«On ne voit pas comment les prix pourraient diminuer. Depuis l’introduction de la loi sur les résidences secondaires, même si la demande cessait d’augmenter, les valeurs continueraient de progresser», estime Edouard Clerc, fondateur et CEO d’Inved, spécialisée dans le conseil immobilier.
Depuis 2009, le marché immobilier alpin affiche une croissance annuelle moyenne de 1,9%. Cette dynamique s’est intensifiée après la pandémie, avec une accélération du rythme de progression à Nendaz de 4% selon l’«Alpine Property Report». Résultat: en 2024, le prix du mètre carré avoisinait les 40 000 francs à Gstaad (BE) et entre 12 000 et 13 000 francs à Grimentz (VS).
Une augmentation qui ne freine pas la clientèle suisse. «Le chalet avec une centaine de mètres carrés, trois chambres, un jardin, reste l’objet le plus prisé pour une famille avec deux enfants, poursuit Edouard Clerc. Le prix varie en fonction de l’emplacement, mais dans une station de moyenne taille, la fourchette se situe entre 1 et 1,5 million de francs. Dans ce genre de station, la clientèle reste majoritairement suisse sur les objets allant jusqu’à 3 millions de francs. Au-delà de ce seuil, on a plutôt affaire à une clientèle étrangère à la recherche de produits de luxe.»
Au-delà du cadre alpin et des sports d’hiver, certains voient aussi dans ces acquisitions une manière de placer leur argent. «Investir dans l’immobilier de montagne est un pari intéressant sur le long terme, la valeur du bien tend à fortement s’apprécier. En revanche, en termes de revenus locatifs, le rendement reste plus limité.»
«Dans certains commerces, il devient difficile de se faire comprendre en français»
Daniel Guinnard, ancien directeur de Guinnard Immobilier & Tourisme
«Aujourd’hui, le mètre carré peut atteindre 45 000 francs. En 1975, il était à seulement 2000 francs», se souvient Daniel Guinnard, courtier depuis plus de quarante ans à Verbier. Le Valaisan a repris les commandes de l’entreprise familiale active dans l’immobilier avant de la revendre en 2018 au groupe Domicim. Il a été témoin de l’évolution de son village natal. «La station a régulièrement évolué au fil des années. A présent, elle se situe dans le haut de gamme et notre clientèle n’hésite pas à investir plusieurs dizaines de millions pour un chalet.» Un essor qui profite au secteur immobilier mais qui impacte la population locale. «Avec la hausse continue des prix, les locaux peinent à trouver un logement abordable. Dans certains commerces, il devient difficile de se faire comprendre en français. C’est une situation que connaissent de nombreuses stations, mais Verbier est particulièrement touchée.»
Le secteur de la rénovation devrait fortement se développer dans les prochaines années
Bastien Jacquod, directeur de Solvaco, entreprise de promotion immobilière
«Dans la foulée de la Lex Weber, le peuple suisse a voté en faveur de la révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT), visant à réduire le mitage du territoire et à favoriser la densification. «Cette réforme a entraîné le blocage de nombreuses parcelles et une raréfaction des zones à bâtir. Résultat: la pénurie de logements et la montée des prix en station se sont accentuées», souligne Bastien Jacquod, directeur de Solvaco. L’entreprise basée à Sion est spécialisée dans la promotion immobilière en montagne. Cela dit, la disponibilité du foncier n’est pas le seul défi. «En montagne, il y a un patrimoine vieillissant qui va avoir besoin d’être mis à jour. Le secteur de la rénovation devrait fortement se développer dans les prochaines années. Il s’agit de faire du neuf avec du vieux.»
Nous allons imposer aux propriétaires un délai de douze ans pour construire
Patrick Turrian, syndic d’Ollon (VD)
«La vigueur du franc suisse et l’application de la Lex Weber ont nettement refroidi les acheteurs étrangers, constate Patrick Turrian. Au début des années 2000, un acheteur sur deux était étranger. Aujourd’hui, 80% des acquéreurs sont Suisses.» La station vaudoise n’a toutefois pas connu la même évolution des prix qu’en Valais. «Entre 2012 et 2018, les prix du foncier ont baissé. Aujourd’hui, nous sommes environ 10 à 30% au-dessus des niveaux de 2012.» Face au manque de terrains constructibles, la commune prend des mesures pour stimuler la construction dans les zones à bâtir. «En accord avec le plan d’aménagement cantonal, nous allons imposer aux propriétaires fonciers un délai de douze ans pour construire. Passé ce délai, ils seront soumis à une taxe. Cela prendra effet lorsque notre futur plan d’aménagement communal sera validé.»
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