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La biotech de Crissier a recentré ses activités sur l’un de ses tests rapides, et empêche ainsi la propagation d’un virus s’attaquant aux cacaoyers, alors que le prix des fèves fluctue comme jamais.
SwissDeCode traque le virus du cacao avant sa propagation.
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Votre tablette de chocolat préférée vous semble chère en ce moment? La faute au cacao, dont le prix connaît une volatilité spectaculaire. Après avoir grimpé à plus de 12.000 dollars la tonne fin 2024, les fèves s'échangent maintenant à environ 6000 dollars, un niveau qui reste tout de même trois fois plus élevé que celui de 2023. «Mais la norme sur ce marché est toujours difficile à définir», souligne Martijn Bron, ancien responsable du négoce de cette matière première chez Cargill. Bien que la pression sur le prix se soit calmée, l’expert estime que la demande a reculé «d’environ 5% sur un an, à cause des prix élevés des confiseries chocolatées» en magasins.
Les conditions météo, la spéculation et la demande affaiblie par l’inflation sont les principaux facteurs qui plombent ce marché. Un autre facteur, invisible, aggrave la crise: le virus de l'œdème des pousses du cacaoyer (CSSVD), à cause duquel les cabosses se raréfient. Pour le traquer, la société vaudoise SwissDeCode a mis au point un test de détection. Déployé sur une machine portable, il détecte la présence du virus en 60 minutes.
Transmis par une cochenille, le CSSVD court-circuite le rendement fruitier de l'arbre pour se multiplier, avant d’en entraîner la mort pure et simple «en trois à cinq ans», évoque Sanja Fabrio, directrice du développement commercial de SwissDeCode. Durant les premiers mois, les feuilles du cacaoyer atteint restent vertes, et il porte des cabosses. «Si vous ne le déracinez pas, il contamine ses voisins. Ne s’attaquer qu’aux arbres visiblement malades, c’est agir trop tard», explique-t-elle.
Le CSSVD n’a pas de remède connu. La détection du virus lors de sa période de latence – puis le déracinement des arbres asymptomatiques – permet d’en limiter la propagation. Et l’enjeu économique est colossal. «La coupe des arbres infectés coûte des centaines de millions, dans des pays où 30 à 40% des cultures sont touchées. Et elle laisse les fermiers sans revenus», précise l’ancienne manager de Philip Morris International.
Impossible de lancer ces projets d'ampleur sans le soutien des gouvernements. L’entreprise basée à Crissier collabore avec la Côte d'Ivoire depuis 2019, et finalise un partenariat avec le Ghana. Ces deux pays exportent 70% de la production mondiale de cacao, selon la Plateforme suisse du cacao durable (Swissco). Les pays voisins comme le Togo, le Cameroun ou le Nigeria se montrent intéressés, car «le virus ne connaît pas de frontières», argue-t-elle

Un employé fait la démonstration de l'appareil de test portable, capable de détecter le virus en une heure, avant même l’apparition des symptômes.
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Un employé fait la démonstration de l'appareil de test portable, capable de détecter le virus en une heure, avant même l’apparition des symptômes.
SwissDeCodeLa biotech a pour clients des fabricants de chocolats et traders de matières premières. Sanja Fabrio avance que l’entreprise collabore avec «tous les grands noms de la confiserie et du négoce», citant le colosse américain Mars, son compatriote Mondelez et le Suisse Storck (qui commercialise Merci et Toffifee).
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SwissDeCode ne se limite pas à leur fournir un outil de terrain. En analysant les données de la santé des cacaoyers pour les acteurs industriels via les fermes sentinelles, la société aide leurs traders, dans leurs prévisions de prix. En plus, avec le soutien de Swissco, elle cartographie la propagation de la maladie à l'échelle nationale.
Lancée en 2016 par le biochimiste Gianpaolo Rando, SwissDeCode avait initialement ciblé l’inspection de produits agroalimentaires de façon large, développant divers tests ADN rapides pour cette industrie, ce qui évite de passer par la case laboratoire.
Toutefois, la guerre en Ukraine a forcé un recentrage drastique, marquant l’arrêt de certaines de ses activités (dans le maïs notamment) et le départ de deux tiers de l’effectif qui frôlait la trentaine d’employés. De 35 tests initialement développés, deux sont commercialisés à grande échelle. L'un cible une la protéine A2 du lait, l'autre est le test CSSVD, «le cœur de nos efforts actuels».
Si la voilure de la société, qui a levé un total de 6 millions de francs depuis sa création, s’est réduite, Sanja Fabrio assure que la rentabilité est maintenant atteinte, dans un segment mieux défini.
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Au regard du prix des barres chocolatées, l’année 2025 promet de meilleures récoltes que les deux précédentes. Toutefois, les réserves restent préoccupantes. Le cacao vient de vivre «trois déficits consécutifs en fèves, dont le dernier fut le plus important jamais enregistré, avec un manque de 500.000 tonnes – soit 10% de la production mondiale», souligne Martijn Bron. A cela s’ajoute «une demande mondiale qui continue de croître», avertit Lydia Toth, porte-parole de la faîtière ChocoSuisse. Pas de baisse de prix en vue donc, lors du passage en caisse.
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