Durabilité et innovation rythment la création d’entreprises à travers le monde. Des Etats-Unis à l’Allemagne, en passant par les pays scandinaves, les sociétés redoublent d’ingéniosité pour répondre à des problématiques actuelles comme la lutte contre le gaspillage alimentaire, la généralisation des plateformes en ligne et l’essor de l’intelligence artificielle. Toutes inspirent par leur audace et ont su trouver leur public, mais n’existent pas en Suisse.

également interessant
 
 
 
 
 
 

Crèches intergénérationnelles, crédits carbone pour les agriculteurs, e-sport ou encore services de tourisme immersifs: ces projets venus de l’étranger permettent d’insuffler de nouvelles idées aux créateurs d’entreprise. Soigneusement sélectionnées pour leur potentiel, ces pépites ont toutes en commun de bouleverser le statu quo. Certaines existent déjà peut-être sur le territoire, mais pourraient être améliorées ou redéfinies.

Les 50 idées sont commentées par des spécialistes de l’entrepreneuriat. Issus des hautes écoles, d’incubateurs, d’organismes d’aide à la création d’entreprise ou encore d’universités de Suisse romande, ces experts donnent leur avis éclairé sur ces entreprises, leurs forces, leurs défauts et les défis inhérents auxquels être attentif pour les déployer en Suisse. Saurez-vous relever le défi?


01 - «Matchmaking» d’emballages

L’entreprise lettonne PrintOnPack entend révolutionner l’achat des emballages. Créée en 2020 et financée un an plus tard à hauteur de 450 000 euros par un fonds suédois, cette plateforme permet de rechercher en ligne l’emballage idéal, avec notamment des options de matériaux durables, tels que des paquets recyclés ou biodégradables. Elle a intégré plus de 120 fournisseurs d’emballages souples, afin de donner aux consommateurs des informations transparentes sur les prix et les lieux de production. 

Christina Hertel: «Une telle offre se révélerait certainement précieuse pour les PME proposant des produits artisanaux, qui sont toujours plus nombreuses en Suisse. La recherche d’un fournisseur, en particulier pour des petites quantités, prend beaucoup de temps. Bien qu’il existe déjà des bases de données en la matière, celles-ci sont généralement statiques et laissent toujours aux petits producteurs le fardeau d’identifier et de contacter les entreprises pertinentes. Une telle plateforme pourrait changer la règle du jeu en demandant aux producteurs qu’ils fassent des offres, comme cela se fait dans le cadre des plateformes GetYourLawyer ou Upwork. Un guichet unique qui inclurait en plus les designers et graphistes serait encore plus pertinent. Le défi serait toutefois de convaincre tous les acteurs de l’emballage d’utiliser le service, même les plus traditionnels.»

PrintOnPack
© DR

02 - Expérience culinaire en immersion

Déguster des ramens et se plonger dans un univers 100% japonais, c’est ce que propose la chaîne de restaurants espagnole Buga Ramen. Dans un décor qui reproduit un marché de rue avec des éléments issus des mangas, d’animations et de jeux vidéo, les spécialités sont servies à chaque table par un robot, à l’instar de ce qui se fait dans de nombreux restaurants nippons. Le menu offre 16 types de ramens – dont trois options véganes – ainsi que divers plats et desserts japonais.

Pauline Musy: «La cuisine asiatique, et plus particulièrement les ramens, est aujourd’hui très populaire. Il existe une réelle tendance à proposer des expériences uniques, qui aillent au-delà de la simple dégustation d’un plat, dans la restauration et l’hôtellerie. L’enjeu réside dans la taille du marché suisse: est-il assez grand pour garantir le succès de ce type de concept à un prix abordable?»

Buga Ramen
© DR

03 - Gérer le recyclage des déchets électroniques

Electronic Recyclers International recycle environ 130 millions de kilos de déchets électroniques par année. Créée aux Etats-Unis en 2002, l’entreprise se démarque grâce à son service de cybersécurité qui assure la destruction de toutes les données présentes dans l’électronique des entreprises. Cette solution se révèle particulièrement intéressante à l’heure de la durabilité et de la pénurie de certains composants.

Anne Headon: «Cette entreprise a su développer des partenariats avec le secteur public comme avec le privé. Le modèle se décline ensuite dans des points de collecte locaux, principalement en ville. En Suisse, la taille critique nécessaire constitue le challenge principal, d’autant plus que les moyens à allouer au développement de l’entreprise sont importants: collecte, tri et recyclage. Il serait plus intéressant de créer des partenariats locaux avec des acteurs existants.»


04 - Numériserisation des banques alimentaires

Fondée en 2020, Naria a développé un système de suivi basé sur la blockchain destiné aux banques alimentaires. La technologie permet d’enregistrer chaque mouvement des surplus alimentaires générés par les entreprises afin de les acheminer ensuite vers des organisations sociales qui les redistribuent aux plus démunis. La start-up espagnole a aussi mis au point un dispositif pour que les donateurs puissent acheter numériquement de la nourriture au kilo via une application mobile ou des écrans dans les supermarchés. Convertis sur un compte de la banque alimentaire, ces dons sont attribués aux bénéficiaires sous forme de «carte-portefeuille». Un processus qui ne nécessite aucune logistique de transport. Naria collabore notamment avec la Croix-Rouge et des entreprises privées.

Felix Stähli: «En Suisse, 30% de la nourriture est gaspillée, notamment car tout ce qui n’est pas traçable et qui manque d’identification devient automatiquement un déchet. Utiliser la technologie blockchain pour assurer la traçabilité des produits à chaque étape de production et de consommation est donc une idée très séduisante qui s’inscrit dans une économie durable. Un tel projet permettrait de contribuer à réduire le gaspillage dans un but communautaire.»


05 - Faciliter la gestion des freelances

Fondée en 2017, Worksome est une start-up danoise opérant sur le marché des RH avec une plateforme qui facilite la gestion de travailleurs indépendants externes. La plateforme permet de prendre en charge l’ensemble du processus et ce, en toute conformité légale: de la recherche de talents à la classification des travailleurs selon leurs compétences, en passant par la mise au point des contrats et les paiements, le tout via une seule interface; de quoi rationaliser l’organisation, le travail et l’administratif.

Eric Davoine: «Cette plateforme me paraît être une bonne optimisation de l’utilisation de freelances externes, que ce soit la gestion des contrats ou le fait de pouvoir identifier en quelques clics les fournisseurs capables de produire la prestation demandée.»


06 - Les colonies de vacances pour chiens

Mettre son chien dans un chenil pour les vacances? Hors de question pour Dog Scouts of America. Basé dans le Michigan, aux Etats-Unis, l’organisme propose des colonies de vacances pour les chiens. Objectif: que le chien ne soit pas seulement «gardé» alors que ses maîtres sont absents, mais qu’il profite aussi d’une expérience éducative, au prix de 750 dollars la semaine. Une autre variante consiste en un camp pour chien et enfant, dans lequel le jeune et son animal de compagnie apprennent les fondamentaux du scoutisme ensemble.

Anne Headon: «Les sociétés occidentales ont de moins en moins d’enfants et les animaux de compagnie, notamment les petits chiens, prennent une place similaire à celle d’un enfant dans les foyers urbains. Au Japon, par exemple, certains les déplacent dans des landaus. Ces propriétaires sont prêts à dépenser des sommes importantes pour le bien-être de leur animal. Cette idée a donc du potentiel à terme, sur une forme peut-être un peu différente en Suisse.»

Dog Scouts of America
© DR

07 - Préparation pour les universités de l’Ivy League

Basée en Nouvelle-Zélande, Crimson Education aide les étudiants internationaux dans leur postulation aux grandes universités. Pour un coût moyen de 15 000 dollars, la plateforme les aide à identifier quelle école leur correspondrait et ce qu’ils doivent faire, en termes académiques ainsi qu’au niveau des activités extrascolaires, pour favoriser leurs chances d’y entrer. L’entreprise travaille aujourd’hui avec 1500 tuteurs et plus de 20 000 étudiants ont déjà eu recours à la plateforme. Une soixantaine d’entre eux ont accédé aux universités de l’Ivy League et plus de 160 à Oxford ou à Cambridge. Cette préparation peut débuter dès 11 ans.

Anne Headon: «Cette idée de préparer les enfants dès le plus jeune âge pour accéder à une université prestigieuse est un concept très anglo-saxon. C’est un principe élitiste et coûteux, qui n’est pas vraiment dans la mentalité suisse. En Suisse, les écoles qui proposent un parcours de baccalauréat international sont bien équipées pour soutenir leurs élèves dans les dossiers d’admission alors que les élèves sortis des gymnases sont un peu plus démunis. Cette méthode d’aide pourrait néanmoins être utile pour eux et pour les étudiants ayant terminé leur bachelor en Suisse qui souhaitent poursuivre avec un master à l’étranger. Il faudrait alors élargir le panel à toutes les universités existantes.»

Crimson Education
© DR

08 - Le golf en mode connecté

Taper des balles pour s’entraîner au golf n’est pas toujours très ludique. Pour moderniser ce sport, deux frères ont fondé il y a une vingtaine d’années Topgolf. Le concept: des installations d’entraînement couvertes qui permettent, grâce à des balles connectées, de connaître la vitesse de sa balle et sa distance exacte. Grâce à des cibles, le joueur peut aussi coupler la pratique du golf avec diverses autres activités de loisirs. Ces centres sont pris d’assaut aux Etats-Unis et le concept s’étend désormais à l’étranger. On y vient en groupe, avec la possibilité de boire un verre et de manger.

Virginie Bauman: «Il existe clairement un contexte favorable pour ce type d’offre, avec une demande croissante pour des expériences de loisirs sociales. L’aspect ludique et connecté peut attirer un large public, que ce soient des jeunes ou des sorties de team building. Un tel concept demande cependant d’importants investissements initiaux, avec l’enjeu de pouvoir proposer des tarifs accessibles. Aussi, le secteur des loisirs connaît une forte concurrence. Au départ, avoir une proposition qui se distingue est un atout, mais ensuite il y a un important besoin de marketing et de promotion à fournir pour durer.»

Topgolf
© DR

09 - Assistant au paiement pour entrepreneurs en ligne

La start-up fintech Dealflow vise à automatiser la facturation B2B pour les entreprises qui travaillent en ligne, à l’instar des influenceurs et des entreprises mandataires. Fondée au Danemark en 2021, elle fait partie des premières plateformes de facturation au monde permettant d’effectuer des transferts transfrontaliers sans frais et de gérer la trésorerie grâce à des paiements instantanés.

Eric Davoine: «Le système d’avance sur facture de ce concept semble enregistrer des retours très positifs de la part des utilisateurs freelance, tout comme la solution de transferts de fonds transfrontaliers. Le défi dans ce cas-là, c’est la mise au point de la technologie pour gérer ces flux financiers qui permettent de concurrencer les acteurs bancaires traditionnels.»


10 - App pour des services de beauté à domicile

L’application française Simone réunit en une seule plateforme tous les services de beauté à domicile disponibles dans une région. Coiffeurs, esthéticiennes, masseurs, expertes en manucure, les indépendants proposent leurs services sept jours sur sept. Il devient ainsi possible de se faire couper les cheveux tôt le matin, en fin de journée ou bien à la pause de midi pour les télétravailleurs. Le prépaiement se fait en ligne et la prestation est facturée seulement après le rendez-vous.

Gladys Winkler Docourt: «Cette application pourrait plaire aux femmes et aux hommes qui ont peu de temps libre et une vision utilitaire des soins. Ils doivent se faire couper les cheveux, épiler les sourcils, mais n’ont pas le temps de se rendre dans un salon. Il faut néanmoins vérifier le cadre légal de ces prestations pour garantir des conditions de travail correctes, soit en salariant ces prestataires, soit en prévoyant un contrat spécifique. L’entreprise doit aussi veiller à n’avoir que des profils de professionnels vérifiés sur son site, c’est un gage de sécurité essentiel pour que le client accepte d’accueillir un prestataire à son domicile. Les fournisseurs de soins devraient quant à eux être formés à reconnaître les situations potentiellement dangereuses pour leur sécurité.»


11 - Une plateforme de loisirs créatifs

La plateforme américaine Craftsy.com propose depuis 2013 une variété de cours et de tutoriels créatifs destinés à un large éventail de passionnés d’artisanat. Elle possède notamment une bibliothèque de cours vidéo qui couvrent un assortiment de disciplines créatives comme le tricot, le crochet, la couture, la pâtisserie et la cuisine. Les utilisateurs peuvent accéder à ces cours soit en achetant des cours individuels, soit en souscrivant un abonnement, ce qui leur donne un accès illimité aux contenus pédagogiques. Au-delà des cours, les membres du site sont encouragés à partager leurs projets, à demander des conseils et à s’engager avec des personnes partageant les mêmes idées et passionnées par les différents métiers de l’artisanat.

Virginie Bauman: «C’est un exemple intéressant d’économie collaborative, intégrant une logique de communauté. Une telle plateforme all-in-one est attractive si ses contenus sont renouvelés régulièrement. Il y a donc un double enjeu d’acquisition, tant des instructeurs que des clients. Il se pose aussi la question de la fidélisation: comment faire en sorte que les clients ne viennent pas qu’une seule fois. Enfin, il faut aussi considérer la forte concurrence de contenus disponibles gratuitement sur d’autres plateformes en ligne.»


12 - Colocations pour seniors

Depuis sa création en 2021, l’entreprise française Epic Coliving propose aux personnes âgées de 65 ans et plus un nouveau type d’habitat: le coliving. Construites pour accueillir entre huit et dix seniors, ces colocations indépendantes permettent à leurs occupants de continuer à vivre de manière autonome au sein d’un logement individuel entièrement équipé, tout en profitant d’espaces partagés, propices au développement d’une vie communautaire. Personnalisables, les parties privées sont pensées pour pouvoir évoluer au fil du temps, en fonction des besoins des habitants. Un soutien pour la souscription et la gestion de contrats d’énergie, de maintenance et d’entretien, notamment, est aussi assuré par les équipes d’Epic Coliving.

Pauline Musy: «Le potentiel du projet est indéniable. C’est même étonnant que ce type de logement n’existe pas déjà en Suisse, car il répond à un réel problème de société lié au vieillissement de la population. Afin de garantir un accès équitable à ces habitations, le modèle d’affaires de l’entreprise se doit néanmoins d’être éthiquement irréprochable. Cela pourrait faire partie d’un projet d’entrepreneuriat social, par exemple. Et pourquoi ne pas envisager des colocations intergénérationnelles?»


13 - Régler l’addition plus rapidement

Marre d’attendre que l’addition soit apportée à votre table? L’application Sunday, développée en France en 2021, permet de régler rapidement la note grâce à un code QR installé sur la table. Les plats commandés sont enregistrés, et le client peut régler dès qu’il le souhaite. Le service permet aussi de diviser l’addition plus facilement. Les tables sont ainsi plus rapidement libérées, ce qui favorise le remplissage de l’établissement.

Anne Headon: «Nous avons déjà tous vécu cette situation d’attendre l’addition au restaurant. Le secteur de la restauration est déjà très concurrentiel: seules quelques apps arrivent à devenir une référence, les autres sont rapidement oubliées. La clientèle – les restaurants – se compose de nombreux petits acteurs, qu’il peut être difficile de convaincre. Le coût d’acquisition client, soit le montant moyen dépensé par une entreprise pour acquérir un nouveau client, est donc important. Une piste intéressante pourrait être de s’associer avec une autre entreprise, qui offre aussi un service aux restaurateurs, afin de proposer en collaboration une seule solution intégrée pour devenir le «one stop shop».»


14 - Les dépanneurs de vélo itinérants

Alors que de plus en plus de villes se tournent vers la mobilité douce, le nombre d’usagers du vélo continue d’augmenter. Pour accompagner cette demande croissante, l’entreprise canadienne Velofix propose un service d’entretien et de réparation itinérant. Via son site internet ou par téléphone, le client passe une commande et choisit l’heure et la date de l’intervention. L’atelier, installé dans une fourgonnette, se déplace ensuite jusqu’au lieu convenu. La prestation coûte entre 45 et 125 francs environ, en fonction du service sélectionné.

Philippe Gaemperle: «De nombreux acteurs ont déjà émergé sur le marché ces dernières années, et pas seulement en ville. Même dans un espace périurbain, le cycliste n’est jamais très loin d’un atelier fixe. En outre, il paraît difficile de se distinguer par une solution à bas coût, car le concept de Velofix nécessite une grande flotte de véhicules et une gestion logistique relativement complexe, deux facteurs qui tendent vers des tarifs assez élevés. Toutefois, l’attrait croissant pour le vélo entraînera vraisemblablement une augmentation de la demande pour les services d’entretien. Si le marché grandit assez, il est tout à fait possible qu’une solution haut de gamme puisse se développer.»

Velofix
© DR

15 - Crèches intergénérationnelles

Tom&Josette est une start-up française qui implante des micro-crèches dans des lieux de vie destinés aux personnes âgées, tels que les EMS ou les résidences pour seniors. Le principe: faire cohabiter les générations. Lecture de contes, goûter, jardinage: les activités partagées sont organisées et supervisées par les équipes de l’entreprise créée en 2021. Les jeunes apportent ainsi énergie et joie de vivre tandis que les personnes âgées leur transmettent leur expérience et leur bienveillance.

Anne Headon: «Ce projet d’innovation sociale est fascinant et vertueux. Il résout deux problèmes majeurs: le manque de places d’accueil pour les jeunes enfants et celui de l’isolement et du manque de sens ressentis par les personnes âgées en EMS. Ces projets sont cependant difficiles à mettre sur pied et à financer. Il faut aussi faire attention à la notion de proximité: l’intégration au niveau local auprès d’une communauté existante est essentielle. En Suisse, il faudrait prendre le temps d’aller voir sur le terrain pour choisir la communauté adéquate.»

Tom&Josette
© DR

16 - Tourisme immersif

C’est l’une des grandes tendances du tourisme, selon l’Ecole hôtelière de Lausanne: l’offre d’expériences immersives, telles que la possibilité d’explorer virtuellement des destinations durant le processus de réservation. Hyperfiction, une agence française de réalité virtuelle (RV) et réalité augmentée (RA), conçoit de tels produits. Elle a par exemple vendu à Megève une descente en luge dynamique que la station haut-savoyarde peut présenter sur des salons du monde entier.

Christina Hertel: «Cette offre répond à une demande croissante pour des planifications de voyages plus personnalisées et attrayantes. Elle améliore l’expérience de pré-réservation et permet aux individus de prendre des décisions plus éclairées. D’un point de vue marketing, intégrer des expériences immersives permet de se différencier sur un marché encombré. Cependant, le succès de cette idée dépend fortement de l’accessibilité de la RV et de la RA. En 2022, seuls 2% des Suisses possédaient des lunettes de réalité virtuelle.»


17 - Un service de bricoleurs à domicile

La société américaine TaskRabbit exploite une plateforme en ligne qui met en relation la main-d’œuvre indépendante et la demande locale. Objectif: permettre aux usagers de trouver de l’aide pour des tâches telles que l’assistance personnelle, le montage de meubles, les déménagements, les livraisons ou les travaux de bricolage. C’est en quelque sorte la rencontre des passionnés de bricolage et de ceux qui en ont horreur. Près de 200 000 personnes proposent aujourd’hui leurs services via la plateforme, qui a été rachetée en 2017 par Ikea.

Eric Davoine: «C’est un concept qui permet de rationaliser les bourses aux échanges existantes. Pour se démarquer des grands acteurs, il faudra valoriser la proximité culturelle avec les clients, avec des interactions régulières, très importantes pour établir un lien de confiance sur le long terme. Il faut néanmoins éclaircir la question de la responsabilité en cas de travail mal fait.»


18 - Des crédits carbone pour encourager l’agriculture durable

Depuis 2016, eAgronom soutient les agriculteurs qui souhaitent adopter des méthodes de production durables. Après avoir mesuré l’empreinte carbone de l’exploitation, la start-up estonienne établit un plan de durabilité, qu’elle subventionne en partie grâce à des crédits carbone calculés sur la base des réductions d’émissions de CO2 et de l’augmentation des niveaux de carbone dans le sol. Présente dans sept pays, eAgronom a levé 5 millions de dollars en 2023.

Felix Stähli: «Les projets à impact écologique ou social, dont le retour sur investissement reste plus faible ou plus lent, n’accèdent pas facilement à des financements. Cette solution semble donc particulièrement prometteuse. Si l’Etat est convaincu de la pertinence du projet, l’apport de subventions de sa part permettrait de pallier ce manque. Dans le domaine, les solutions venues de l’étranger n’ont, jusqu’ici, trouvé que peu d’écho en Suisse.»


19 - La plateforme documentaire à podcasts

La plateforme française Docurama propose l’accès à près de 2000 podcasts documentaires sélectionnés pour leur qualité. Histoire, découverte, criminologie, culture, le large panel s’articule autour de thématiques variées. Disponible à l’essai pendant sept jours, la plateforme facture ensuite 2,99 euros par mois ou 23,90 euros pour un an. Une fois abonné, l’auditeur accède à la vaste médiathèque de Docurama via des plateformes de streaming comme Apple Podcasts et Spotify.

Philippe Gaemperle: «La consommation médiatique étant en pleine mutation, la production et l’hébergement de podcasts auraient tout leur sens en Suisse. Un des avantages décisifs est sans doute l’accessibilité du marché, l’investissement de départ étant relativement modeste. Toutefois, au vu de la concurrence des productions étrangères, il faudrait réfléchir à une plateforme spécialisée dans les productions locales.»


20 - Trouver son artiste tatoueur

La plateforme espagnole Tattoox présente des photos de tatouages réalisés par différents artistes. Le potentiel client peut ainsi trouver le style de dessin qui lui plaît et entrer directement en contact avec le tatoueur. Tattoox facilite ainsi le processus de recherche et de réservation de services de tatouage, tout en augmentant la visibilité des artistes.

Gladys Winkler Docourt: «Le point le plus délicat réside dans la certification de la qualité des tatoueurs présentés. Il faut en amont s’assurer de la qualité – notamment en matière d’hygiène – des salons présentés et de l’éventuelle autorisation de pratique. Il faut aussi approfondir le lien à établir avec le tatoueur: doit-il signer une clause d’exclusivité avec la plateforme? Comment s’assurer autrement que le site ne soit pas qu’une vitrine? D’autant plus qu’il existe souvent une relation de confiance entre un tatoueur et son client et que ce dernier aura certainement tendance à retourner vers l’artiste qui a compris ses attentes s’il souhaite un nouveau tatouage. Enfin, la plateforme doit fixer des clauses de responsabilité claires en cas de problème.»

Tattoox
© DR

21 - Optimiser les liens entre les fournisseurs et les restaurateurs

Choco est une start-up franco-allemande qui met en relation les restaurants et les fournisseurs, avec une solution digitale tout en un. Une innovation dans un secteur qui fonctionne encore largement par e-mail et par téléphone. Gratuite pour les restaurateurs, l’app permet de passer commande sur une seule interface, ce qui offre plus de lisibilité, une meilleure rationalisation et donc moins de surplus. Pour les grossistes, les commandes sont immédiatement enregistrées, ce qui améliore l’efficacité, réduit les erreurs et permet de pousser la vente des produits restants. Pour les deux parties, l’app permet ainsi de faire des économies et limite le gaspillage alimentaire. Si le fournisseur habituel n’y figure pas, l’application convertit automatiquement la commande en e-mail ou en SMS. Lancée en 2018, la start-up a accédé au statut de licorne en 2022 en levant plus de 100 millions d’euros.

Gladys Winkler Docourt: «Regrouper en une application plusieurs services facilitant le quotidien des restaurateurs constitue une idée prometteuse caractéristique de l’économie du XXIe siècle. Améliorer ce lien contribue à limiter le gaspillage et permet aux fournisseurs de vendre plus précisément leurs marchandises. C’est une situation où tout le monde est gagnant. Néanmoins, au niveau local, le lien physique et amical avec les fournisseurs restera probablement, notamment dans la restauration haut de gamme.»

Choco est une start-up franco-allemande qui met en relation les restaurants et les fournisseurs
© DR

22 - Poubelles intelligentes

Installées dans les rues de Málaga en Espagne, de Philadelphie aux Etats-Unis ou encore de Münster en Allemagne, les poubelles de la société Bigbelly ont pour but d’empêcher le littering et de faciliter la vie des municipalités. Celles-ci compactent les déchets en utilisant l’énergie solaire et permettent ainsi d’augmenter la capacité de contenu des poubelles publiques. Connectées, elles émettent un signal quand elles sont pleines, en direction du service chargé de la voirie.

Christina Hertel: «Les avantages d’une telle solution sont évidents. Elle encourage les gens à se débarrasser de leurs déchets au lieu de les jeter dans la rue, tout en réduisant de 80% les collectes nécessaires, selon la société. Toutefois, plusieurs villes en Suisse adoptent le principe du pollueur-payeur et limitent intentionnellement le nombre de poubelles, tout en imposant des amendes en cas de dépôt de déchets privés. Il serait donc peut-être judicieux de mettre en avant les arguments de la diminution des émissions de CO2 (en raison de la baisse du nombre de collectes) et de réduction des animaux nuisibles. Il conviendrait aussi de mettre l’accent sur le recyclage et le tri; et pourquoi pas de cibler des espaces publics spécifiques comme les aéroports ou les universités.»


23 - Guide touristique pour des vacances avec son chien

Que ce soit dans les lieux touristiques, les hôtels ou les restaurants, les chiens ne sont pas toujours les bienvenus. Créés en 2018, les guides Chien voyageur listent les endroits dogs-friendly dans différentes régions de France, comme la Haute-Savoie, la Bretagne ou le Jura. Ces livres proposent également des adresses de gardiennage à la journée ou à la demi-journée.

Gladys Winkler Docourt: «Le marché cible est ici extrêmement concentré: ce sont les propriétaires de chien qui veulent partir en vacances avec leur animal. Le travail de recherche en amont est considérable. Il faudrait tester l’idée au niveau local, par exemple à l’échelle des cantons, ou alors trouver des partenariats pour intégrer cette partie animalière à des guides touristiques déjà bien établis.»

Guide touristique pour des vacances avec son chien
© DR

24 - Sponsoriser un créateur de contenu et partager son succès

Au travers de la société GigaStar, les fans peuvent investir dans leurs créateurs de contenu YouTube favoris. Ils soutiennent ainsi la croissance de la chaîne et toucheront en retour un pourcentage sur les revenus que celle-ci engendrera à l’avenir. Ils bénéficient aussi d’avantages spéciaux et d’un accès privilégié à leur «star». Fondée en 2022 à Chicago, l’entreprise a réalisé une première levée de fonds de 4,8 millions de dollars pour se développer.

Christina Hertel: «Ce concept est novateur et prometteur, car il s’inscrit dans un secteur en plein essor. Goldman Sachs estime que l’économie des créateurs de contenu pourrait approcher les 480 milliards de dollars d’ici à 2027. Ce modèle transforme les fans en parties prenantes, en leur donnant le sentiment d’être propriétaires de leur contenu favori. Le concept de partage d’un pourcentage des revenus futurs d’une chaîne avec des investisseurs ajoute une incitation financière. Il démocratise aussi l’accès à l’investissement parmi les créateurs, ce qui est essentiel pour eux étant donné que seuls 12% des créateurs à temps plein gagnent plus de 50 000 dollars par an. Compte tenu du nombre élevé de consommateurs avertis et férus de technologie en Suisse, un tel modèle a du potentiel dans notre pays.»


25 - Compagnie de taxis volants

Prévu lors des JO 2024 à Paris, le début de l’exploitation des engins volants de la start-up allemande Volocopter permettra de relier l’aéroport de Paris-Le Bourget au centre-ville de la capitale en dix-sept minutes, contre une heure en voiture. Une course dans ces petits hélicoptères électriques devrait coûter environ 200 euros. Mais cette société n’est pas la seule dans cette industrie en devenir: selon le cabinet américain de conseil en stratégie Oliver Wyman, 170 prototypes de taxis volants sont en développement.

Nathalie Nyffeler: «C’est un univers fascinant qui n’est plus de la science-fiction! Il y a désormais énormément d’acteurs qui tentent de se positionner, dont des géants comme Porsche, Boeing, Airbus, Audi, etc. Il pourrait y avoir un marché en Suisse, pour une clientèle assez fortunée, et dans le transport de marchandises. Cela ne semble toutefois pas une solution pour les déplacements individuels.»

Volocopter
© DR

26 - Un temple dédié à l’e-sport

L’e-sport et les jeux vidéo sont les divertissements qui se développent le plus vite, loin devant le cinéma et autres activités. Le marché mondial de l’e-sport devrait atteindre une valeur de 2,7 milliards de dollars d’ici à 2025, selon le cabinet américain Arizton. Or jouer à plusieurs est plus motivant que seul devant son écran. La société américaine Sports Facilities Companies développe aujourd’hui des lieux dédiés à l’e-sport dans diverses villes à travers le monde, intégrant un espace pour les tournois professionnels, les séances d’entraînement des équipes, des cabines de streaming ainsi que des installations pour les simples amateurs de jeux vidéo.

Virginie Bauman: «L’e-sport explose depuis quelques années, avec de gros enjeux financiers. On se trouve donc dans un contexte très favorable, avec un clair intérêt du public. Aménager une infrastructure ambitieuse peut aussi être intéressant pour les pouvoirs publics, dans l’idée d’accueillir des compétitions dans sa région. Reste le fait qu’une telle installation demande des investissements initiaux conséquents, tout comme les coûts de fonctionnement. L’enjeu consiste à établir une rentabilité à long terme, par exemple en diversifiant les sources de revenus: consommation, abonnements, sponsoring, etc.»


27 - Acheter groupé pour réduire ses factures

Lancé en Australie en 2011, One Big Switch opère aujourd’hui aussi en Irlande et compte plus de 1,5 million de membres. Le réseau a développé un concept simple: regrouper le plus de consommateurs possible afin de bénéficier d’offres ou de réductions de groupe sur les prix de l’énergie, des assurances, d’internet et des télécommunications. En Irlande, cette stratégie permet aujourd’hui à One Big Switch de proposer une offre d’électricité via le fournisseur Yuno Energy. Facturés un mois à l’avance sur la base d’une prévision de consommation personnalisée et d’un tarif unitaire, les clients pourraient ainsi économiser jusqu’à 500 euros par année.

Felix Stähli: «Ce genre de regroupements va devenir de plus en plus populaire, aussi en Suisse. Il s’agit d’une solution simple et avantageuse, dont la logique s’inscrit dans celle du crowdfunding, crowdlending ou crowdcrediting. Il est en effet toujours plus facile d’atteindre son but lorsque l’on se met ensemble. Nous avons par ailleurs déjà une loi qui stipule que le producteur local doit racheter l’énergie solaire produite par les consommateurs à un certain taux. Un tel projet permettrait de renforcer ce système.»


28 - Découvrir les villes à vélo

Découvrir Paris, Florence, Rome, Barcelone, mais aussi San Francisco et Washington à vélo, c’est le credo de la plateforme Fat Tire. Fondée en 1999 par David Mebane, un Américain installé à Paris et désireux d’offrir aux touristes anglo-saxons un autre regard sur la capitale française, la marque s’est progressivement étendue à d’autres villes d’Europe, puis aux Etats-Unis. Les offres multiples vont du simple tour de quelques heures à des packs incluant des visites culturelles ou des expériences gastronomiques. Il faut compter environ 6 francs par heure pour la location d’un vélo simple, les tarifs peuvent ensuite monter jusqu’à 300 francs pour un tour privé avec guide.

Philippe Gaemperle: «La Suisse se prête à merveille à ce type d’activités touristiques. On imagine bien le succès dans des villes comme Genève ou en Lavaux, par exemple. Financièrement, toutefois, cela demande un investissement considérable (matériel, logistique, guides) sur un espace plus étendu et fragmenté que les grandes villes comme Paris ou Rome. Pour développer ce modèle en Suisse, il faudrait construire des partenariats avec des offices du tourisme ou des opérateurs touristiques.»

Fat Tire Tours
© DR

29 - Un bar self-service connecté pour festivaliers

Victimes de leur succès, les festivals voient régulièrement leurs bars pris d’assaut, ce qui entraîne une congestion et de l’attente. Conséquence: les festivaliers ne se servent qu’une ou deux fois alors que 70% d’entre eux auraient voulu se servir davantage, selon la société française Drinkee. Fondée en 2021, cette dernière a mis au point une solution de bars self-service connectés pour optimiser la vente de boissons en festival et réduire les files d’attente. Lors du dernier tournoi de Roland-Garros, plus de 28 000 bières ont été vendues via un de ces distributeurs (13 500 litres).

Virginie Bauman: «Ici, on ne réinvente pas la roue au niveau du produit, mais on innove du côté du service. En termes de désirabilité pour les consommateurs, l’idée est intéressante. D’autant plus que l’entreprise présente des chiffres attestant du succès de sa solution. Il y a certes un enjeu de technologie à mettre au point et des investissements à prévoir pour l’acquisition du bar et garantir une expérience utilisateur sans heurt. Reste à savoir si l’on veut vraiment encourager la consommation d’alcool de cette manière, d’autant plus qu’enlever
le facteur humain réduit les garde-fous.»

Un bar self-service connecté pour festivaliers
© DR

30 - Des kits de repas livrés à domicile

Des recettes faciles à réaliser, livrées à domicile avec tous les ingrédients nécessaires: voilà ce que propose Blue Apron depuis 2012. Chaque semaine, l’entreprise américaine imagine plus de 70 plats et suppléments à base de produits haut de gamme et en grande partie locaux. Pour un prix minimum d’environ 60 dollars (deux portions), les utilisateurs peuvent choisir des recettes inspirées d’une grande variété de cuisines du monde: italienne, mexicaine, mais aussi japonaise, nord-africaine ou encore coréenne. Les quatre plans de repas «signature», «végétarien», «bien-être» ou «signature pour quatre personnes» permettent de filtrer les plats en fonction des préférences de chacun via le site ou l’application.

Pauline Musy: «Le «do it yourself», tout comme la prise de conscience concernant l’impact de l’alimentation sur notre santé, constituent de vraies tendances en Suisse. A condition qu’elle propose des aliments frais et issus de circuits courts, l’idée est excellente. Elle permettrait de promouvoir une consommation locale, tout en expliquant comment cuisiner des produits de la région. Les jeunes actifs, les couples et les familles qui manquent parfois de temps pour cuisiner ou faire leurs courses me semblent les parfaits publics cibles.»

Blue Apron
© DR

31 - Un lieu permanent d’art immersif

Van Gogh, Mondrian, Tintin: les spectacles son et lumière se développent en Europe, notamment pour les expositions d’art. En France, les Carrières des Lumières accueillent sur leur site en moyenne 770 000 visiteurs par an.

Christina Hertel: «Comme ces spectacles mêlent musique, narration et effets visuels, ils créent des expériences uniques pour des publics très divers. Ces installations, qui ne dépendent pas des conditions météorologiques et sont utilisables toute l’année, seraient pertinentes pour les régions de montagne (la Suisse romande ne dispose que de lieux de projection éphémères pour l’instant). Cela pourrait aider les stations confrontées aux aléas du changement climatique. Cependant, pour captiver le public, surtout à long terme, le contenu du spectacle doit être de grande qualité. En outre, l’équipement nécessaire est très coûteux et le lieu doit être adapté.


32 - Concepteur de personnalité pour IA

Avec la généralisation de l’intelligence artificielle (IA), le métier de concepteur de personnalité, qui consiste à créer des personnages fictifs utilisés pour des assistants vocaux et des avatars, prend de l’ampleur. La société française Vivoka, créée en 2015, s’est fait connaître grâce à Zac, son premier avatar, qui prenait la forme d’un raton laveur holographique. Aujourd’hui, l’entreprise vend ses systèmes de reconnaissance vocale embarquée dans le monde entier et ce, dans des domaines très divers: hôtellerie, cabinets médicaux, appareils ménagers, etc. Elle concurrence ainsi les GAFAM.

Nathalie Nyffeler: «Les entreprises du domaine ont un potentiel immense. Une étude américaine a montré que 20% des usagers réalisaient déjà leurs recherches par la voix lorsqu’ils sont à l’extérieur et 60% en intérieur. Il faut toutefois veiller à la protection des données – le système déconnecté des réseaux de Vivoka est intéressant en ce sens – et à la question du domaine d’application. Où cela a-t-il du sens d’interagir avec une machine plutôt qu’avec un humain? Les hôpitaux ne me semblent pas forcément indiqués, par exemple.»


33 - L’Uber des influenceurs

Les réseaux sociaux et leurs influenceurs sont devenus des incontournables du marketing moderne. La plateforme texane Aspire, fondée en 2014, réunit les personnalités les plus suivies sur différents réseaux comme Instagram ou TikTok. Elle permet en outre aux marques de suivre en temps réel les effets de ces campagnes en termes de visibilité et de ventes.

Vincenzo Pallotta: «Les Suisses sont un peu à la traîne du point de vue du marketing, ce type de plateforme me paraît donc tout à fait pertinent pour que des entreprises se lancent sur le marché international. Cependant, étant donné que des acteurs établis existent déjà à l’étranger, il faudrait que la concurrente suisse invente quelque chose qui lui permette de se démarquer, comme une nouvelle fonctionnalité.»


34 - La place de marché des artisans

Place de marché en ligne pour plombiers et électriciens, Porch permet de comparer différents prestataires de services et de faire appel à eux. La plateforme permet de sélectionner non seulement les meilleurs services, mais aussi aux meilleurs prix grâce à un indicateur dynamique des moyennes tarifaires par type de service. En 2020, huit ans après sa création, l’entreprise américaine est entrée en bourse et figure désormais sur les listes du Nasdaq. En 2022, Porch annonçait 275,9 millions de dollars de chiffre d’affaires, en hausse de presque 43% par rapport à l’année précédente.

Philippe Gaemperle: «Une telle plateforme semble très intéressante pour les clients comme pour les prestataires de services, à qui elle offre une vitrine. Du fait de la fragmentation du marché suisse, il faudrait que l’entreprise se concentre sur un périmètre bien précis, par exemple l’Arc jurassien, et développe des partenariats avec l’aide des pouvoirs publics.»


35 - Plateforme de jobs en gig economy

De plus en plus de professionnels travaillent en indépendants ou complètent leurs revenus avec un petit boulot à côté de leur activité principale. Fondée en 2010, la plateforme israélienne Fiverr sert de place de marché à ces travailleurs indépendants qui souhaitent proposer leurs compétences au plus grand nombre. On peut notamment y recourir pour des travaux de rédaction, de traduction, de création graphique ou vidéo ou encore de la programmation.

Eric Davoine: «Les clients de ces plateformes peuvent avoir de bonnes surprises en termes de qualité des prestations. L’enjeu principal d’un tel modèle consiste dans le fait que les freelances suisses se retrouvent en concurrence immédiate avec le monde entier. En outre, les mécanismes de classement sont de manière générale souvent assez superficiels, ce ne sont pas toujours les meilleurs contributeurs qui sont les mieux notés.»


36 - Des bâtiments à partir de déchets plastique

Spécialisé dans l’upcycling, Kubik fabrique des matériaux de construction à base de plastique recyclé. Présente au Kenya et en Ethiopie, la start-up retire 45 000 kilos de déchets par jour, qu’elle transforme en produits à faible teneur en carbone, qui émettent nettement moins de gaz à effet de serre que le ciment. La start-up prévoit de doubler sa production (10 000 logements par an aujourd’hui) grâce à un cycle de financement d’amorçage de 3,34 millions de dollars clôturé en 2023.

Felix Stähli: «Le plastique est souvent utilisé pour la fabrication de produits à usage unique. Or les propriétés de ce matériau sont idéales pour la construction de bâtiments plus durables. C’est très inspirant de voir qu’une solution qui répond au problème de recyclage de ces matériaux est déjà en circulation dans notre économie. Cela favorise un accès au logement pour tous sans passer par la déforestation. Reste à savoir si la population suisse est prête à ce changement ou s’il ne s’agira que de bâtiments d’utilité publique.»

Des bâtiments à partir de déchets plastique
© DR

37 - Taxi en covoiturage

Sur une seule interface, la plateforme Grab propose différents modes de transport allant de la voiture avec chauffeur privé (GrabCar) à la voiture partagée avec d’autres utilisateurs pour diviser les frais, à la manière d’un covoiturage (GrabShare). Première licorne d’Asie du Sud-Est, la firme singapourienne a désormais ajouté la livraison de plats cuisinés, mais aussi de courses alimentaires ou encore de colis postaux.

Vincenzo Pallotta: «Cette plateforme s’est distinguée en visant des marchés émergents spécifiques. La possibilité d’utiliser ces services tout en payant les prestations en liquide constitue par exemple un atout en Asie du Sud-Est, où de nombreuses personnes n’ont pas de carte de crédit. En Suisse, les offres de services d’entrée de gamme ont néanmoins de la peine à trouver un écho auprès du public. Une majorité de la population possède sa propre voiture et peut toujours compter sur un réseau de transports publics de qualité. Le marché des VTC s’adresse plutôt à une clientèle haut de gamme, composée notamment de touristes et d’hommes d’affaires.»

Taxi en covoiturage
© DR

38 - Lancer des défis architecturaux

Créée au Honduras, Bhauss offre une plateforme pour les architectes et les designers d’intérieur. Les 550 professionnels d’Amérique latine qui y sont inscrits se font ainsi connaître et répondent aux demandes d’interventions de particuliers. Ces derniers peuvent, dans un système basé sur l’IA, préciser leurs besoins et goûts, à l’aide d’un «MoodBoard». Sur cette base, ils lancent un défi à la communauté du site et reçoivent ensuite des propositions.

Nathalie Nyffeler: «Cette entreprise a reçu des prix en Amérique centrale et son idée est intéressante. Néanmoins, pour la transposer en Suisse, il faudrait une autre source de revenu qu’un paiement de la part des designers ou des clients. Je crains que le marché des personnes pouvant se payer ce type de services ne soit trop restreint chez nous. On pourrait cependant imaginer des partenariats avec plusieurs chaînes de magasins qui proposeraient, en un même lieu, leurs produits de décoration, d’ameublement ou d’aménagement.»

Lancer des défis architecturaux
© DR

39 - Abonnement hôtelier pour nomades digitaux

L’entreprise Selina, créée au Panama en 2014 et basée à Londres, propose aux voyageurs et aux digital nomads de séjourner dans les auberges de jeunesse de son groupe pour un forfait d’un, de deux ou de trois mois. Les hôtels, situés sur tous les continents, offrent un espace de coworking et des activités pour travailler et se détendre, mais aussi pour sociabiliser. Les utilisateurs peuvent changer deux ou trois fois de site durant la période.

Nathalie Nyffeler: «Avec la pandémie et la hausse du travail à distance, le nombre de travailleurs nomades a fortement augmenté, créant de nouvelles opportunités. Depuis, de nouvelles contraintes ont toutefois vu le jour, avec par exemple des obligations d’être présent dans le pays durant le télétravail. L’offre de Selina est séduisante, mais je développerais cette idée en Suisse auprès d’un autre type de clientèle, bien représentée ici, celle des seniors actifs.»


40 - Les fermes à champignons urbaines

Aux Etats-Unis, Smallhold a fait le pari de décentraliser la production de champignons pour la rapprocher des consommateurs. L’entreprise new-yorkaise propose d’installer des «minifermes» – des kits de culture ainsi que des caissons climatisés et optimisés pour la prolifération des champignons – directement dans les restaurants ou les commerces. Chacune peut produire jusqu’à 30 kilos de champignons par semaine, comme des pleurotes jaunes, des champignons de Paris ou des shiitakés.

Vincenzo Pallotta: «Le public suisse étant assez sensible à la qualité de ses aliments, une firme qui offre une production biologique et locale aura toutes les chances de réussir. J’imagine tout à fait des restaurants asiatiques ou des épiceries biologiques s’intéresser à ce type d’offre. Le concept peut aussi séduire des particuliers. Les espèces de champignons proposées par Smallhold sont toutefois plutôt exotiques; or les Suisses sont relativement conservateurs dans leurs habitudes alimentaires.»

Smallhold
© DR

41 - Vente et location de camionnettes durables

L’entreprise madrilène Alquiler Sostenible («Louer durable») propose aux PME des véhicules électriques à louer au mois ou à l’achat. Ces camions et camionnettes sont de seconde main. La société propose aussi des services de location de chauffeur, de chargement et déchargement, de formation, ainsi que de transformation au gaz de moteurs de camions.

Virginie Bauman: «Ce concept est un joli exemple d’économie circulaire et répond clairement à un besoin croissant de solutions respectueuses de l’environnement. Le fait de renforcer le modèle d’affaires grâce aux services de support et de maintenance me semble intéressant. Les défis, selon moi, concernent l’acquisition et le maintien d’un parc de véhicules de seconde main, et la gestion de fin de vie des batteries. Il faut que l’infrastructure de recharge et la maintenance offrent une solution pratique à grande échelle pour les PME clientes. Il faut aussi veiller à ne pas se disperser en services annexes. Par ailleurs, un tel modèle demande un apport initial important.»


42 - Mode d’emploi pour la vie d’adulte

Gérer un budget, remplir sa déclaration d’impôts, souscrire à un 3e pilier: ces démarches incontournables de la vie d’adulte sont rarement expliquées aux jeunes actifs et peuvent rapidement tourner au cauchemar administratif lorsqu’on y est mal préparé. La plateforme américaine Realworld veut guider ses utilisateurs dans la vie d’adulte. Les abonnements coûtent entre 5 et 10 dollars par mois. Aux Etats-Unis, l’offre lancée en 2018 a déjà séduit plus de 125 000 personnes.

Vincenzo Pallotta: «Pour une plateforme qui s’adresse aux jeunes, l’interface me paraît un peu simpliste, voire surannée. L’offre peut toutefois être intéressante pour des personnes plus âgées qui auraient besoin d’un accompagnement dans leur gestion financière ou d’autres aspects de la vie quotidienne.»


43 - Garderie de valises

Que faire de sa valise lorsqu’on se balade en ville? La start-up danoise Luggage-Hero a développé le concept de bagagerie collaborative. Le principe: des magasins, des cafés, des hôtels deviennent partenaires du réseau pour fournir une bagagerie sécurisée. Ils s’adressent notamment aux voyageurs qui choisissent la location entre particuliers, à l’instar d’Airbnb, et qui doivent rendre leur location sans pouvoir laisser leurs bagages. Le montant par sac est soit un prix forfaitaire de 5 euros par jour, soit un tarif de 0,95 euro par heure.

Gladys Winkler Docourt: «J’imagine tout à fait ce concept dans les grandes villes suisses. Développer la plateforme n’est pas compliqué techniquement; il faut par contre créer un réseau de confiance et donc avoir quelqu’un qui se rend régulièrement sur place pour vérifier le bon fonctionnement des partenariats.»


44 - Vélos, trottinettes et scooters électriques pour les entreprises

La plateforme singapourienne Beam propose des flottes de vélos, de trottinettes et de scooters électriques en libre-service. En partenariat avec les villes d’Asie et d’Océanie, l’entreprise a déjà déployé plus de 40 000 véhicules. En 2021, elle a lancé une offre spécialement orientée vers les entreprises et leurs employés. Sur l’interface, l’utilisateur peut alors basculer en mode «business». La plateforme enverra ainsi la facture à l’employeur.

Vincenzo Pallotta: «L’idée a du potentiel pour la Suisse: certaines entreprises pourraient fournir des véhicules de mobilité douce à leur personnel pour obtenir des certificats CO2. Toutefois, notons que le climat, entre octobre et avril notamment, se prête moins à ce genre de mobilité en Suisse que dans les pays où Beam s’est installée.»


45 - Le capital-risque de la transition énergétique

Basée à Berlin, Vireo Ventures s’est fixé pour objectif d’accélérer la numérisation, la surveillance et la gestion intelligente des systèmes énergétiques. Approvisionnement en énergie, mobilité, transports, bâtiment et industrie: la société de capital-risque investit exclusivement dans des start-up européennes qui développent des technologies B2B. Le fonds a obtenu 20 millions d’euros du Fonds européen d’investissement (FEI) en 2023.

Felix Stähli: «Ce type de fonds est nécessaire pour la transition énergétique dans le monde. En Suisse, nous avons la chance d’avoir des acteurs privés et publics qui impulsent les dynamiques nécessaires et investissent déjà dans des technologies en faveur de la transition énergétique. Des projets à vocation sociale en biodiversité ou inclusivité, par exemple, avec un faible taux de rentabilité, pourraient bénéficier de ce type de réseaux d’investissement propres.»


46 - Engranger de l’argent avec ses données

Etre payé pour regarder de la publicité, c’est le principe développé par la start-up Kubik Data. Fondée en 2019, l’entreprise espagnole promet un meilleur taux de conversion à ses clients et de reverser jusqu’à 50% de ses revenus à ses utilisateurs. Le principe? Les internautes détaillent diverses données personnelles à la plateforme de manière anonyme. L’application les met alors en relation avec les campagnes pour lesquelles ils constituent le public cible approprié. En phase de test, le service a su séduire des annonceurs tels que Logitech ou Samsung.

Eric Davoine: «On peut imaginer qu’une telle offre fonctionne bien auprès des jeunes, avec des produits qui correspondent à une mode ou à une nouveauté. Mais est-ce qu’on peut motiver des gens qui disposent d’un pouvoir d’achat conséquent à regarder de la publicité?»


47 - L’opticien virtuel

Plutôt que de prendre rendez-vous chez un opticien, de se déplacer jusqu’à son cabinet pour prendre les mesures, pourquoi ne pas profiter de l’intelligence artificielle pour simplifier le processus et surtout l’effectuer entièrement dans le confort de son domicile? L’offre émane de l’entreprise Lenscope, un spin-off de l’Université de Campinas, au Brésil, créé en 2015. Sur le site internet, le client sélectionne son degré de déficience visuelle. A l’aide de photos prises par smartphone, le logiciel mesure ensuite la distance entre les pupilles et propose un choix de montures de lunettes adaptées. La formule permettrait non seulement d’obtenir des résultats plus précis grâce à l’IA, mais aussi de réduire jusqu’à 70% le prix d’une paire de lunettes de vue.

Philippe Gaemperle: «Difficile de pénétrer le marché suisse des opticiens compte tenu du nombre d’acteurs qui semblent encore très rentables. Le consommateur suisse accorde souvent une plus grande importance à la qualité du service. Il pourrait donc se révéler compliqué de l’amener à acheter ses lunettes sur internet. Néanmoins, la compétitivité des prix est un aspect qui joue en faveur de la start-up.»

Lenscope
© DR

48 - Approche personnalisée de l’éducation

Destinée aux enfants et adolescents de 3 à 18 ans, la plateforme américaine Outschool propose plus de 100 000 cours en ligne. Maths, langues, histoire de l’architecture avec Minecraft et danses du monde: la diversité des cours permet une approche personnalisée de l’éducation, qui séduit déjà plus de 500 000 élèves dans 200 pays. Validé par Outschool, chaque enseignant peut aussi être évalué par les utilisateurs.

Pauline Musy: «Une telle plateforme favorise l’accès au savoir pour tous, ce qui est très positif. Si le contenu est de qualité, elle peut par exemple constituer une très bonne opportunité pour des élèves qui auraient besoin d’un soutien scolaire à des tarifs avantageux. J’émets toutefois une réserve concernant des activités d’apprentissage sur écran pour les tout-petits.»


49 - Réduire le gaspillage alimentaire avec l’IA

Fondée en 2018, la start-up coréenne Nuvilab propose un scanner qui allie analyse des déchets alimentaires et de la consommation. Basée sur l’intelligence artificielle, la solution entend améliorer la gestion des restes dans les cantines des hôpitaux, des hôtels et des écoles. Après avoir scanné leur assiette, les consommateurs peuvent aussi recevoir un suivi de leurs habitudes alimentaires sur une application mobile.

Pauline Musy: «Tout projet qui contribue à réduire le gaspillage alimentaire (14% des déchets en Suisse) sans demander d’effort supplémentaire aux employés ou consommateurs est intéressant. Mais des poubelles intelligentes, qui scannent les aliments jetés, existent déjà sur le marché.»

La start-up coréenne Nuvilab
© DR

50 - Assurance personnalisée des PME

Avec déjà 16 millions de fonds levés depuis sa création en 2021, la start-up française Orus a su séduire les investisseurs. La société, qui s’adresse aux très petites à moyennes entreprises, leur permet de s’assurer complètement en ligne, en cinq minutes. Elle a déjà convaincu quelque 5000 clients avec son premier produit, testé auprès des restaurateurs, puis élargi à d’autres types de PME. Les garanties proposées sont modulables et adaptées aux différents métiers. L’entreprise de 25 collaborateurs entend aussi proposer le moins de contraintes possible et des prix abordables.

Nathalie Nyffeler: «Cette start-up est vraiment intelligente puisqu’elle a ciblé en premier lieu les restaurateurs, qui sortaient de la crise covid, et les entreprises de moins de 50 employés. Ce marché est conséquent (Orus cible les 24 millions de TPE/PME de l’Union européenne) et souvent un peu délaissé par les assureurs traditionnels. Grâce à l’intelligence artificielle, la société simplifie les processus et peut offrir des garanties à la carte, qui peuvent aussi correspondre au chiffre d’affaires. Transposer ce projet en Suisse me semble une bonne idée puisque le pays présente des volumes intéressants. En comptant seulement les micro-entreprises, on comptabilise plus de 540 000 clients potentiels.»

Nos experts donnent leur avis
  • Virginie Bauman Coach en développement d’entreprise chez Genilem, Genève
  • Eric Davoine Professeur titulaire de la chaire de ressources humaines et organisation à l’Université de Fribourg
  • Pauline Musy Coach en développement d’entreprise au sein de l’association Fri Up, Fribourg
  • Felix Stähli Cofondateur d’Impact Hub à Lausanne
  • Gladys Winkler Docourt Directrice de Creapole à Delémont (dès janvier 2024)
  • Anne Headon Directrice du HUB Entrepreneuriat et Innovation de l’Université de Lausanne
  • Christina Hertel Professeure assistante, Institute of Management, Geneva School of Economics and Management, Genève
  • Nathalie Nyffeler Responsable Innovation & Entrepreneuriat à la Haute Ecole d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD)
  • Vincenzo Pallotta Professeur en management et en innovation à la HES-SO et à la HEIG-VD
  • Philippe Gaemperle Coach en développement d’entreprise et responsable du service coopération au sein de la plateforme d’innovation Platinn, Neuchâtel