par une hausse puis une baisse des taux d'intérêt et une inflation qui a pesé sur le moral des consommateurs, de nombreuses entreprises ont mis fin à leurs expérimentations: au lieu de ses diversifier, elles se concentrent sur leur cœur de métier. Et c'est précisément pour cela qu'elles ont besoin des responsables de division, qui connaissent l'entreprise sur le bout des doigts. Leur salaire médian est de 243 000 francs, un nouveau record! Dans le quartile supérieur (les 25% les mieux rémunérés), ils gagnent même 317 000 francs. Ils atteignent ainsi le salaire médian d'un propriétaire de PME.
La médiane signifie qu'il y a autant de personnes qui gagnent plus que cette valeur que de personnes qui gagnent moins. Il existe bien sûr d'énormes différences: le conseiller juridique d'une grande entreprise siège généralement à la direction du groupe et touche facilement plusieurs millions par an, comme chez UBS. Ces cas exceptionnels faussent l'image, c'est pourquoi on calcule le salaire médian et non la moyenne arithmétique. Les rémunérations variables annuelles (bonus) et autres avantages sociaux sont également inclus dans ce salaire médian.
Après la direction de division, les responsables techniques et commerciaux gagnent également en importance depuis des années. Leur salaire médian dépasse largement la barre des 200 000 francs. Les responsables grands comptes et les développeurs d'entreprise font également partie des postes les plus recherchés et les mieux rémunérés. Cela n'est pas surprenant, car ces experts sont très convoités, surtout en période de pénurie de main-d'œuvre qualifiée.
Le département RH gagne, le marketing perd
La guerre des talents a également des répercussions sur le département des ressources humaines. Cette année, l'étude mentionne pour la première fois les responsables des départements Compensation et Avantages sociaux, Recrutement et Paie, trois postes RH chargés de la recherche de nouveaux collaborateurs et de la fidélisation du personnel. Cela a un coût: dans ces postes, le salaire médian est compris entre 150 000 et 160 000 francs, et entre 200 000 et 210 000 francs pour les responsables RH expérimentés.
En revanche, le développement de produits, la comptabilité et la direction de laboratoire ont souffert. Le salaire médian se situe ici entre 125 000 et 150 000 francs. D'un point de vue historique, c'est surtout le département marketing qui a perdu du terrain: en 2017, un responsable marketing gagnait encore 223 000 francs, contre un salaire médian d'à peine 190 000 francs aujourd'hui, à condition que le poste existe encore, car de nombreuses entreprises l'ont subordonné à la direction commerciale générale.
Une fois encore, les secteurs les plus rémunérateurs sont la banque, l'assurance et l'industrie pharmaceutique. Cette année, le secteur de l'énergie et les technologies environnementales ont fait leur entrée dans le peloton de tête. À l'autre bout de l'échelle salariale, on trouve les médias, le commerce, les télécommunications et le textile.
Les primes annuelles ont partout leur importance
Les banques ne sont pas seulement le secteur où les salaires sont les plus élevés, elles attirent également l'attention en raison de leurs primes très controversées. Le triste bilan de Credit Suisse est particulièrement frappant: selon le rapport de la PUK, la direction du CS a reçu au total 39,8 milliards de francs de primes entre 2010 et 2022. Au cours de la même période, elle a accumulé une perte de 33,7 milliards de francs.
Cette évolution a conduit les entreprises suisses à aligner fortement leurs primes annuelles sur les résultats de l'entreprise. En apparence, les employés participent ainsi à la bonne marche de l'exercice. Et en cas de mauvaises performances, l'entreprise contrôle ses coûts, car les frais de personnel diminuent: 90 % des cadres bénéficiant d'une telle composante variable.
En chiffres, cela signifie que la moitié des CEO peuvent espérer toucher environ 131 000 francs de primes lors d'une bonne année. Les cadres supérieurs se réjouissent quant à eux de primes de plus de 42 000 francs en cas d'exercice réussi, tandis que les collaborateurs opérationnels reçoivent 16 000 francs pour leur engagement.
La carrière classique perd du terrain
La direction générale bénéficie d'un deuxième système de bonus. Ceux qui occupent ces postes touchent également le salaire médian le plus élevé. Les membres de la direction peuvent compter sur 380 000 francs, tandis que le président de la direction peut espérer 481 000 francs sur son compte. En outre, les entreprises fidélisent une personne sur deux de cette catégorie de cadres au moyen de rémunérations variables sur plusieurs périodes. L'étude ne précise pas le montant de ces rémunérations pluriannuelles. Une autre particularité de la direction générale est la possession d'une voiture de fonction: seul un cadre sur cinq en possède une, contre deux tiers dans la direction générale. La marque Audi est privilégiée.
Une autre tendance se dégage: l'évolution réelle des salaires a été plus forte chez les cadres inférieurs et intermédiaires que chez les cadres supérieurs et les cadres dirigeants. Selon Timon Forrer, directeur et membre de la direction de Kienbaum, cela pourrait indiquer que les carrières classiques dans le management perdent de leur attrait pour les jeunes employés. En effet, gravir les échelons implique automatiquement des responsabilités, ce que tout le monde n'apprécie pas.
Après tout, ceux qui travaillent dans une grande entreprise ont certes plus de responsabilités et des tâches plus complexes, mais ils sont aussi mieux rémunérés. Dans une entreprise comptant jusqu'à 250 collaborateurs, le salaire s'élève à environ 150 000 francs. Avec l'augmentation du nombre de collaborateurs, ce chiffre dépasse même la barre symbolique des 200 000 francs. De quoi motiver les futurs chefs.
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Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.