Comment le marché immobilier dans les montagnes a-t-il évolué ces deux dernières décennies?
Un franc globalement faible et des taux d’intérêt en baisse ont rendu l’achat d’appartements de vacances dans les Alpes suisses attractif de 2006 à 2012. Les prix d’achat ont alors grimpé de près de 6% par an.
Mais l’adoption de l’initiative sur les résidences secondaires en 2012 a brusquement changé la donne. Le boom de la construction qui en a résulté a considérablement augmenté l’offre de logements de vacances. Parallèlement, le franc s’est fortement apprécié et la tendance aux voyages lointains a fait baisser la demande de logements à la montagne. Cela a entraîné une légère baisse des prix entre 2013 et 2019.
Avec l’introduction de restrictions de voyage et l’extension du télétravail à partir de 2020, la demande de résidences secondaires a de nouveau fait un bond. Depuis lors, les prix ont augmenté en moyenne de plus de 6% par an.
En montagne, la demande a explosé durant la crise sanitaire. S’agit-il d’une tendance durable?
La demande de logements de vacances s’est légèrement affaiblie au cours des deux dernières années. Dans l’ensemble, elle reste toutefois robuste. En 2024, le nombre d’abonnements de recherche d’appartements dans les régions de montagne était clairement supérieur aux valeurs de 2019, donc toujours nettement plus élevé qu’avant la pandémie.
Votre dernier rapport indiquait que la croissance des prix ralentirait en 2024. Est-ce que cela s’est vérifié?
L’évolution des prix l’an dernier a effectivement été légèrement inférieure à celle de 2023. Toutefois, selon nos estimations, les prix des résidences secondaires ont tout de même augmenté de près de 4% en moyenne entre le 3e trimestre 2023 et le 3e trimestre 2024 pour l’ensemble des destinations de vacances alpines.
Avec des prix atteignant parfois plus de 20 000 francs le mètre carré dans certaines stations, devenir propriétaire en montagne devient-il un luxe?
Un appartement de vacances dans les Alpes est un luxe. Suite à la raréfaction de l’offre de logements depuis l’acceptation de l’initiative sur les résidences secondaires et à la bonne évolution économique, un tel achat ne devient accessible que pour une minorité de ménages.
Et l’offre s’adapte à la demande: dans les destinations de vacances suisses, il existe de nombreux biens immobiliers qui se distinguent par des surfaces habitables généreuses et des normes d’aménagement supérieures à la moyenne. Ces caractéristiques ne sont toutefois pas nouvelles; par le passé déjà, des prix supérieurs à la moyenne étaient affichés pour de tels biens immobiliers. Aujourd’hui, certains chalets s’achètent à des prix dépassant 40 000 francs par mètre carré.
D’une manière générale, on peut affirmer que, d’un point de vue économique, toutes les résidences secondaires sont des biens de luxe, car la demande de logements de vacances croît avec l’augmentation des revenus.
Quel est l’impact de ces prix sur le financement de l’immobilier?
Sur le marché des résidences secondaires, les conditions d’octroi des hypothèques sont généralement plus strictes que sur le marché des résidences principales. Les banques financent souvent au maximum 60% de la valeur de nantissement. Toutefois, dans le cas des biens immobiliers de luxe, les acheteurs sont souvent prêts à payer une grande partie du prix avec leurs fonds propres, ce qui réduit l’importance du financement par des tiers.
Quel pourrait être l’impact sur le marché de réglementations telles que des restrictions sur les locations de courte durée ou l’abolition de l’imposition de la valeur locative?
En montagne, la location touristique d’appartements de vacances est en principe souhaitable. Une limitation de la durée de location réduirait fortement les rendements réalisables et pourrait tout à fait exercer une pression sur les prix au niveau local. L’abolition de la valeur locative et l’introduction d’un impôt sur les résidences secondaires pourraient – en fonction du montant de l’impôt – augmenter les frais courants d’un logement de vacances et peser sur la demande.
La génération des baby-boomers pourrait maintenir la demande pendant encore quelques années.
Maciej Skoczek, économiste immobilier, UBS
Les baby-boomers ont été le moteur de l’augmentation de la demande. Comment les nouvelles générations vont-elles influencer le marché?
La génération des baby-boomers pourrait maintenir la demande dans les régions de montagne pendant encore quelques années. Ces personnes disposent d’un capital et de revenus suffisants ainsi que de temps et de besoins pour acquérir une résidence pour la retraite – en particulier dans des régions fiscalement plus attrayantes.
La demande de la part des nouvelles générations sera probablement déterminée par deux tendances essentielles. D’une part, le travail à distance avec des horaires flexibles permet d’habiter à la montagne tout en poursuivant son activité professionnelle. Cela pourra contribuer à maintenir une demande élevée. D’autre part, les voyages lointains gagneront à nouveau en importance à moyen terme. Reste à savoir quel moteur s’imposera finalement auprès des nouvelles générations.
Où voyez-vous le marché des résidences secondaires dans vingt ans?
L’évolution des prix sur le marché immobilier est fortement influencée à long terme par la croissance économique. La hausse réelle des revenus et de la fortune devrait soutenir les prix, d’autant que l’initiative sur les résidences secondaires limite la croissance du nombre de logements.
En outre, la demande étrangère devrait rester forte et peu sensible aux prix, en particulier dans les sites de renommée internationale, car l’immobilier suisse est considéré comme un placement sûr et attrayant.
Dans ce contexte, le changement climatique constitue une épée à double tranchant: d’une part, la sécurité de l’enneigement en montagne diminue, d’autre part, les destinations de montagne pourraient rester convoitées comme lieux de retraite en raison des températures globalement plus basses durant les chauds mois d’été.
Une résidence secondaire en montagne reste-t-elle un bon investissement à long terme?
Par rapport aux investissements dans des résidences secondaires, les marchés urbains des résidences principales offrent des rendements sur le revenu plus stables, avec des augmentations de valeur comparables. En effet, le rendement annuel sur le marché des résidences secondaires est déterminé par quelques semaines dans l’année. Durant cette période, les propriétaires doivent également renoncer à l’utilisation personnelle de leur bien de vacances. La décision d’acheter un logement de vacances à des fins de location nécessite une évaluation minutieuse des rendements financiers et des avantages personnels.
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