Lorsque l’on pénètre dans les locaux de Raymond Weil au Grand-Lancy, rien ne crie au luxe ostentatoire. Pas de marbre à outrance, pas de réceptionniste au sourire accroché, pas d’atmosphère aseptisée comme dans certains sanctuaires horlogers. Ici, l’ambiance est à l’image de la marque: authentique, sans prétention, mais néanmoins professionnelle. A l’image aussi de son dirigeant, Elie Bernheim, qui vous accueille avec une poignée de main franche et un regard direct.

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Une naissance à contre-courant

L’histoire de Raymond Weil commence par un acte de foi. Contrairement à la plupart des grandes maisons, fondées au XIXe siècle, Raymond Weil a vu le jour en 1976, en pleine crise horlogère, quand l’arrivée du quartz japonais menaçait de balayer l’industrie suisse tout entière. «Mon grand-père était un visionnaire, mais surtout un homme courageux, explique Elie Bernheim. Créer une marque horlogère quand tout le secteur s’effondrait, il fallait soit être inconscient, soit avoir une vision très claire de ce qu’on voulait apporter.»

Si l’horlogerie nationale peut se targuer d’avoir survécu à cette fameuse crise du quartz, Raymond Weil peut s’enorgueillir d’en être née. Une naissance à contre-courant qui semble avoir défini l’ADN de la marque: ne jamais suivre aveuglément les tendances du moment.

En 1996, c’est Olivier Bernheim, gendre du fondateur, qui prend les rênes, modernisant l’entreprise et étendant sa présence internationale. Puis en 2014, après le décès de Raymond Weil, Elie Bernheim en devient le CEO, représentant ainsi la troisième génération familiale aux commandes. «Nous sommes l’une des dernières marques familiales indépendantes de cette taille, souligne-t-il, non sans fierté. Cela nous donne une agilité que les grands groupes n’ont pas, mais aussi la liberté de rester fidèles à nos valeurs sans pression d’actionnaires externes.»

Une indépendance revendiquée face aux géants

Avec une production d’environ 80 000 pièces par an, Raymond Weil n’est certes pas un petit joueur. Mais face aux conglomérats qui dominent l’industrie, la marque fait figure de David contre Goliath. «Etre indépendant dans l’horlogerie aujourd’hui, c’est accepter de se battre avec des moyens limités contre des groupes aux ressources quasi illimitées», reconnaît Elie Bernheim avec une franche lucidité qui tranche avec le discours habituel des marques. Dans un marché où la concentration s’accélère, cette indépendance revendiquée offre une liberté stratégique et créative, mais représente également un défi que la famille Bernheim doit gérer au quotidien. «Chaque décision que l’on prend a un impact sur nos fournisseurs ou sur nos détaillants. Quand tout va bien, tout le monde est content, mais on ne va pas être optimistes au point de demander à nos fournisseurs de surdévelopper leurs capacités de production. Et quand ça va moins bien, on n’est pas là à dire «On ferme tout» et à les laisser en plan.»

Nous avons pensé un moment que le digital pourrait suffire, que l’ère des salons était définitivement révolue.

Comme beaucoup d’acteurs traditionnels, Raymond Weil a navigué sur les eaux tumultueuses de la transformation digitale. Sans faire trop de bruit, la marque a été l’une des premières à ouvrir une boutique en ligne, juste avant la pandémie de Covid-19. Après avoir longtemps occupé une place centrale dans la halle 1 de feu la foire horlogère Baselworld, Raymond Weil a été l’un des premiers acteurs du secteur à lourdement miser sur le web. «Nous avons pensé un moment que l’ère des salons horlogers était définitivement révolue et que le digital pourrait suffire, admet Elie Bernheim avec franchise. Avec le recul, nous en sommes partiellement revenus. Pendant la première édition de Watches & Wonders, je me suis rendu compte que l’être humain, quelle que soit la technologie, a tout de même besoin de rencontrer ses semblables.» L’entreprise a ainsi choisi en 2023 de réintégrer le circuit des grandes foires horlogères, en profitant de ces quelques années d’absence pour se recentrer sur son offre et préparer son retour en scène. Aujourd’hui, environ 20% du chiffre d’affaires se fait en ligne, un ratio impressionnant dans un secteur encore largement dépendant de la distribution physique. Cette avance dans le digital a partiellement compensé l’absence de la marque dans les grands salons horlogers durant plusieurs années.

Le pari du luxe accessible

Année après année, les chiffres des exportations horlogères suisses témoignent d’une montée en gamme de l’industrie, le nombre de pièces produites étant à la baisse alors que le prix moyen s’affiche à la hausse. Dans ce marché horloger de plus en plus tourné vers le luxe, Raymond Weil a choisi de renforcer sa position dans le segment intermédiaire, celui des montres accessibles mais de qualité. Un créneau que la marque connaît bien mais que beaucoup ont déserté, attirés par les marges plus confortables du haut de gamme. «Beaucoup de nos collègues ont délaissé la gamme 1500-3000 francs pour se repositionner plus haut, observe Elie Bernheim. C’est exactement là que se trouve notre clientèle historique: des amateurs d’horlogerie qui veulent une vraie montre suisse, bien conçue, mais à un prix raisonnable.»

montre Raymond Weil

2300 francs: le prix moyen d’une montre Raymond Weil. Un positionnement dans le segment intermédiaire, celui des montres accessibles mais de qualité «Swiss made».

© Raymond Weil

Le pari semble aujourd’hui porter ses fruits. En 2023, la Millesime Small Seconds a remporté le Prix Challenge – catégorie jusqu’à 3000 francs – au Grand Prix d’horlogerie de Genève, le GPHG, souvent considéré comme les Oscars de l’horlogerie. Cette consécration inattendue a remis Raymond Weil sur le devant de la scène. «Ce prix nous a fait beaucoup de bien», admet le dirigeant. De quoi offrir une visibilité bienvenue et rester dans les radars d’un secteur dominé par des groupes aux moyens colossaux, dont l’investissement dans une simple campagne publicitaire correspond souvent au budget marketing annuel total d’une maison indépendante.

Ce positionnement réputé difficile a pourtant permis aux montres signées Raymond Weil d’être désormais présentes dans plus de 2000 points de vente à travers 95 pays. Un succès obtenu malgré une arrivée tardive en Chine, un temps l’eldorado de l’industrie horlogère. La marque du Grand-Lancy présente cette particularité d’avoir été quasiment absente du marché chinois durant son boom, un choix qui, avec le recul, s’avère presque visionnaire à l’heure où ce marché s’effondre, entraînant avec lui nombre d’acteurs qui s’y étaient trop exposés. «Pendant vingt ans, ça a été ma plus grande frustration, confie Elie Bernheim. Au début des années 2000, quand ce marché s’est fortement développé, nous n’avions pas les moyens d’investir pour un retour sur investissement incertain.» Une décision qui a préservé la marque du choc actuel, en lui permettant de se concentrer sur d’autres régions.

Une marque à l’ADN musical et créatif

Alors que beaucoup de marques horlogères s’associent à l’aviation, à la plongée ou aux sports automobiles, Raymond Weil a délibérément choisi un autre terrain de jeu: la musique. Une passion familiale héritée du patriarche musicien et depuis transformée en véritable stratégie de marketing, constante à travers les décennies. «Mon grand-père était un mélomane averti, mon père joue du piano et moi-même, j’ai étudié le violoncelle pendant quinze ans au Conservatoire de Genève, raconte Elie Bernheim. La musique fait partie de notre ADN familial, alors il était naturel d’en faire l’ADN de notre marque.» Une guitare appuyée contre la baie vitrée de son bureau confirme, si besoin, ses dires. Cette passion s’exprime à travers un catalogue maison aux collections aux noms évocateurs comme Maestro, Toccata ou Freelancer, mais aussi par des collaborations avec des légendes de la musique. Les Beatles, David Bowie, Frank Sinatra, Bob Marley... la liste des éditions limitées inspirées par ces icônes s’allonge année après année.

Si la musique reste au cœur de l’identité de Raymond Weil, la marque explore également d’autres territoires créatifs, notamment l’art contemporain et la bande dessinée. Une stratégie qui traduit une volonté de diversifier ses sources d’inspiration et d’élargir son audience. Une première collaboration avec Jean-Michel Basquiat a donné naissance à une édition limitée qui s’est arrachée en un temps record. «Toutes les pièces de l’édition spéciale Basquiat se sont écoulées immédiatement», se réjouit Elie Bernheim. La bande dessinée constitue un autre territoire que la marque a choisi d’explorer, notamment en collaboration avec Largo Winch.

Dans un secteur où les rachats et consolidations se sont succédé, Raymond Weil fait figure d’exception en restant obstinément familiale. Une posture qui n’est pas sans soulever des questions sur l’avenir à moyen terme, notamment quant à la délicate question de la succession. «Nous recevons régulièrement des offres, admet Elie Bernheim. Mais tant qu’on peut être vaillants, en bonne santé financière et continuer à se développer, je crois qu’il n’y a pas l’envie ni la tentation de répondre positivement à une sollicitation. Mon ultimate goal serait qu’un jour il y ait une quatrième génération qui puisse prendre les rênes de l’entreprise. Là je me dirai que j’ai réussi, que je n’aurai pas été cette fameuse troisième génération dont on dit qu’elle détruit ce que les premières ont bâti.»

Raymond Weil atelier

Les quelque 120 collaborateurs de Raymond Weil assemblent 80 000 montres par année au Grand-Lancy.

© Raymond Weil

A l’aube de son demi-siècle d’existence, qu’elle fêtera l’an prochain, Raymond Weil reste une anomalie dans le paysage horloger suisse, avec le prix moyen de ses montres s’élevant à 2300 francs et ses quelque 120 collaborateurs. Alors que la marque a présenté en avant-première son nouveau modèle Toccata Heritage, inspirée des archives de l’entreprise, la question reste entière: la quatrième génération de Bernheim reprendra-t-elle le flambeau ou cédera-t-elle aux sirènes des grands groupes? La partition de Raymond Weil s’écrit encore, mesure après mesure.

Le luxe, mode d’emploi

Humain
Pour une entreprise possédée et dirigée en famille et à taille humaine, les relations interpersonnelles servent de socle.

Produit
Une gamme authentique et bien positionnée permet d’exister aux côtés de produits promus par des stratégies de communication mondiales.

Cohérence
Une cohérence entre vision stratégique, positionnement sur le marché et catalogue de produits permet à la marque d’être clairement identifiable.