«Dans un chalet de vacances, les habitants recherchent souvent une ambiance authentique avec du bois lourd, rugueux et avec beaucoup de nœuds. En revanche, une maison familiale occupée à l’année présente un style plus épuré, dans lequel on peut intégrer des inspirations nordiques ou anglaises, avec des bois plus lisses, moins de nœuds, des finitions mates et des revêtements muraux en tissu», explique Laurent Berset, architecte et cofondateur du bureau Alp’Architecture situé dans le val de Bagnes (VS) et spécialisé dans les projets en montagne.
Le chalet de montagne a complètement changé d’affectation. A ses débuts, l’architecture de cette bâtisse à vocation agricole était pensée pour résister aux chutes de neige, au froid et à l’humidité qui règnent en montagne avec les matériaux présents disponibles sur place. Au cours des XXe et XXIe siècles, les touristes aisés ont peu à peu remplacé les bergers et paysans de montagne et les nouveaux matériaux de construction ont ouvert la voie à des méthodes de construction plus sophistiquées. «Le style a considérablement évolué. Autrefois, on privilégiait les murs majoritairement pleins et les fenêtres de petite taille pour minimiser les pertes de chaleur. Désormais, les constructions de montagne adoptent un style ouvert sur l’extérieur fidèle aux codes de l’architecture urbaine contemporaine: fenêtres larges, plafonds hauts et espaces ouverts.»
Les murs sont enduits de chaux pour mieux refléter la lumière naturelle et créer une ambiance chaleureuse.
Une authenticité de façade
Cette évolution s’accompagne néanmoins de paradoxes. L’architecture alpine réinterprète les codes de cette architecture montagnarde rudimentaire, mais uniquement dans leur dimension décorative. «Il est fréquent de plaquer du bois et de la pierre sur des structures en béton pour leur donner un aspect rustique. Cela permet aussi de masquer l’utilisation de béton armé, qui est l’un des matériaux modernes par excellence.»
Autre exemple: les «pierres à souris» (soubassement en pierre sur lequel on construisait la bâtisse en bois pour protéger les récoltes des rongeurs) n’ont souvent plus aucune fonction pratique mais perdurent grâce à leur valeur esthétique.
Ces références aux chalets traditionnels se retrouvent aussi dans l’architecture intérieure. «En ville, l’aménagement intérieur suit les tendances et évolue rapidement. En montagne, à l’inverse, certains codes sont immuables», précise Sandrine Karlen, architecte d’intérieur et fondatrice de Hi-Render, un bureau de visualisation 3D spécialisé dans l’architecture et le design d’intérieur.
Dans un chalet, les habitants cherchent souvent à reproduire une ambiance de cocon familial.
Sandrine Karlen, architecte d’intérieur et fondatrice, 3D Hi-Render
L’importance de la luminosité
«Dans un chalet, les habitants cherchent souvent à reproduire une ambiance de cocon familial. On privilégie donc des matériaux comme le vieux bois ou le bois poncé, qui donnent un aspect chaleureux aux pièces. A cela s’ajoutent des éléments en métal noirci, comme une cheminée aux lignes épurées, afin d’éviter un ton trop rustique. Les parois sont souvent enduites de chaux. De couleur blanche ou crème, ce revêtement produit des jeux d’ombres et des nuances qui donnent de la profondeur aux espaces, créant cette ambiance intime et sereine. A la montagne, les gens veulent ressentir les matériaux et trouver un équilibre entre rusticité et modernité.»
La lumière constitue également un enjeu majeur, notamment en hiver, lorsque l’ensoleillement est plus faible. «Nos clients souhaitent des intérieurs lumineux. Mais les grandes baies vitrées impliquent souvent l’utilisation de béton et de métal, ce qui peut contraster avec l’aspect rustique recherché. Par beau temps, ces fenêtres grand format peuvent aussi conduire à une surchauffe de l’espace intérieur, et les écarts importants entre les températures de jour et de nuit peuvent générer une forte condensation», précise Laurent Berset. Pour Sandrine Karlen, il faut en effet éviter de tout miser sur les grandes ouvertures. «Il vaut mieux jouer sur la lumière pour mettre en valeur le mobilier ou la décoration et rendre les espaces plus accueillants. Nous évitons les spots intégrés et privilégions un maximum de lumière indirecte. En variant les hauteurs et les intensités, nous pouvons structurer l’espace et créer un parcours visuel pour le regard.»
A l’intérieur, le bois prédomine, mais il est souvent associé à des objets en métal (ici un poêle et sa cheminée apparente) pour une finition plus moderne.
Rénovation et optimisation de l’espace
La flambée des prix de l’immobilier alpin oblige à optimiser les surfaces. «Nous travaillons souvent avec des espaces réduits. L’utilisation de mobilier intégré permet de maximiser les rangements, en particulier dans les chambres et les salles de bain, dont la surface est souvent réduite au minimum au profit des pièces à vivre», explique Sandrine Karlen.
En réponse à la raréfaction des terrains en station et à l’évolution de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT 2), autorisant sous certaines conditions le changement d’affectation des bâtiments agricoles inutilisés, la rénovation d’anciennes bâtisses connaît un certain succès. «On constate un attrait pour les granges, mayens et autres constructions traditionnelles transformées, observe Laurent Berset. Mais ce sont des projets complexes et coûteux. Certains propriétaires ne se rendent pas compte qu’une grange rurale typique n’est pas conçue pour accueillir un garage, de grandes caves ou des chambres dotées de vastes baies vitrées. Il faut être prêt à s’adapter au bâtiment tel qu’il est.» L’approche du design d’intérieur doit elle aussi se réinventer dans le cadre des projets de rénovation. «Nous allons chercher à mettre en valeur les éléments historiques ou architecturaux marquants du bâtiment. Dans une maison familiale, par exemple, une poutre gravée avec les marques de croissance des enfants peut devenir un élément central du design intérieur. Il y a une véritable dimension psychologique dans ce métier: nous entrons dans l’intimité des gens, il est essentiel de comprendre ce qui leur tient à cœur», dit Sandrine Karlen.
Avant la Lex Weber, le législateur avait déjà mis en place des garde-fous visant à empêcher une emprise trop importante des propriétaires internationaux sur les biens immobiliers suisses, y compris dans les régions alpines.
Depuis 1985
Lex Koller
La loi sur l’acquisition d’immeubles par les personnes à l’étranger ou Lex Koller prévoit que les étrangers doivent obtenir une autorisation spéciale pour acheter un bien immobilier en Suisse. Objectif: éviter que les villages alpins ne deviennent des vitrines fantômes pour résidences de luxe inhabitées la plupart de l’année.
Résidents UE/AELE
Exemptés
Ce régime ne s’applique pas aux ressortissants de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE) résidant en Suisse, ni aux ressortissants extra-européens dont l’établissement en Suisse est attesté de longue date (permis C).
Autorisations
Des quotas par canton
Le nombre d’autorisations pour l’acquisition d’un bien immobilier par une personne étrangère est soumis à un quota, actuellement fixé à 1500 par an par le Conseil fédéral. Ce contingent est réparti entre 17 cantons où certaines régions dépendent en grande partie du tourisme. Actuellement, 330 autorisations peuvent être délivrées par le Valais, 290 par les Grisons, 195 par le Tessin, 175 par Vaud et 140 par Berne.
Restrictions
Ne pas viser trop grand
Même en cas d’autorisation, le propriétaire étranger fait face à plusieurs restrictions: la surface habitable du bien ne peut pas excéder 200 m² et la location à des tiers est interdite si le logement est enregistré en tant que résidence secondaire (des exceptions s’appliquent aux logements de vacances). En outre, l’acheteur international ne peut acquérir qu’une seule résidence secondaire sur l’ensemble du territoire suisse. Dans des cas spécifiques, le Conseil fédéral peut toutefois accorder des dérogations en vertu de l’intérêt supérieur.
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