«Notre technologie transforme le CO2 en calcaire, explique Valentin Gutknecht, cofondateur de Neustark. Nous captons le CO2 d’usines biogaz en Suisse et nous le transformons d’abord en liquide, pour le transport, puis il est pétrifié pour devenir du calcaire ou de la pierre de calcite.» Dans un deuxième temps, le béton concassé contenant du calcaire est mélangé avec du ciment, à un taux minimal. La réduction du ciment, dont la fabrication est particulièrement polluante, permet de diminuer l’empreinte carbone et les coûts en matières primaires.

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Le procédé mis au point par la start-up bernoise améliore ainsi l’impact climatique du béton frais de 10%. Dans le détail: 10 kilos de CO2 sont captifs dans chaque mètre cube de béton et jusqu’à 20 kilos de gaz carbonique sont épargnés grâce au processus lui-même de réduction des composants. A noter qu’en cas de démolition, ce béton enrichi en CO2 ne libère pas de dioxyde de carbone puisque celui-ci a été transformé. «Il faudrait le chauffer à plus de 600°C pour que le CO2 se libère», relève celui qui a auparavant travaillé pour l’entreprise Climeworks, active dans la filtration du CO2 dans l’air – qu’elle enfouit ensuite dans le sol.

Premier bâtiment construit à Berne

«Actuellement, 15 centrales à béton, qui ont testé notre prototype mobile, proposent du béton enrichi en CO2, signale le CEO de ce spin-off de l’EPFZ. Un quart se trouvent en Suisse romande, un quart à l’étranger, en Allemagne et au Pays-Bas et le reste en Suisse alémanique.» Au printemps 2021, le premier bâtiment en béton Neustark, une école, a été construit à Berne.

Berne est en effet précurseur, car la ville impose le béton recyclé pour chaque nouvelle construction. Une thématique en discussion au Conseil national, mais qui peine à s’imposer en Suisse. La construction représente pourtant 74 millions de tonnes de déchets, venant principalement de l’excavation et de la démolition. Certaines entreprises générales ont toutefois fait le choix du béton recyclé il y a près de dix ans déjà. C’est le cas du groupe Marti Arc Jura, l’un des pionniers en la matière. Il est d’ailleurs partenaire de Neustark et des habitations ont déjà bénéficié de béton recyclé enrichi en CO2.

«Nous sommes en phase de test avec cette nouvelle solution, mentionne Thierry Linder, le CEO de Marti Arc Jura. Nos bétons sont déjà, à notre connaissance, les plus écologiques de Suisse, car nous valorisons 60% des déchets de chantier et notre centrale à béton dispose d’un parc photovoltaïque de 900 m² qui permet d’économiser 50 tonnes de CO2 par an. Travailler avec Neustark est, pour nous, un pas supplémentaire dans la bonne direction.»

La question de la résistance – notamment au sel – de ce béton pour les ouvrages demandant des normes plus strictes, comme des tunnels ou des ponts, est à l’étude. Mais cela concerne tant le béton recyclé que le béton enrichi en CO2. Valentin Gutknecht se réjouit également de cette association avec Marti Arc Jura: «Ils font beaucoup en matière d’environnement, c’est une bonne addition. Nous procédons avec eux à des tests en laboratoire pour établir quelle est l’influence de notre procédé sur leur recette de béton.»

Partenariat avec Mobbot

Neustark, victorieuse l’an dernier du Catwalk 2020, une compétition sur les innovations durables, travaille déjà sur la prochaine génération de béton enrichi. Il s’agit du béton neutre en carbone. «Chaque mètre cube de béton a un coût carbone de 200 kilos de CO2. Le but est d’arriver à capter 200 kilos de CO2 dans un mètre cube de béton. On pourra commercialiser cette technologie dès 2025», estime Valentin Gutknecht.

La course contre la montre est donc lancée pour les fabricants de béton, pointés du doigt car considérés comme de gros pollueurs. «On sent la pression de la durabilité dans le domaine de la construction, observe le Bernois. Les entreprises savent qu’elles doivent bouger et notre solution est actuellement pionnière et prête à l’utilisation.» La start-up de neuf collaborateurs doit cependant temporiser les appétits en raison de la forte demande ainsi que de la limitation du béton démoli disponible sur le marché. Holcim ou PQR Béton à Gland, notamment, ont déjà frappé à sa porte. Côté start-up, un partenariat s’est concrétisé notamment avec Mobbot, active dans l’impression 3D par projection de béton.

Un réacteur Neustark est rempli avec du béton concassé.

Le CO2 est connecté à un concasseur.

Les réacteurs de la start-up sont dotés d’un système de sécurité de pression.

TB
Tiphaine Bühler