Dans le domaine de la santé, proposer des prestations innovantes et bon marché pour offrir une télémédecine accessible à tous ne suffit pas pour s’imposer. Même lorsque l’on peut compter sur un taux de satisfaction des patients très élevé, de plus de 95%. 

C’est le constat amer que les deux fondateurs de la plateforme Soignez-moi.ch, Carole Matzinger (directrice générale) et Romain Boichat (COO) ont été contraints d’accepter après cinq ans d’efforts. L’entreprise fermera ses portes le 31 janvier prochain.

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Une offre complète

Sur le papier, l’offre avait pourtant tout pour plaire. Pour 59 francs, les patients bénéficiaient d’une plateforme médicale en ligne, d’une consultation avec un médecin, d’une ordonnance, d’un rapport pour eux et leur médecin traitant, d’un éventuel certificat médical et d’un suivi de l’évolution de leurs symptômes après 48 heures. Le tout étant évidemment remboursé par toutes les caisses maladies. 

Alors, pourquoi cette offre n’est pas parvenue à s’imposer dans un contexte de manque criant de médecins généralistes et de coûts de la santé qui explosent? 

«Dans le domaine de la médecine, les nouvelles initiatives peinent à émerger car la publicité est totalement interdite, analyse Romain Boichat. Notre modèle, avec des consultations à 39 francs au début, a certainement été trop disruptif pour les patients. Et il a été très mal accepté par les médecins et les hôpitaux qui nous ont perçus comme des concurrents. Pour rappel, une consultation chez un médecin coûte entre 110 et 140 francs et la facture peut atteindre 400 francs si l’on se rend aux urgences. De plus, modifier les habitudes des patients reste extrêmement difficile. Ils nous contactent qu’en dernier recours, lorsqu’ils n’arrivent pas à trouver un rendez-vous physique chez un médecin.»

Enfin, les services publics restent très réticents à collaborer avec une entreprise privée même si cette dernière propose des solutions intéressantes. «Le responsable des urgences d’un hôpital public, débordé comme tous les services d’urgence, m’a expliqué que 20% des consultations de son service n’avaient pas de caractère urgent. Mais, il n’y a aucune volonté de diriger ces patients vers une solution alternative, car ils rapportent de l’argent.»

Centré sur les besoins du patient

Soignez-moi.ch ne s’est pas contenté d’innover sur le prix, les fondateurs ont multiplié les initiatives pour bousculer les standards de la télémédecine en Suisse. En proposant par exemple de déléguer certains tests et examens directement en pharmacie pour offrir un gain de temps au patient et un accès plus rapide aux soins.

Avec Soignez-moi, les pharmaciens peuvent effectuer des consultations en officine, validées par un médecin de la plateforme, le tout remboursé par la LAMal. Dans le domaine de la dermatologie par exemple, où décrocher un rendez-vous peut prendre des mois, Soignez-moi propose un concilium permettant aux patients de recevoir l’avis d’une dermatologue dans les 24 heures, le tout remboursé également.

Appel aux investisseurs

Cette volonté de centrer son action sur les besoins du patient a permis à Soignez-moi.ch de nouer des partenariats avec des institutions de renom telles que l’Ensemble Hospitalier de la Côte, le Réseau Delta, Medbase Romandie, l’Hôpital de la Tour, l’Hôpital de Bienne, l’Hôpital Ophtalmique ou encore le Groupe Mutuel. Mais ces partenariats n’ont pas permis non plus de développer davantage les activités de la PME veveysanne. 

Pour Romain Boichat, cette annonce de fermeture est aussi la dernière occasion de lancer un appel aux investisseurs et aux partenaires potentiels. «Ce serait vraiment une erreur de laisser cette plateforme de télémédecine unique s’arrêter de servir les patients en Suisse, alors que les besoins actuels et les tensions sur les coûts de la santé justifient pleinement nos solutions abordables et de qualité.» L’appel est lancé.